"C'est une belle idée, c'est une belle initiative qui a été prise mais elle a été gâchée". Louis-José Barbançon ne mâche pas ses mots sur l'inauguration de la salle Jean-Marie Tjibaou - Jacques Lafleur à l'Assemblée nationale. Une cérémonie boudée par les élus calédoniens présents à Paris pour les discussions bilatérales avec l'Etat. Une absence logique selon l'historien, vu les conditions dans lesquelles cette inauguration s'est organisée. "Si Sonia Lagarde avait organisé l'inauguration de la statue de la poignée de main sur la place de la Paix avec les mêmes méthodes, c'est sûr, y aurait pas eu beaucoup de monde non plus". Pour Louis-José Barbançon, il y avait dans cette initiative, une volonté de l'Etat de faire un coup médiatique en marge des discussions sur l'avenir du Caillou. Pour autant, il a tenté à notre micro de positiver : "On va dire qu'il vaut mieux que ça arrive au début des négociations, que ça va permettre peut-être au gouvernement français de réfléchir et de ne pas traiter le problème calédonien qu'à travers le paraître. Mais rien n'est moins sûr".
L'importance des symboles et de leur contexte
Pour Louis-José Barbançon, l'une des erreurs commises dans ce cas précis est d'avoir fait fi du contexte, de la symbolique du geste de la poignée de main entre les deux figures politiques calédoniennes. "Ce n'est pas un simple bonjour. Ce geste, il arrive après l'embuscade de Waan Yaat, il arrive après la mort de Yves Tual. Si on supprime le contexte, parce qu'on veut pas le dire, parce qu'il faut pas parler de choses qui fâchent, on ne comprend pas à quel point ce geste a permis de sublimer le peuple de ce pays et a permis de transcender".
Même importance du contexte dans d'autres symboles, comme la devise de la Nouvelle-Calédonie, Terre de Parole, Terre de Partage, où la terre est omniprésente. "Dans la conception française, on ne s'attache pas trop à la terre. on s'attache à la liberté, à l'égalité, à la fraternité, c'est à dire à des valeurs abstraites. Alors qu'ici, dans le Pacifique, la terre c'est capital. Ça montre qu'il peut y avoir une complémentarité entre la devise de la République et la devise calédonienne, qui est vraiment une devise du Pacifique."
L'histoire commune au-delà des symboles
Selon l'historien, la construction d'une identité calédonienne passe aussi par des repères historiques communs à tous. Car sans histoire commune, pas de construction d'un pays commun. "Il y aura toujours une histoire kanak, qui a commencé bien avant le fait que nous arrivions ici. Le danger, c'est que l'histoire commune que nous avons avec le monde kanak, un jour se referme sans nous. Cela veut dire qu'on n'aurait été qu'un hoquet, une parenthèse dans la longue durée de l'histoire kanak dans le Pacifique". C'est donc une étape essentielle à construire et à reconnaître, ne serait-ce que pour asseoir la notion de citoyenneté calédonienne. Une notion parasitée par les considérations de nationalité côté indépendantiste et de corps électoral côté loyaliste.
Un optimisme relatif pour l'avenir
Quand à la suite de l'histoire, Louis-José Barbançon ne veut pas tout voir en noir. Mais il a du mal. "De l'optimisme ? Il y en a, si les gens sont raisonnables. Ceci dit, la situation que nous vivons a quand même des similitudes qui m'inquiètent beaucoup par rapport à la période 1987-1988". Et de conclure, "tout ministre français, quelqu'il soit, qui hérite du sujet calédonien, a toujours deux voies possibles. Ou c'est le nouveau Michel Rocard. Ou c'est le nouveau Bernard Pons. Cette réponse là, au moment où on se parle, je ne l'ai pas". Optimisme très relatif, donc.