L’affaire semblait quasi pliée pour la partie civile. Mais au lieu d’écrire son épilogue, le feuilleton judiciaire des achats de voix à Païta vient de connaître un nouveau rebondissement.
Ce mardi 3 octobre, à Paris, la plus haute juridiction judiciaire a cassé partiellement l’arrêt de la cour d’appel de Nouméa sur la forme, mais pas sur le fond. Quelles sont les implications d’une telle décision ? On fait le point en quelques questions.
Pourquoi y a-t-il eu un pourvoi en cassation ?
C’est à la demande d’Harold Martin et de Willy Gatuhau que l’affaire a été portée jusqu’à la Cour de cassation. En formant ce pourvoi, l’ancien et l’actuel maire de Païta espéraient ainsi faire annuler leur condamnation, le 8 novembre 2022, par la cour d’appel de Nouméa. Celle-ci avait condamné Harold Martin à deux ans de prison, dont un an avec sursis, à cinq ans d'inéligibilité et à une amende d’1,6 million de francs. Willy Gatuhau, quant à lui, avait écopé d’un an de prison avec sursis, de trois ans d'inéligibilité et de 700 000 francs d'amende.
Je suis déçu de cette décision, mais qu’à moitié. Car la décision n’est pas cassée sur le principe même de la condamnation.
Frédéric de GreslanPartie civile
Quelle décision a pris la Cour de cassation ?
Le mardi 3 octobre, à Paris, la Cour de cassation a tranché. Elle donne partiellement raison aux deux prévenus en annulant leurs peines, au motif qu’elles n’ont pas été suffisamment "motivées", autrement dit "justifiées", par la cour d’appel. Une déception pour Frédéric De Greslan, partie civile dans ce dossier des achats de voix, et candidat malheureux des élections de 2014 face à Harold Martin. "Je suis déçu de cette décision, mais qu’à moitié. Car la décision n’est pas cassée sur le principe même de la condamnation".
En effet, la Cassation n’a pas annulé la décision de la cour d’appel sur le fond. En d'autres termes, la culpabilité des deux prévenus dans cette affaire de corruption n’est pas remise en question. "Le délit est constitué" et la "condamnation est maintenue", précise l’avocat Frédéric de Greslan.
Je me suis couché hier en tant que maire et je me suis réveillé ce matin en tant que maire.
Willy GatuhauMaire de Païta
Quelles conséquences pour la mairie de Païta ?
Aucune, pour le moment. La peine de trois ans d’inéligibilité ayant été annulée, Willy Gatuhau conserve donc son fauteuil de première édile de la commune de Païta, du moins jusqu’au prochain procès. "Je me suis couché hier en tant que maire et je me suis réveillé ce matin en tant que maire", a ironisé l’intéressé, au lendemain de l'arrêt de la Cour de cassation. Une décision dont il se dit "satisfait", même si "tout n’est pas réglé".
Quelles suites pour ce marathon judiciaire ?
Même si, à ce stade, les peines d’ Harold Martin et de Willy Gatuhau ont été annulées, les deux prévenus n’en ont pas fini avec la justice, concernant cette affaire. La décision de la Cour de cassation ouvre en effet la voie à un nouveau procès. L’ancien et l’actuel maire de Païta devront passer devant la cour d’appel de Nouméa pour la deuxième fois.
La date de l’audience n’est pas encore connue. Les juges devront se pencher plus précisément sur la question des peines. "Cette même cour d’appel doit être recomposée, dans un format différent, avec de nouveaux acteurs", a indiqué Willy Gatuhau à Nouvelle-Calédonie La 1ère .
De son côté, Frédéric de Greslan s’impatiente. "Cela rajoute du temps à un dossier qui est très ancien, puisque les élections datent de 2014. C’est vraiment un parcours du combattant (..) Mais on ira jusqu’au bout", précise le plaignant, persuadé qu’Harold Martin et Willy Gatuhau "useront toutes les voies de recours potentielles".
Autrement dit, après ce deuxième procès en appel, dont la date reste à fixer, les deux prévenus pourraient former un nouveau pourvoi en cassation "pour retarder l’échéance" de leur condamnation, et notamment le risque, pour Willy Gatuhau, de perdre son fauteuil de maire de Païta.
Le reportage de Bernard Lassauce et Christian Favennec