Jérôme Colin condamné à vingt ans de réclusion criminelle pour le meurtre de sa femme dans leur appartement de l'anse Vata

Le prévenu, qui a perdu douze kilos depuis les faits, est apparu très amaigri dans le box des accusés.
Pour la cour d'assises de Nouvelle-Calédonie, l'accusé avait bien l'intention de tuer sa compagne, le 13 juillet 2022. Présenté comme un père modèle, respectueux de la nature et au casier judiciaire vierge, cet ingénieur quadragénaire illustre un constat : les féminicides touchent l'ensemble de la société, indépendamment des origines sociales et ethniques.

Après deux heures de délibéré, le verdict est tombé au palais de justice de Nouméa, ce samedi 22 mars. Jérôme Colin a écopé d'une peine de vingt ans de réclusion criminelle, assortis de dix ans d'inéligibilité et de dix ans d'interdiction de port d'arme.

Tout l'enjeu de cette audience, qui a été prolongée d'une journée tant les débats étaient houleux entre les parties, était de déterminer l'intention ou non de tuer la victime. L'accusé était jugé pour le meurtre avec circonstances aggravantes de sa compagne Nina Vité, une jeune juriste affectée au contrôle de la légalité au haut-commissariat, décédée la veille de son 35ème anniversaire.

Les jurés ont tranché : ils ont retenu la qualification de meurtre plutôt que celle de coups et blessures mortels aggravés, comme le plaidait la défense.


Une scène de crime maquillée en accident

La cour d’assises a donc suivi les réquisitions de l'avocate générale, qui avait demandé vingt à vingt-deux années de réclusion criminelle. Claire Lanet a rappelé qu'après avoir tué la mère de leurs deux enfants, Jérôme Colin "a maquillé la scène de crime en accident" et fait disparaître -dans des conteneurs de tri sélectif- les pièces à conviction, notamment l’arme avec laquelle il a frappé mortellement Nina Vité, et qui n’a jamais été retrouvée.

Il faudra attendre quatre mois après les faits pour que l’accusé reconnaisse avoir asséné au moins deux coups à la tête de sa compagne. Pour l’avocate générale, les raisons de ce déchaînement de violence sont claires. Cet ingénieur de 40 ans, qui était père au foyer depuis leur arrivée en Nouvelle-Calédonie, est un homme "égocentrique" et "manipulateur". "Il n’a pas supporté qu’elle le quitte".


"Vous n’êtes pas des bourreaux"

Du côté de la défense, Me Martin Calmet a tenté de démonter ce mobile, ainsi que les autres avancés par la partie civile. Dans une plaidoirie théâtrale, l’avocat de l’accusé, déchirant ses notes, s’est dit "dévasté" par le portrait qui a été brossé de son client : un homme qui incarnerait "le mal" face au bien. "Mesdames, Messieurs les jurés, vous n’êtes pas des bourreaux", a-t-il déclaré pour susciter la clémence d’un jury très majoritairement féminin, comme il l’a fait remarquer.

Sa consœur Me Cécile Moresco lui a emboîté le pas. À la barre, elle compare l’audience à une "scène de lapidation". Puis, pour défendre son client, qualifié de "papa poule" par plusieurs témoins, elle évoque l’engrenage, le "cercle de violence" dans lequel était entré le couple depuis quelque temps. "On vous crachait dessus, vous preniez des claques…"


"Une décision lourde"

Comme le veut la procédure, Jérôme Colin a été le dernier a prendre la parole, à l’issue de ce procès. "Je vous ai dit toute la vérité. Je n’ai jamais voulu tuer Nina". La tête enfoncée dans les épaules, il adresse à sa belle-famille -assise sur le banc de la partie civile- son "plus grand pardon pour avoir enlevé Nina, ainsi qu’à [ses enfants] et à Nina aussi".

Ses excuses n’ont pas attendri le jury. Le verdict, énoncé en tout début d’après-midi, tombe comme un couperet : vingt ans de réclusion criminelle. Sonnée, la défense accuse le coup. "C’est une décision qui est lourde. On va devoir l’expliquer à notre client. Mais c’est bien en deçà de la peine à perpétuité qui était encourue, observe Me Calmet. C’est une décision qu’on peut comprendre et on va regarder si un appel est envisageable ou pas."


"Un soulagement"

Pour la partie civile, représentée par quatre avocates, ce verdict est un "soulagement". "Surtout après ces quatre jours d’audience qui ont été extrêmement difficiles à vivre", déclare Me Caty Richard, qui représente les intérêts de la mère et des tantes de la victime, venues spécialement de l'Hexagone pour ce procès. "[Mes clientes] ont entendu dire des choses sur leur fille, leur nièce. Et la reconnaissance, par la cour d’assises, de la volonté de [Jérôme Colin] de mettre fin aux jours de Nina est extrêmement importante pour elles."

Me Laure Chatain, l’avocate de SOS violences, manifeste tout de même une déception : celle que "Monsieur Colin n’ait pas dit la vérité". Un sentiment partagé par Me Charlotte Rolin, l’avocate du père de Nina Vité : "pendant ces quatre jours, [l’accusé] a essayé de contester et inventer. On ne peut être que satisfaits que les jurés n’aient pas été dupes".