Comment les apports de la région Pacifique nourrissent-ils la spécificité du rap calédonien ? Réponse avec deux "ambassadeurs" qui ont contribué à tisser les premiers liens.
Upper Hut Posse, King Kapisi, Che Fu et son Supergroove. Si ces noms ne sonnent pas familiers chez nous, ils sont pourtant emblématiques des débuts de la scène rap de nos voisins néo-zélandais. En 1993, Patrice Kaikilekofe du collectif Apolstoa-33, aujourd’hui impliqué dans le réseau artistique SIAPO, se retrouve à Wellington. Il y découvre la vitalité d’un mouvement urbain bien installé depuis la fin des années 80. Les rappeurs n’hésitent pas à mêler les langues, à composer en maori ou samoan.
L’artiste se souvient : "Ça m’a vraiment réveillé l’esprit parce que je n’écrivais qu’en français ici. D’ailleurs c’est pour ça qu’aujourd’hui j’interprète la plupart de ce que je fais en musique en wallisien. […] Il y a un déclic qui se fait, parce que le rap est très rythmé, très percussif. Quand on parle le wallisien, ou une autre langue polynésienne ou vernaculaire, on a ces percussions naturelles quand on dicte."
Des enrichissements réciproques
Les rencontres par-delà les récifs sont encore peu fréquentes. En 2015 King Kapisi, rappeur d’origine samoane, profite cependant d’une invitation sur le Caillou par le collectif SIAPO pour improviser avec Kydam et Ykson un des premiers featurings du type, enregistré en un temps record.
"On garde vraiment ces liens avec le Pacifique, parce que c’est notre famille ; ils sont à côté. On en a tellement à tirer et à prendre. Et c’est réciproque : il ne faut pas croire qu’eux n’ont rien à apprendre de nous." milite Patrice Kaikilekofe.
Même son de conque du côté d’Arnaud Chollet-Leakava, ancien de la Section Otoktone, passé du rap au côté slam de la force : "Pour moi, la source d’inspiration en provenance des cultures du Pacifique est infinie. On n’a même pas fait le millième encore. On est très loin d’exploiter la part de création qu’on peut amener. Très rares sont les raps en langues, ou les samples de taperas par exemple. […] Au niveau de la Section Autochtone du Pacifique, c’était un cap qu’on s’était fixés : utiliser des choses de chez nous et les mettre sur scène. Que des instruments traditionnels ; les percussions tahitiennes, les lali, les flûtes de bambou, les flûtes de roseau de la culture kanak… que du roots."
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