“73, c’est le nombre de fois où le mot hypothèse a été employé depuis le début de ce procès.” Me Martin Calmet entame sa plaidoirie par cette phrase, au soir du jeudi 13 avril. “Ce procès est un concours Lépine de l’hypothèse.” Pour l’avocat de la famille Martinez, “c’est le dossier du vide”. Il estime qu’il n’y a aucune preuve des échanges entre Olivier Pérès et Laurence Martinez. Aucune preuve de menaces d’Eric Martinez sur les enfants Pérès. Et que l’accusé d’aujourd’hui n’est pas le même qu’en première instance, quand il affichait, dit-il, “une absence totale de remords”.
“Si vous avez été placé en détention, ce n’est que votre faute”
Dans ce procès, “il n’y a qu’un seul accusé”, assène le conseil. La victime avait “une part claire et une part sombre mais il ne méritait pas de mourir”. À Olivier Pérès, il déclare : “Si vous avez été placé en détention, ce n’est que votre faute.” Et Me Calmet ne veut pas que l’on critique Laurence Martinez. Il serait, selon lui, facile de faire la même chose pour Mathilde Pérès et sa relation extra-conjugale avec la victime.
Concernant la légitime défense, défendue par les avocats de l’accusé, Me Calmet croit savoir que les jurés vont l’écarter. “Par deux fois, dans le cadre des échanges qu’il a avec un policier et un de ses frères, il apprend que la légitime défense n’est jamais prévisible.”
L'altération du discernement remise en doute
Concernant l’altération du discernement, Me Calmet la remet en doute. Il énumère : le 4 septembre 2018, Olivier Pérès déclare avoir tout perdu. Le 11 septembre, son avocat de l’époque l’informe qu’une enquête va être lancée par la police, après le “soit-transmis” du procureur de la République (c’est un nom de formulaire). Avant le drame, il continue ses activités professionnelles. Puis le 13, il passe à l’acte. Me Calmet s’adresse aux jurés. “Pensez-vous que l’altération, c’est à la carte? Les experts psychiatres sont passés à côté de l’expertise de l’accusé.”
Animé par "le défi"
La conviction profonde de l’avocat ? Que “l’accusé attend Eric Martinez, la première semaine de septembre 2108, chez lui, pour évoquer la légitime défense”. Que la deuxième semaine de septembre, “l’accusé fait appel à la justice”. Mais que, finalement, ”Olivier Pérès n’a pas supporté d’être trahi par sa femme avec ce bouffon”. Selon l’avocat, cela va créer la troisième étape, “le défi”. Me Calmet martèle : le 13 septembre 2018, c’est le défi qui anime Olivier Pérès, pas sa femme ni ses enfants.
Une histoire de choix, pour l'avocat
Il finit sa plaidoirie en questionnant les jurés. “Est-ce que c’était un choix pour Olivier Pérès d’accepter cette relation amicale durant huit ans avec les Martinez ? Est-ce que c’est un choix de tester une arme, quinze jours avant le drame ? Est-ce que c’est un choix de ne pas avoir écouté le policier et son frère qui le mettaient en garde face à l’utilisation d’une arme ? Est-ce que c’est un choix de ne pas attendre la décision du procureur de la République ? Est-ce que c’est un choix de prendre un fusil de chasse au lieu d’une autre arme ? Je suis convaincu qu’Olivier Pérès avait le choix de ne pas tuer Eric Martinez et une fois le drame effectué, il avait le choix de lui venir en aide.”
Il demande aux jurés de ne pas se laisser happer par l’émotion et les pleurs. Il faut, dit-il, rappeler à Olivier Pérès que la justice est la même pour tous. Il a commis “un acte criminel et le passage à l’acte s’est fait dans le calme de son âme”.
"Les jurés doivent se baser sur les éléments du dossier"
Me Isabelle Mimran débute sa plaidoirie la voix forte. Elle rappelle les déclarations passées de l’accusé qui traitait la victime de “tueur froid et méthodique, une bête malfaisante dont il fallait débarrasser le territoire”, “personne ne le regrettera”. L’avocate revient sur la faculté d’adaptation d’Olivier Pérès à des situations nouvelles, synonyme d’intelligence. La légitime défense, formule-t-elle, c’est la justification de son acte. ”Un fait justificatif” donc, “c’est dire que j’avais le droit de tuer Eric Martinez”.
Pour elle, celui-ci n’était pas un vrai mythomane. “Il joue au militaire avec les gens réceptifs, avec ceux qui ne le sont pas, il n’insiste pas”, lance-t-elle. “Ce n’est pas un déséquilibré mental. Il a des parts d’ombre, mais les jurés doivent se baser sur les éléments du dossier et pas sur les fantasmagories de l’accusé.” Faisant référence aux rencontres évoquées par Olivier Pérès avec Laurence Martinez, l’avocate de la partie civile déclare : “C’est un scénario de deux cocus qui se retrouvent pour sauver leur couple. Olivier Pérès interprète les choses différemment, faisant de Laurence Martinez la porteuse de messages de menaces.”
"Ego exacerbé"
Dans sa plaidoirie, elle estime que “les experts psychiatres ne sont pas habitués à une personne avec un tel QI et une estime aussi importante de lui-même”. A ses yeux, “deux phrases de l’accusé mettent en évidence son égo exacerbé : ‘Comment un homme comme moi peut en arriver à tuer un autre ? A quel moment vous auriez fait autre chose que ce que j’ai fait ?’” Son passage à l’acte, toujours selon Me Mimran, s’est fait sur une impulsion.
“C’est un crime machiavélique", dit Me Mimran
Elle revient ensuite sur le déroulé des faits, le 13 septembre 2018. L’accusé va voir le fils de la victime au trou numéro 10, il le salue, relate l’avocate. Elle s’interroge, pourquoi Olivier Pérès n’a pas fait demi-tour à ce moment ? “Il a placé sa voiturette de telle manière à ce que la victime ne puisse pas fuir”, lance-t-elle. “Pourquoi ne tire-t-il pas qu’une seule fois ?” Pour l’avocate de la partie civile, “Olivier Pérès veut créer les conditions de la légitime défense”. Ses mots sont durs : “C’est un crime machiavélique." Revenant sur des déclarations passées de l’accusé - “J’étais impatient de donner le coup de grâce" -, Me Mimran déclare que “cet homme s’est vu mourir, exécuté comme un chien”.
“Comment pouvez-vous encore vous faire appeler Dr Pérès ? Qui est capable de faire ce troisième tir ? Vous, le héros de la Nouvelle-Calédonie, voilà ce que vous avez fait au père d’Antoine !, s'exclame-t-elle. Et vous demandez à la justice de vous absoudre. J’ai la prétention de penser que la justice des hommes ne vous justifiera pas dans cet assassinat des plus sales, des plus moches, sur un homme à terre.”
Voyez aussi le compte-rendu de Natacha Lassauce-Cognard, Carawiane Carawiane et Nicolas Fasquel :