Féminicide de l’Anse-Vata : Nina, victime longtemps "invisible" au procès de son meurtrier présumé

Nina Vité s'était installée à Nouméa en famille fin 2020.
Nina Vité a pris chair, ce vendredi 21 mars, au troisième jour de procès pour meurtre par concubin devant la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie. Après des descriptions peu flatteuses, voire accusatoires, la victime de ce féminicide a été présentée sous un tout autre jour par ses proches, notamment sa mère qui a témoigné. Le verdict est attendu ce samedi.

Elle aurait eu 35 ans le 15 juillet 2022. Elle a perdu la vie le jour d’avant. Qui était Nina Vité, morte sous les coups de son concubin, dans l’appartement de fonction où ils vivaient avec leurs garçons de cinq et sept ans ? Le procès du quadragénaire accusé de son meurtre, jugé aux assises depuis mercredi 19 mars, a longtemps manqué d’éléments personnels sur la jeune femme.

Juriste voulant se reconvertir

Cette native du Lot-et-Garonne, dans le Sud-Ouest, était fonctionnaire d'État. Elle qui travaillait auparavant à la préfecture d'Agen avait demandé une mutation lointaine, et accepté un poste en Nouvelle-Calédonie. D'où la présence de la famille à Nouméa, où elle exerçait au haut-commissariat. D’abord au pôle contentieux - mais ça s’est mal passé - puis au contrôle de la légalité. La juriste souhaitait désormais se reconvertir dans l'aromathérapie, en tout cas le bien-être. 

Divers qualificatifs

Sur le plan de la personnalité, elle a d'abord été dépeinte, dans ce procès, par des qualificatifs plutôt désobligeants : "hautaine", "impolie" voire "aguicheuse"… Les débats ont permis de les ramener au niveau de commentaires relevant du jugement. Il a toute de même fallu attendre jeudi après-midi pour qu'une de ses collègues au haussariat, et rare soutien en Calédonie, inverse un moment la tendance. Balayant par exemple l'idée d'attitude "aguicheuse".

Le jour suivant, les auditions de témoins qui ont été lues ont encore livré des portraits très différents, de Nina comme de l'accusé, en relation depuis 2013. Les proches l'ayant connue dans sa jeunesse ont parlé d'elle en termes élogieux. Devant les enquêteurs, une amie l'a qualifiée de "douce", "intelligente" mais "avec lui, elle était réservée". "Vivante, adorable, qui croquait la vie à pleines dents", a dépeint son ex petit copain. 

La mère de Nina Vité, puis une tante, témoignent devant la cour, vendredi 21 mars 2025.

"On l'a tuée quatre fois"

Au fil du procès, la maman et compagne a surtout été passée au rang de tyran domestique, à travers l'évocation de comportements violents. Brimades, crachats et autres gifles envers l'homme qui partageait sa vie, coups de balai à l'encontre de leur fils aîné. Une image qui ne colle pas avec la douceur de Nina, a témoigné sa mère, ce vendredi, à la barre.

L'infirmière à la retraite lui a redonné vie, l'espace d'un instant. "Ma fille a été enterrée sans son cerveau", a-t-elle formulé devant les jurés. "Quand j’entends aujourd’hui qu’on l’accuse de violence, c’est impossible, c’est un mensonge infect. [L’accusé] m’a traitée d’être violente avec elle, je trouve ça lamentable", a-t-elle hurlé au micro. Et d'exprimer, la voix remplie de larmes : "On l’a tuée deux fois, trois fois, quatre fois, en disant qu'elle était violente." 

"Sortie de l'emprise"

Photos à l'appui, la cour a enfin découvert le visage de Nina de la naissance jusqu'à la mort. Une victime qualifiée d'"invisible" par la présidente de la cour, malmenée pendant ces trois jours d'audience, à laquelle Me Caty Richard a tenté de rendre de la dignité. "C'est un comble, j'ai l'impression d'être en défense", a formulé cette avocate de la partie civile. Comme si c'était de la défunte que l'on faisait jusque-là le procès, alors qu'elle ne peut plus apporter sa version des faits.

Avec son compagnon, a estimé une tante également entendue, “elle n’était plus la même, elle était comme transparente, elle n’existait plus. Je pense que Nina est sortie de [son] emprise et il ne l’a pas supporté.”

La mère et quatre tantes de Nina Vité, constituées partie civile, ont fait le déplacement jusqu'en Calédonie pour ce procès. D'autres membres de sa famille sont représentés.

Encore ce samedi

Les parties civiles plaidaient encore, en début de nuit. Reprise ce samedi, en raison d'une prolongation exceptionnelle. La parole va être donnée à l'avocate générale et à la défense. Puis les huit jurés tirés au sort, dont seulement deux hommes, vont se retirer pour délibérer. Verdict attendu dans la journée. 

Ce vendredi soir, les zones d'ombre persistaient. L'accusé reconnaît avoir tué sa compagne, mais sans le vouloir. Son mobile demeure incertain. Même l'arme du crime n'est pas connue avec certitude. Une bouteille de jus pétillant, comme il a été affirmé à partir de mercredi ? L'objet impliqué n'a jamais été retrouvé.

L'accusé encourt la réclusion à perpétuité. Ses parents et sa sœur, qui élève désormais les enfants, sont venus assister à son procès.