Une peine plus clémente qu’en première instance. Cinq ans après la mort d’un homme de 44 ans d’une overdose, au cours d’une rave-party à Port-Boisé (Yaté), pendant le week-end des 3 et 4 mars 2018, la justice a, une nouvelle fois, retenu la responsabilité pénale d’une femme de 57 ans. Elle était accusée d’avoir fourni de la drogue à son ami.
Bracelet électronique
En juillet 2022, cette infirmière libérale avait été condamnée par le tribunal correctionnel de Nouméa à quatre ans de prison, dont une année avec sursis probatoire (trois ans ferme, donc). Ayant contesté le jugement, elle a comparu le 28 mars dernier devant la cour d’appel, qui a mis sa décision en délibéré.
Ce mardi 9 mai, les juges l’ont à nouveau déclarée coupable d’homicide involontaire, mais ils ont allégé la peine. Elle écope finalement de quatre ans de prison, dont la moitié avec sursis probatoire. Elle purgera la partie ferme (deux ans) avec un bracelet électronique.
De la drogue provenant d'un "inconnu"
A l’audience du 28 mars, la cour d’appel avait minutieusement repris le dossier, pendant près de trois heures, pour comprendre quelle pouvait être l’implication de la prévenue dans cette dramatique affaire. L’enquête de la gendarmerie, puis l’information judiciaire, ont ainsi révélé que la quinquagénaire et son groupe d’amis s’étaient fortement alcoolisés et drogués – MDMA, LSD, héroïne… - pendant deux jours d’affilée au cours d’un évènement festif qui avait rassemblé environ 200 personnes.
C’est au cours de cette rave-party qu’un "inconnu" lui avait "donnée de la poudre de couleur marron dans un petit papier". Elle avait d’abord, le samedi, consommé toute seule la drogue "en sniffant une trace" avant d’être victime d’un malaise un instant plus tard.
"Ça se passe comme ça dans ce genre de soirée"
"C’était de l’héroïne, j’en suis sûre. J’en sniffais déjà en Métropole", a-t-elle affirmé sans pouvoir révéler l’identité de cet "inconnu" qui lui avait offert la drogue. "Ça se passe comme ça dans ce genre de soirée, on se connait tous plus ou moins, on se partage des choses. J’ai essayé de retrouver cette personne mais c’était impossible. On m’a ensuite dit qu’elle était partie en Thaïlande où elle était morte d’une overdose", a poursuivi l’infirmière devant des magistrats quelque peu circonspects.
"Ce n’est pas curieux de voir un homme que vous ne connaissez pas vous distribuer de la drogue qui a une certaine valeur marchande…, s’est interrogé un conseiller. On se demande si vous ne couvrez pas quelqu’un, c’est quand même étrange qu’on ne le retrouve pas."
Le récit des faits
Le dimanche 4 mars 2018, cette ancienne "junkie", comme elle se décrit, sort de sa poche la fameuse drogue. "J’ai écrasé le caillou avec un couteau et j’ai fait quatre lignes", se souvient-elle à l'audience. Elle en sniffe une. Un de ses amis, gérant de nakamal âgé de 44 ans, fait de même. Quelques minutes plus tard, cet homme "a piqué du nez. Il avait la tête en arrière. Il faisait comme des apnées, c’était bizarre. Puis, on aurait dit qu’il ne respirait plus." Il est 23h30 et son décès par overdose est confirmé. "C’était un ami très cher, je pense chaque jour à lui. J’étais à mille lieues de penser qu’il allait mourir."
"Vous connaissiez la dangerosité de ce produit, vous aviez vous-même fait un malaise la veille. Et pourtant, vous le partagez le lendemain avec tout le monde", fera remarquer le président, Philippe Allard.
Forte concentration de MDMA et traces de morphine
Les investigations médico-légales et les rapports toxicologiques des experts mettent en avant une forte concentration de MDMA dans le corps de la victime et des traces de morphine, significatives d’une prise d’héroïne. "Je sais que ce n’est pas la petite dose d’héroïne qui a causé la mort de mon ami même si j’ai aujourd’hui honte car j’étais la plus âgée du groupe et en plus, infirmière. Mais je ne m’en rendais pas compte, j’étais droguée et malade à l’époque", se défend la professionnelle de santé qui affirme "ne plus rien prendre aujourd’hui. J’ai fait un gros travail sur moi-même".
Un "lien de causalité certain et acquis"
L’avocate générale Claire Lanet ironise, "la prévenue est donc responsable mais pas coupable (…) Nous sommes bien dans le cas d’un homicide involontaire. Le lien de causalité entre la drogue qu’elle a fournie et le décès est certain et acquis." La magistrate rappelle que la victime a fait un malaise "juste après" avoir sniffé "la trace", "et que ce soit de l’héroïne ou de la MDMA, on ne peut pas savoir". Et pour celle qui porte l’accusation, qu’importe finalement le nom de la drogue : "la Cour de cassation considère que le lien de causalité est établi peu importe si le produit stupéfiant est la cause totale ou partielle du décès."
L’avocate Me Ophélie Despujols, qui représente les parents de la victime, s’en tient aussi à cette lecture juridique du dossier : "En fournissant cette poudre, la prévenue a engagé sa responsabilité. Sans drogue, pas de malaise et donc, pas de décès. La cour d’appel n’aura aucune difficulté pour confirmer la peine de première instance."
"Pas de preuve dans ce dossier"
De l’autre côté de la barre, la relaxe est plaidée. L’avocat Me Martin Calmet met en avant "la fragilité du dossier. Il faut déterminer de manière précise la drogue qui a provoqué le décès. On ne peut pas réfléchir avec des faisceaux d’indices. Il faut des preuves et dans ce dossier, il n’y en a pas." La justice en a décidé autrement.