La situation est toujours tendue dans la commune de Thio, trois semaines après la mort d’un habitant, lors d’échauffourées avec les gendarmes mobiles.
Atteint à la tête
Le 15 août dernier, Marco Caco, 43 ans, se trouvait au petit matin sur le nouveau pont de la commune, avec d’autres militants de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), quand une balle tirée par un gendarme mobile l’a atteint à la tête, aux alentours de 6h40. Originaire de Canala, cet habitant de Thio est mort lors de son évacuation vers le Médipôle. Il était père d’un enfant. Un autre homme a été blessé à l'abdomen.
On est des chasseurs ici. Je peux vous dire que si on avait eu des fusils, il y aurait eu des blessés des deux côtés. Et ce n’est pas le cas.
Un responsable de la CCAT à Thio
Des “insultes et des bibiches” mais “pas d’armes à feu”
Dans un communiqué envoyé le jour même, le procureur de la République Yves Dupas indique que, peu avant ce “tir de riposte”, “certains assaillants continuaient à tirer des coups de feu en direction des gendarmes”. Une enquête a d’ailleurs été confiée à la section de recherches de Nouméa sur l’usage d’armes tels que des “objets, fusils et cocktail Molotov”, précise le procureur.
Mais le responsable de la CCAT à Thio, qui préfère rester anonyme, conteste vivement le recours à des armes à feu sur les barrages de la Cellule. "Je reconnais qu’il y a eu des insultes et l’utilisation de bibiches [lance-pierres, NDLR]. Mais notre consigne a toujours été claire : 'Pas d’armes à feu'. On est des chasseurs ici. Je peux vous dire que si on avait eu des fusils, il y aurait eu des blessés des deux côtés. Et ce n’est pas le cas."
Un accord pour débloquer les routes
Toujours selon ce même responsable de la CCAT, un accord oral avait été conclu la veille avec les gendarmes "sur le déblocage des routes, pour que les écoles reprennent le lundi [19 août]". "La route avait déjà été libérée entre Thio et Boulouparis. Mais l’intervention des mobiles a tout chamboulé."
Première adjointe au maire de Thio, Berthe Tiéoué était présente à cette réunion de conciliation, la veille du drame. “On devait faire le tour des quatre points de mobilisation [de la CCAT] dans l’idée de débloquer les accès pour les écoles, le centre médico-social. On devait commencer le jeudi 15 août. Mais le jeudi matin, les forces de l’ordre sont intervenues sur le pont de Nakale puis au pont du village. On était tous très étonnés. Du coup, on a tout annulé."
Nous avons eu affaire à un noyau dur.
Le général Nicolas Matthéos
La transversale libérée des barrages
Le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie, confirme l’existence "d’un accord, qui avait permis la libération de l'axe routier". Il s'agit de la RP4, entre Boulouparis et Thio, où une quinquagénaire avait perdu la vie dans un accident de voiture, quelques jours plus tôt, à hauteur d’un barrage.
"Sauf que la veille de notre intervention, les gendarmes, qui devaient se rendre à la brigade, n’ont pas pu accéder à Thio. Ils ont dû faire demi-tour", affirme le commandant de la gendarmerie. "Le contrat, c’était que les gendarmes puissent passer. La plupart [des militants de la CCAT] ont respecté cet accord. Mais nous avons eu affaire à un noyau dur."
Des grenades reconditionnées
Le patron des gendarmes de Nouvelle-Calédonie bat aussi en brèche la version de la CCAT. "C'est faux, ils avaient des armes. On s'est fait tirer dessus, avec des armes à feu, des cocktails Molotov, des pierres et nos propres grenades qui n'avaient pas explosé et qu'ils ont reconditionnées."
Une enquête de l'inspection générale de la gendarmerie nationale est en cours sur l’usage des armes durant ces affrontements. "C’est une unité qui est indépendante et qui mène ses investigations en toute impartialité", a assuré Yves Dupas à NC la 1ère. "Nous serons fixés quand nous aurons l’ensemble des résultats des investigations."