Philippe Gomès va devoir s’expliquer devant la justice. Le 22 mai, la juge d’instruction a rendu une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel de Nouméa à l’encontre de l’ancien député et fondateur de Calédonie ensemble. Même chose pour Philippe Michel, président de la province Sud entre 2014 et 2019. Et ce, pour des détournements de fonds publics présumés entre 2014 et 2018. Six mois après le réquisitoire définitif du procureur de la République Yves Dupas, la magistrate instructeur en charge de ce dossier a donc décidé de suivre l’avis du parquet. Estimant que des charges étaient suffisantes pour que les leaders de Calédonie ensemble prennent place sur le banc des prévenus. Martine Lagneau, ancienne vice-présidente de la province, est aussi concernée, ainsi que deux élus de l'époque, Sutita Sio-Lagadec et Silipeleto Muliakaaka.
"Prospection de voix électorales”
Au terme de presque trois ans d’enquête, diligentée après un signalement de Sonia Backès, la juge d’instruction a considéré que les responsables politiques loyalistes avaient développé “un vaste système d’emplois fictifs liés à la communauté wallisienne et futunienne au profit du parti Calédonie ensemble”.
L’exploitation de documents et courriels saisis en perquisition, d’écoutes téléphoniques, et les auditions de nombreuses personnes ont permis, toujours d'après la juge d’instruction, de déterminer que Philippe Gomès “est au centre de ce système et s’appuie pour sa mise en œuvre sur des membres élus et administratifs au sein de la présidence de la province Sud ainsi que sur des élus de la communauté wallisienne et futunienne”.
Une quarantaine de bénéficiaires présumés
Parmi les bénéficiaires de ce système présumé, on trouverait une quarantaine de personnes, dont des chefs coutumiers, qui auraient été employées “et rémunérées par la province Sud et le Congrès comme collaborateurs de cabinet pour des fonctions jamais ou peu exercées". D'autant que ces embauches controversées “étaient orientées vers la prospection de voix électorales au sein de ces communautés”, écrit la magistrate dans son ordonnance, dont NC la 1ère a pris connaissance. “L’information judiciaire a permis de mettre à jour les agissements des diverses personnes mises en examen qui, de leur poste, ont œuvré à la mise en place et la réalisation de ces recrutements”, conclut le document de dix pages.
Un précédent en 2014
Ces accusations d’emplois fictifs ont toujours été vigoureusement contestées par les principaux intéressés. Evoquant une “bidouille politico-judiciaire" en novembre dernier après le réquisitoire définitif du parquet, Philippe Gomès et Philippe Michel se sont toujours défendus en affirmant que le dossier de l’emploi des collaborateurs politiques avait déjà été tranché par la justice.
Car en 2014, deux juges d’instruction ont rendu une ordonnance de non-lieu pour des faits “exactement de même nature que dans la procédure actuelle (mêmes collaborateurs, même origine ethnique, mêmes collectivités, mêmes conditions de recrutement, mêmes rémunérations, etc…) – et qui n’étaient pas constitutifs d’un délit”. Précédemment, le procureur de la République avait également requis l'extinction des poursuites sur ce dossier.
Tous les groupes politiques du Congrès et des provinces devront être condamnés.
Calédonie ensemble, communiqué de presse en novembre 2022
Dans un communiqué de presse datant de novembre 2022, les responsables de Calédonie ensemble ont expliqué que “l’ordonnance des juges d’instruction reprenait le réquisitoire du parquet qui requérait un non-lieu en réaffirmant ‘qu’il semble illusoire d’exiger de militants politiques embauchés en tant que tels de justifier d’une activité par nature multiforme et invérifiable au profit de leur parti’ et 'que le cas [des collaborateurs de Calédonie ensemble] n’est pas différent de celui des collaborateurs des autres groupes politiques locaux’.”
Avant d’avertir, que s’ils devaient être reconnus coupables de détournement de fonds publics, “tous les groupes politiques du Congrès et des provinces, indépendantistes et non indépendantistes, ainsi que les présidents des collectivités concernées devront être condamnés”.
Une "audience-relais" doit se tenir le 12 décembre. Philippe Gomès, Philippe Michel et Martine Lagneau devront véritablement s'expliquer en mars prochain.
"Pas d'inquiétude particulière"
Philippe Michel qui réagissait ce mardi au journal télévisé de Stéphanie Chenais. Son entretien :