De longues files d'attente devant les magasins. Parmi les images fortes de ce jeudi 16 mai, il y a la ruée vers les quelques enseignes, grandes ou petites, qui ont pu ouvrir, parfois pour quelques heures. Faire des courses pour manger est devenu compliqué : axes routiers entravés, affrontements qui ont perduré, nombreux commerces détruits, enseignes pillées, magasins qui manquent d'employés…
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La peur de manquer
La gestion de la pénurie alimentaire a été confiée à un responsable qui cordonne les opérations. Mais les patrons des magasins qui n'ont pas brûlé font face à deux problèmes : l'accès aux sites et la gestion raisonnée de la vente. Car à Nouméa et dans le Grand Nouméa, la population s'inquiète du manque de nourriture et de produits de première nécessité. Produits congelés, pâtes, riz… Les rayons se vident à vitesse grand V.
Deux bateaux très attendus
Le haut-commissaire se veut rassurant. "Un bateau est au port de Nouméa, qui comporte 47 conteneurs de produits alimentaires", a détaillé Louis Le Franc, lors d'une conférence de presse ce jeudi. "Un autre arrivera [vendredi] avec 56 conteneurs de produits alimentaires, également avec des médicaments." Mais attention, pas encore de date de déchargement.
Des grandes surfaces écumées
Le secteur de l'alimentation a payé un lourd tribut aux émeutes, et les pillages se sont poursuivis. Directions, employés, regroupements de quartier et forces de l'ordre tentent d'empêcher les destructions complètes et de sauver les emplois. Voyez ce reportage édifiant, à Nouméa et Dumbéa, de Martin Charmasson, Aiata Tarahu, Gaël Detcheverry et Christian Favennec.
Des personnels sans relève
Il est également devenu difficile de se soigner. Au Médipôle, la situation est tendue. Le personnel n'a pas été relevé depuis trois jours. Il s'organise pour se reposer sur place. La circulation entravée ne permet ni aux malades ni aux soignants de rejoindre l'hôpital, qui fonctionne en mode dégradé. Le Médipôle aurait dû activer son plan blanc, pour ouvrir plus de lits et pouvoir soigner massivement. C'est la procédure habituelle dans ce type de contexte. Mais il ne peut tout simplement pas.
Recherche de médicaments
Des stocks ont été préparés en cas d'afflux massif de patients. Mercredi, ils étaient déjà utilisés. Beaucoup appellent car ils n'ont plus leurs médicaments et demandent à l'hôpital de les fournir. "Nous commençons à avoir pas mal de patients qui viennent pour des renouvellements d'ordonnances chroniques", observe le médecin urgentiste Christian Assier. "Les cellules de crise à l'extérieur, au haussariat, le conseil de l'ordre, la Dass, essaient de s'en occuper. Ce n'est pas la peine de venir à l'hôpital, nous n'avons pas les moyens de fournir. On essaie d'être autonome pour nos médicaments d'urgence."
"Laisser passer les soignants !"
Les patients habituels n'arrivent plus, les AVC ne sont plus traités. D'où ce message fort : il faut laisser passer les professionnels de santé. L'hôpital a mis une surveillance à l'entrée pour que personne ne rentre avec des armes. Les consultations restent fermées mais les véhicules du Samu circulent très mal. Ils ont subi plusieurs tentatives d’incursion.
"Beaucoup de vieux risquent de ne pas tenir"
Les soignants de l'Atir, qui opèrent des dialyses, lancent un véritable cri d'alarme. "Nous vous implorons de retenir vos coups et de revenir à la raison", signent-ils. "Par manque de dialyse, beaucoup de vieux du pays risquent de ne pas tenir les prochaines vingt-quatre à quarante-huit heures." Le centre de dialyse de Kaméré, à Nouméa, a été vandalisé. Il manque du matériel partout, même en Brousse, même à Lifou. 700 patients sont dialysés et ont besoin de soins.
Les réserves de sang à un niveau critique
La direction des Affaires sanitaires alerte de son côté sur les réserves de sang, qui ont atteint un niveau critique. Elle met tout en œuvre pour trouver des solutions de ravitaillement. Selon nos informations, des poches de sang doivent arriver par avion de l'Hexagone, de l'Etablissement français du sang. La solidarité nationale s'exprime.
Quelques pharmacies ouvertes
À Nouméa, sur la presqu'île de Nouville, la clinique Kuindo-Magnin s'est retrouvée dans le noir, suite à l'incendie d’un centre administratif de l’OPT. Et du côté du CHS Albert-Bousquet, les services extra-hospitaliers, tout ce qui est médico-psychologique, sont fermés. Mais les urgences médicales fonctionnent normalement. Enfin, quelques pharmacies sont ouvertes, le matin : celles de Médisud à l'Anse-Vata, de Magenta plage, de Michel-Ange au Motor-Pool, du Lagon au Faubourg-Blanchot et de la Victoire, dans le centre-ville. Mais mieux vaut s'attendre… à attendre.