Santé au féminin : des patientes-expertes pour mieux accompagner les Calédoniennes atteintes d'endométriose

En Nouvelle-Calédonie, le gouvernement a profité de la journée internationale des droits des femmes pour organiser au Mont-Dore un événement autour de la santé au féminin. Nous vous proposons cette semaine un dossier autour des grands thèmes exploré cette année. À commencer par l’endométriose et le concept innovant de patiente-experte.

C’est une maladie encore peu connue, dont certaines femmes ont bien du mal à parler. Avec des douleurs parfois intolérables pendant les règles, voire au cours des rapports sexuels. On recense des symptômes très variés comme des douleurs digestives ou encore des troubles urinaires. L’endométriose représente également la première cause d'infertilité féminine.

Une pathologie qui se caractérise par la présence de tissu semblable à l’endomètre (la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus) en dehors de la cavité utérine. Aujourd'hui, on estime à 180 millions le nombre de femmes touchées à travers le monde. 

"Il n’existe pas à ce jour de traitement curatif pour guérir de l’endométriose : les options thérapeutiques existantes, médicales ou chirurgicales, restent limitées à la prise en charge des douleurs et de l’infertilité", rappelle le site du ministère de la santé. Autre problème, aujourd’hui, le diagnostic est souvent long et coûteux. Les Calédoniennes concernées se sentent parfois très seules. Les échanges sont essentiels.

Échanger avec des patientes-expertes

Pour cette journée internationale des droits des femmes, le gouvernement calédonien a donc fait appel à des patientes-expertes. Un concept apparu récemment en France, depuis 4 à 5 ans, qui est aujourd'hui considéré comme une profession à part entière. Il est bien plus connu et éprouvé au Canada.

Concrètement, il s’agit d’un patient atteint d’une maladie chronique qui a choisi de s’engager auprès d’autres patients en se formant dans des universités de médecine. Il existe des patients-experts pour différentes pathologies : le cancer, l'addiction ou encore les maladies psychiatriques.

"On a fait venir de Métropole Véronique Pereira qui est une patiente-experte de l'association ENDOmind. C'est une association de patientes qui vient pour rencontrer des collégiens, des lycéens et répondre aux questions autour de l'endométriose", précise Isabelle Champmoreau, membre du gouvernement en charge de l’égalité des chances.

Véronique Pereira est patiente-experte en matière d'endométriose depuis deux ans.

Sensibiliser les collégiens

Le gouvernement a également organisé plusieurs visites de cette patiente-experte dans les établissements scolaires pour proposer des opérations de sensibilisation. À l'exemple du collège Baudoux, à Nouméa, ce lundi 11 mars 2024. Une vingtaine d'élèves de 3e ont assisté à cette présentation, qui a commencé par un quiz. "Le seul symptôme de l'endométriose est la douleur pendant les règles ?" Intox ! "Il y a plusieurs formes d'endométriose ?" Info !

Pour Véronique Pereira, il est important d'informer les jeunes dès le collège. "Cela permet de les sensibiliser à l'existence des personnes malades, pour éviter le harcèlement par exemple, et ne pas en rire. Ils peuvent aussi en parler à une amie ou une sœur qui a des douleurs."

Pour sensibiliser les adolescents de manière ludique, l'association ENDOmind a imaginé un jeu de plateau de mise en situation.

Pendant plus d'une heure, Véronique Pereira a partagé son expérience avec ces jeunes. "J'ai 33 ans et mon endométriose a été diagnostiquée quand j'avais 28 ans. C'est-à-dire que j'ai connu 17 ans d'errance médicale." Autrement dit de douleurs et d'incompréhension. "Aujourd'hui, cela fait deux ans que je n'ai plus de traitement. Même si j'ai encore des crises, avec ce que j'appelle des journées sans humain, où je ne vois personne. J'ai aussi appris à adapter mon régime alimentaire."

Au cours de cet échange, les adolescentes ont par exemple souhaité connaître la réaction de son entourage. "Ma famille et mes amis ont été soulagés pour moi lors de mon diagnostic.

Aujourd'hui, je n'ai plus peur d'annuler un rendez-vous avec mes amis. Ils comprennent la situation.

Véronique Pereira, patiente-experte de l'association ENDOmind.

Elle a aussi profité de cette rencontre pour présenter aux collégiens des outils en ligne, fiables et accessibles : le site internet de l'association ENDOmind, la plateforme Ziwig, ou encore des groupes de parole sur Facebook.

A noter également, la page facebook ENDO & CO. NC qui relaie des informations locales concernant l'endométriose. À l'exemple de cette projection de documentaire le 19 mars 2024 : Endo, chroniques d'une douleur chronique, au cinéma Origin de Dumbéa, avec des échanges en salle après la séance avec le réalisateur et les protagonistes. 

Une formation initiale

À la suite de leur formation, un diplôme universitaire validé après 120 heures de cours, les patients-experts sont autorisés à animer des ateliers et des réunions. Des échanges qui offrent une relation complémentaire à celle d'un praticien, basée sur l'expérience et le témoignage.

Une autre rencontre avec des Calédoniennes a eu lieu à Nouméa à la veille de la journée internationale des droits des femmes. "On sait qu'il y a 10% de la population féminine en âge de procréer qui peut être atteinte d'endométriose au niveau mondial, donc les chiffres sont applicables en Nouvelle-Calédonie", poursuit Isabelle Champmoreau. "L'idée, c'est vraiment de soutenir la mise en place d'une filière au niveau médical sur l'endométriose."

Bientôt une antenne calédonienne de l'association ?

D'autant plus que les professionnels de santé restent insuffisamment formés à sa détection et sa prise en charge, ce qui entraîne souvent "une errance thérapeutique" pour ces femmes. L'association ENDOmind, agréée par le ministère de la santé, a pris des contacts lors de cette soirée. Des candidatures ont déjà été reçues pour éventuellement mettre en place une antenne locale de l'association, avec des bénévoles. 

Un jeu inspiré du "Trivial pursuit" a été décliné autour de l'endométriose par l'association ENDOmind pour sensibiliser le grand public.

Plus de flexibilité au travail

Invités également lors de cette rencontre à Nouméa : des représentants d'employeurs, pour les sensibiliser à cette pathologie et surtout à ses conséquences, qui entraînent parfois des contraintes professionnelles lourdes. Parmi leurs interrogations : la mise en place éventuelle de congés menstruels.

Mais sur le sujet, l'association ENDOmind reste sceptique. "Je pense que c'est une fausse bonne idée. Une fois que la femme a pris ce nombre de jours attribués, comment fait-elle en cas de douleurs encore plus intenses ? Nous sommes en revanche favorables à plus de flexibilité dans le travail", assure Véronique Pereira, patiente-experte. L'idée étant de favoriser le télétravail en cas de douleurs ou d'adapter les horaires, autrement dit de faire confiance aux femmes. 

Des tests salivaires remboursés

Depuis janvier 2022, le président Macron a lancé une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose. L'équivalent de 1,5 milliard de francs pacifique doit être débloqué pour la recherche, avec un plan global à la clef.

À l'occasion de la semaine de l'endométriose, du 4 au 10 mars 2024, la ministre de la santé, Catherine Vautrin, a d'ailleurs annoncé que les tests salivaires de dépistage de l’endométriose seront remboursés en 2025 dans l'hexagone, pour un nombre limité de femmes, entre 20 000 à 30 000. Une réelle avancée, car ce test coûte près de 1 000 euros, soit environ 120 000 francs CFP.

Courir pour l'endométriose

Lors de son passage en Calédonie, Véronique Pereira a aussi présenté deux événements phares de l'association : l'Endomarch, elle aura lieu le 23 mars 2024, et l'Endorun, prévue du 4 au 17 novembre prochains, une course qui permet de lever des fonds pour la recherche. Elle a proposé que la Calédonie décline cette course localement, avec des équipes jeunes ou issues d'entreprises. L'idée est lancée... 

 

Retrouvez les deux autres volets de notre dossier consacré à la santé au féminin :