C'est un fait rare en Nouvelle-Calédonie : un homme en détention préventive a été remis en liberté sous contrôle judiciaire strict, à cause de ses conditions d’incarcération au Camp-Est jugées "indignes", vendredi 8 juillet. Ce mercredi au centre pénitentiaire de Nouville, 608 personnes sont derrière les barreaux, pour une capacité de 414 places. Le taux d'occupation atteint 147%. Cette remise en liberté provisoire est rendue possible par la loi du 8 avril 2021. Elle tend à garantir le droit au respect de la dignité en détention.
"Une insalubrité assez importante"
Maître Sophie Devrainne, son avocate, s’est appuyée sur ce texte pour déposer un recours devant le juge des libertés et de la détention. Ce dernier a estimé que la requête était fondée. "Les conditions étaient celles d'une insalubrité assez importante. Il y avait beaucoup de nuisibles dans la cellule, des odeurs, une absence d'aération et une surpopulation très importante, avec des matelas au sol, qu'il était obligé de remonter contre le mur pour pouvoir circuler", détaille Maître Devrainne. L'avocate rapporte également qu'un simple rideau "sépare uniquement le reste de la cellule avec ce qui sert de dépôt hygiénique."
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Cet homme a été libéré du centre pénitentiaire de Nouméa alors qu’il était en détention provisoire. Il reste soumis à un contrôle judiciaire strict en attendant son jugement.
Un juge désormais autorisé à rentrer dans les cellules
Maître Marie-Katell Kaigre travaille, avec l’Observatoire international des prisons (OIP), sur les problématiques liées aux conditions de détention indignes et les indemnisations depuis des années. Elle espère que la loi du 8 avril 2021 aura un impact sur la politique pénale. "Cette nouvelle loi qui est entrée en application, depuis octobre 2021, offre la possibilité de faire constater par le juge qui est habilité à rentrer en détention de rentrer dans les cellules et de constater les conditions de détention", explique-t-elle.
A l'issue de ses visites, ce juge peut proposer une rénovation d'une cellule, renvoyer un détenu vers une autre prison ou demander sa remise en liberté. "Sur le long terme, je pense qu'en faisant des recours, le plus souvent possible, cela permette de faire bouger les choses, de faire bouger les lignes", poursuit Maître Kaigre. Le coût moyen de détention d'une personne est de 30 000 euros par an, soit 3,5 millions de francs CFP.
Après avoir travaillé depuis 10 ans sur la problématique de l'indemnisation des conditions de détention, il n'y a pas d'amélioration. L'indemnisation n'est pas la solution alors que cette réforme va permettre vraiment un impact sur la politique pénale
Maître Marie-Katell Kaigre
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Une décision qui crée une jurisprudence
C'est la deuxième fois qu'un détenu est libéré en raison des conditions d’incarcération, en Nouvelle-Calédonie. En octobre 2020, une personne en attente de son jugement a déjà été libérée.
La décision de justice prise, vendredi dernier, crée un précédent et pourrait déboucher sur d'autres remises en liberté. Maître Martin Calmet a lui aussi déposé cinq recours pour deux détenus condamnés et trois détenus en attente de leur procès. "A ce jour il y en a cinq. On va les multiplier par rapport à des cas précis et concrets. Nous devons démontrer que la situation n'est pas tenable au magistrat. La détention, ce n'est pas fait pour mettre des gens dans des situations qui sont contraires à la dignité humaine, mais pour sanctionner et préparer à la réinsertion."
L'autre solution ? Transférer les détenus à Koné. Sauf que le centre pénitentiaire ne commencera à accueillir des prisonniers qu'en octobre 2022, janvier 2023 à plein. "Koné pourra potentiellement permettre de répartir les détenus, mais ne comblera pas la difficulté actuellement présente au Camp Est", ajoute Maître Martin Calmet.