Au parc urbain de Sainte-Marie, trois jeunes filles patientent. Élèves au collège de Magenta, qui se trouve à quelques centaines de mètres, ces habitantes de Ouémo rentrent chez elles après les cours. Soit elles passent par l’unique accès routier à la presqu’île, ce qui implique une longue marche, soit elles coupent par le chemin piétonnier aménagé à travers la mangrove.
Fermé de la mi-mai à la fin août
Ce raccourci est resté inaccessible durant plus de trois mois. À l’entrée située côté Sainte-Marie, un portail a été installé et fermé, dans le cadre des barricades édifiées par les "voisins vigilants" pour sécuriser le quartier. Depuis la fin août, sur demande de la police, il est ouvert… par moments. Deux heures le matin et deux heures l’après-midi, les lundis, mardis, jeudis et vendredis. Seulement en première partie de journée, le mercredi.
"Obligée de faire le grand tour"
Une trentaine de minutes après leur arrivée, les collégiennes pourront passer. Elles connaissent cette demi-heure d’attente devant la passerelle tous les jours, sauf le mercredi. "C’est un peu énervant, lance l’une d’elles. Ils devraient ouvrir toute la journée et fermer juste le soir. Si des gens veulent passer entre-temps…" "Quand ma sœur revient du lycée, elle est obligée de faire le grand tour", ajoute une autre.
"On n'a pas de voiture"
À côté des adolescentes, une dame attend avec sa mère. Elles viennent de Poindimié pour visiter une mamie, et n’avaient pas prévu cette contrainte. "Ça ne nous plaît pas. Ils ont mis un horaire ?! , s’étonnent-elles. Ce n'est pas possible… On est arrivées, on ne savait pas qu'il y avait ça, on pensait qu'ils avaient enlevé le barrage. On n'a pas de voiture. Faire le tour, c’est trop loin." Rappelons qu'à Nouméa et dans son agglomération, il n'y a toujours pas de bus.
"Ça pénalise"
Les horaires d’ouverture sur la passerelle de Ouémo n’arrangent pas cette employée de l’hypermarché voisin. "Pour ceux qui travaillent de soir, ça pénalise, on est obligés de faire le grand tour. C'est bon pour ceux qui sont à l'école mais pour nous qui travaillons, ça ne change pas."
"C’est nécessaire, au moins jusqu'au 24 septembre"
Les riverains présents sous les tivolis derrière la passerelle auraient préféré ne pas rouvrir du tout. Ils continuent à invoquer des questions de sécurité. "Pour moi, c’est nécessaire, au moins jusqu'au 24 septembre, explique cette habitante. Voir ce qu'il va se passer parce que c'est une date qu'on attend tous. Et on attend tous de voir ce que ça va donner."
Un contexte "pas très rassurant"
Beaucoup de Calédoniens redoutent d’éventuelles actions indépendantistes pour marquer l’anniversaire de la prise de possession. Une autre résidente de Ouémo renchérit : "J’ai malheureusement l'impression que les choses ne sont pas encore calmées, avec ce qu'il se passe. Le congrès du FLNKS, les positionnements de l'UC, de la CCAT. Ce n'est pas très rassurant pour les gens qui ne sont pas dans leur camp."
Encore des barricades
La passerelle de Ouémo n’est pas un cas isolé. En plusieurs endroits de Nouméa, des rues restent entièrement barricadées. Dans beaucoup d’autres, il reste des obstacles qui filtrent de fait la circulation, près de quatre mois après la flambée de violences de la mi-mai. D'autres sont maintenus par des soutiens de la CCAT, par exemple à Magenta près du siège de l'Union calédonienne.
>> À LIRE AUSSI : Les barrages des "voisins vigilants" font de la résistance