Un moniteur d’escalade a été condamné, vendredi, à deux ans de prison ferme pour atteinte sexuelle et corruption de mineur. La plus jeune des victimes avait 14 ans. En France, le ministère des Sports s’est saisi de ce dossier sensible depuis un an. Mais qu’en est-il en Calédonie ?
Equitation, tennis de table, escalade, tennis, sport de combats… En Nouvelle-Calédonie, comme dans le reste du monde, les ligues sportives sont nombreuses à être confrontées à des affaires de violences sexuelles. Depuis la fin 2019, sept signalements ont ainsi été reçus par la direction de la jeunesse et des sports et sont en cours d’investigation.
"On est avant tout surpris"
Car dans le sport comme ailleurs, la parole se libère. Il y a eu les mouvements MeToo, Balance ton porc, et enfin l’onde de choc provoqué par les révélations de la patineuse star Sarah Abitbol l’an dernier. Malgré tout, lorsqu’une victime ose enfin témoigner, les clubs sportifs se retrouvent souvent démunis, comme le raconte Olivier Ledain, président de la ligue calédonienne de tennis.
"On est avant tout surpris. Parce que l’on est confronté à une personne avec qui on a souvent des contacts dans le milieu. On a un premier réflexe qui est presque de dire c’est pas vrai, c’est pas possible. Après, il faut se rendre très vite à l’évidence", reconnaît-il.
Quand on lit le dossier dans son ensemble, on tombe des nues. C’est en tout cas ce qui nous est arrivé.
La Ligue calédonienne a alors contacté la Fédération nationale, qui a mis en place un bureau dédié à ces questions et l’entraîneur soupçonné a été licencié. De son côté, le gouvernement calédonien a prononcé à son encontre "une interdiction définitive d’exercer la profession d’éducateur sportif auprès d’un public mineur féminin".
Des signalements qui peinent à remonter
Mais si le voile se lève sur les violences sexuelles, certains dirigeants de club gardent le silence surtout lorsqu’il n’y a pas de dépôt de plainte des victimes. Avec des conséquences parfois désastreuses, car certains éducateurs aux comportements déplacés réussissent ainsi à poursuivre leur carrière. C’est ce qui est arrivée à la ligue calédonienne d’escalade, dont un ex-moniteur a été condamné, vendredi 23 avril, à deux ans de prison ferme pour des atteintes sexuelles commises en Métropole et des faits de corruption de mineurs, qui ont eu lieu, des années plus tard sur le Caillou.
Lors de son audition, le dirigeant du club pyrénéen dans lequel l’éducateur sportif a exercé a reconnu avoir à l’époque gardé le silence malgré le signalement qui lui avait été fait. Alors, lorsque quelques années plus tard, Philippe Boquet, président de la Ligue calédonienne d’escalade embauche le moniteur, "je me suis renseigné auprès de la ligue nationale, comme je le fais à chaque fois. Et on m’a dit : 'Oui, c’est un bon moniteur' !" En toute bonne foi, le signalement n’ayant pas remonté…
Le profil des victimes est souvent le même : jeunes, voire très jeunes, parfois fragiles, passionnées par leur sport au point de ne plus voir les limites… et sous l’emprise de l’adulte qui fait figure d’autorité. "Lorsque j’ai été informé que nous avions un problème avec cet entraîneur [qui avait entre-temps quitté le club], j’ai réuni un comité directeur, raconte Philippe Boquet. Et là, un membre m’a dit qu’une amie à lui avait eu le même problème avec cet homme des années auparavant."
Les bras m’en sont tombés ! Et là, je me suis rendu compte que le poids de la honte, le poids de la pression de l’entourage pouvait influer.
"Il y a un tabou à briser"
Face à ces difficultés multiples, difficile de détecter les situations anormales, mais en Calédonie aussi les clubs tentent de trouver des solutions. "Il y a un tabou à briser, lance Olivier Ledain, qu’il faut absolument casser et on s’est posé la question de savoir comment on allait faire. Car nous, on entendait des choses dans le milieu depuis quelques années, mais sans preuve, sans plainte, sans absolument rien de factuel. C’est donc très difficile, on est presque sur de la rumeur."
La ligue de tennis se rapproche alors d’une association française, Colosse aux pieds d’argile. Après des échanges avec son fondateur Sébastien Boueihl, lui-même victime d’abus sexuel dans le sport lorsqu’il avait 12 ans, la ligue met en place une charte, qui permet de poser des limites claires : "Pas de garçon dans les vestiaires des filles, pas de filles dans les vestiaires des garçons, pas d’intervention, des petites choses toutes bêtes mais qui permettent de revenir à une certaine pudeur, à une certaine retenue."
A terme, tous les clubs et ligue du territoire devraient bénéficier de formations mises en place par la direction de la jeunesse et des sports et le comité territorial olympique et sportif. "Les clubs ont besoin de savoir comment réagir", confirme son président Christophe Dabin, qui s’appuie également sur l’association Colosse aux pieds d’argile et souligne que la relation entraîneur-joueur doit être limitée à la pratique sportive.
"C’est l’objet notamment d’une campagne d’information, poursuit Christophe Dabin. Un entraîneur de mineurs doit communiquer avec le groupe d’élèves ou s’il s’agit d’un problème individuel avec les parents. Un entraîneur ne doit pas prendre un élève seul en voiture, etc."
Un projet de loi soumis au gouvernement
Mais c’est aussi la législation qui doit évoluer. Car comme cela est souvent le cas, les textes calédoniens sont obsolètes. "En France, il y a une carte professionnelle", explique Claire Nita, conseillère à la direction de la jeunesse et des sports. "Lorsqu’un éducateur la demande, la base de données interroge automatiquement le casier judiciaire et le fichier des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (FIJAIS), ajoute-t-elle. En Calédonie, la législation actuelle, qui date de 1978, ne permet ni de créer une carte professionnelle ni de demander l’extrait n°2 du casier judiciaire."
La direction de la jeunesse et des sports a donc rédigé un projet de loi soumis aux membres du gouvernement concernés. Il devrait permettre de mieux contrôler les professionnels, mais aussi les bénévoles.