La Sonarep, une longue histoire traversée de crises

La société de roulage et de navigation Sonarep, œuvrant sur le massif de Poum avec le partenaire SLN, en 2021.
Positionnée comme un levier de développement économique et de diversification dans l’extrême Nord de la Nouvelle-Calédonie, la société minière Sonarep, aujourd’hui en procédure de liquidation judiciaire, a subi bien des chocs.

Quelle tristesse. En deux mots, le monde minier exprime son sentiment, au lendemain du placement en liquidation judiciaire de la Sonarep, la Société de navigation, de roulage et exploitation de Poum. Un double impact apparaît, après le jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa : une page de l’histoire calédonienne se noircit, et un levier de développement économique tombe.

Parce qu’au départ, dans les années 1990, "il y a une vision, une volonté" portées par Raphaël Pidjot, alors PDG de la SMSP, et Raymond Bwauva-Kaleba, petit-chef de la tribu de Titch et premier maire de la commune. L’activité minière doit contribuer au développement économique et à la diversification, et la société instaurée ne doit pas être refermée sur le clan, le but étant d’établir une cohésion sociale dans cet extrême Nord, ajoute Henriette Tidjine Hmae, actuelle première magistrate. 

Issue d'une fusion

Née de la fusion entre la Sorep et la Sonapo, deux sociétés spécialisées respectivement dans le roulage et la navigation, la Sonarep est enregistrée au tribunal de commerce en juillet 1996. Elle présente à ses débuts un capital à l’image de l’ambition : "51 % à la Sofinor" , bras financier de la province Nord, et "49 % se partageant entre le clan Bwauva, à hauteur de 25 %, et la population de Poum, pour 24 %", note l’élue. Une urgence existe. Placé avec le Koniambo au centre de l'Accord de Bercy signé en 1998, le massif de Poum est bien esseulé, dans cette pointe Nord, et sa durée de vie ne semble pas excéder désormais quarante ans. Assurée par la SMSP au départ, l’exploitation de la mine est tournée vers la SLN dans les années 2000 après l’accord d’échange des gisements historiques. Le minerai est aussi particulier, très acide et ferreux, difficilement absorbable par la pyrométallurgie de Doniambo. 

"Apaiser la situation"

Née à Poum et revenue à Poum, tout en conservant un moment l’activité à Poro, Houaïlou, pour la société SMP du groupe Maï, la Sonarep a traversé bien des crises. Sur fond parfois de rivalités dans la région et même de tensions politiques. En décembre 2016, la Sofinor devenue Nord Avenir s’est prononcée sur sa sortie du capital de la société de navigation et roulage. "Nous avons décidé de nous retirer pour laisser le champ libre aux gens de Poum dans le but qu’ils reprennent l’outil, et pour apaiser la situation", se souvient Victor Tutugoro, président de la société de financement et d'investissement à l’époque.

La notion d’exportation de ce minerai du massif, par opposition à la valorisation locale, a aussi généré des crispations. Autre épisode, la tentative d’arrivée en force du prestataire K Avenir, écartée par 95 % des actionnaires présents, a secoué l’appareil Sonarep. La situation financière de cette entreprise minière d’actionnariat populaire a surtout beaucoup interrogé. La trésorerie aurait été positive durant la décennie précédant le grand ramdam avec Nord Avenir en 2016-2017. Les actuels dirigeants ont prévu, semble-t-il, d’expliquer d’ici peu les raisons de la dégradation comptable. 

Gros projets

La Sonarep s’était fixée un objectif : que le massif de Poum livre les 25 % des 6 millions de tonnes de minerai visées par la SLN à l’export. Avec un deuxième cap maintenu très clair : qu’une partie des bénéfices de ce prestataire et tâcheron soutienne divers projets de développement. La quincaillerie et la station-service de Poum sont nées sous ce principe. En novembre 2021, la société Sonarep chiffrait ses ambitions à plus de 1,6 milliard de francs. Dans le lot, figuraient un lotissement résidentiel ou encore une nurserie d’holothuries et de bénitiers.

Aujourd’hui, "c’est catastrophique pour les petites structures", souligne Victor Tutugoro, vice-président de la province Nord. Avec ce placement en liquidation judiciaire, "nous sommes interpellés" observe, de son côté, Henriette Tidjine Hmae, évoquant en outre le contentieux entre l’institution de Koné et la SLN sur les autorisations nécessaires pour l’exploitation. "Un pan de l’économie de Poum est en train de tomber."

Voyez aussi le récit sur fonds d'images et interviews d'époque de Bernard Lassauce, Brice Bachon et Camille Mosnier