En 2017, alors en déplacement en Indonésie, Philipson apprend que le plus gros des six volcans en activité du Vanuatu, sur l’île d’Ambae, crache une lave menaçante… Dans la précipitation, le volcanologue regagne le Pacifique Sud. Au caractère scientifique de la mission s’ajoute une dimension plus affective : le quadragénaire est lui-même originaire d’Ambae… "Je me suis senti redevable de pouvoir aller sur place, pour apporter à la famille un peu de ce que j’ai appris. Qu’est-ce que mon père aurait dit si je n’étais pas venu et si quelque chose de grave s’était passé ? Ça m’a donné la force d’y aller." Sous la menace du volcan réveillé, les 11.000 habitants ont été contraints d’évacuer l’île en 2018.
Philipson étudie en particulier le dégazage des volcans, afin de mieux anticiper leurs sautes d’humeur. "On dit souvent que le gaz est le télégramme qui vient du magma. Si on arrive à le capturer et à comprendre le message, on pourrait donc […] au moins dire s’il y a un changement dans le comportement du magma."
Des études supérieurs en Nouvelle-Calédonie et en Europe
Rien ne prédestinait pourtant l’enfant d’Ambae à cette extraordinaire carrière. Avant-dernier d’une fratrie de sept, Philipson a bénéficié d’un coup de pouce de son instituteur pour continuer une scolarité vouée initialement à s’arrêter au primaire : après le collège sur Santo puis le lycée à Port-Vila, le jeune homme gagne Nouméa avec la cohorte 1995 des étudiants du Vanuatu, pour étudier les SVT à "l’Université française du Pacifique" - telle que l’UNC s’appelle alors. Puis il part compléter sa formation en Europe : à Orléans durant trois ans jusqu’au DESS, avant un passage par la Belgique où il se spécialise dans l’utilisation des images satellite. C’est en 2010 qu’il intègre l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement), et le laboratoire de Clermont-Ferrand.
De 2012 à 2016, Philipson vit en Indonésie, dans un pays superlatif caractérisé par une intense activité volcanique : archipel de treize mille îles s’étendant sur cinq mille kilomètres, avec 300 volcans répertoriés actifs pour 78 surveillés ; Philipson en visitera une quarantaine au fil des ans. La logistique est difficile dès lors qu’on s’aventure dans les petites îles. Le "choc des cultures" initial sur l’île la plus peuplée au monde (Java) ouvrira une parenthèse inoubliable : "Avant d’aller en Indonésie on nous parle de terrorisme, de tremblements de terre, de volcans… Des aspects négatifs pas très encourageants ! Mais une fois qu’on est sur place et qu’on connaît bien ce Pays immense, il y a énormément de choses superbes et des gens très accueillants."
Un passionné qui veut transmettre son savoir
Après une décennie loin du Pacifique Sud, Philipson et sa famille sont revenus à Nouméa, où le scientifique pourra mieux suivre l’activité volcanique de la Région. "Il faut qu’on soit à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui tel le changement climatique, plaide le défenseur d’une meilleure coopération entre États insulaires. Par rapport au début où on commençait à être formés, je vois énormément d’étudiants en master, en thèse… Il y a un potentiel pour faire monter le niveau de la recherche en Nouvelle-Calédonie. Il faut des institutions pour l’accompagner. L’université doit monter en puissance, ça peut nous aider à affronter l’avenir."
Début 2016, Philipson a aussi participé en Amérique du Sud au "trail by fire", "descendre" le Pérou et le Chili avec une équipe internationale de cinq autres scientifiques, pour étudier quelques-uns des volcans parmi les plus hauts du monde. De son expérience sur le terrain à la croisée du scientifique, de l’aventure et du défi sportif, le passionné retient une philosophie générale qui remet l’humain à sa place : "On sent la puissance de la Nature à travers les volcans, des explosions qui vous traversent. Vous avez la terre qui tremble en-dessous, et cette odeur sulfureuse qui signale un environnement pas très accueillant… [...] Sur les volcans on se rend compte qu’on n’est rien… C’est la Nature qui aura toujours le dernier mot."