Une déformation de la bouche, des difficultés à parler et une paralysie, même légère, du bras : trois signes qui doivent absolument inquiéter, même s’ils disparaissent au bout de quelques minutes, et inciter à composer le 15, le numéro du SAMU. Ces signes "s’ils disparaissent, c’est que la personne a fait un accident ischémique transitoire, un AIT, mais ça veut dire qu’elle peut faire un AVC à tout moment. S’ils ne disparaissent pas, c’est un accident vasculaire-cérébrale et il faut intervenir de toute urgence", explique le docteur Nicolas Molko, neurologue au CHT.
Intervenir le plus vite possible
Deux techniques peuvent en effet être mises en œuvre dans les 4h30 qui suivent les premiers symptômes : la thrombolise qui consiste à injecter un liquide qui va dissoudre le caillot qui obstrue le vaisseau, et si ce n’est pas suffisant ou contre-indiqué, une opération réalise par un spécialiste, la thrombectomie, c’est-à-dire un retrait mécanique grâce à un petit ressort appelé stent.
Passé le délai de 4h30, ces deux techniques sont trop risquées, et dans les faits seuls 20 % des patients peuvent en bénéficier. Alors au Samu, les équipes sont formées à détecter le risque et à mettre en œuvre tous les moyens possibles pour rapatrier le patient sur le Médipole : "Si le patient peut être mis dans la voiture, et être là dans les 5 minutes, c’est le meilleur moyen. Si le patient ne peut pas se déplacer, on va lui envoyer une ambulance, si on a pas d’ambulance on va lui envoyer le vecteur le plus rapide possible. Si ça arrive dans la Chaîne, qu’on a aucun moyen terrestre hé bien on enverra l’hélicoptère si il le faut " assure le docteur Claire Heydnreich, médecin régulateur du Samu.
Une épidémie mondiale ?
Liés au vieillissement de la population et aux modes de vie sédentaire, les AVC touchent chaque année 6 millions de personne dans le monde. Alors qu’il y avait un AVC par semaine en Calédonie en 1996, il y en a aujourd’hui un par jour. Une hausse qui s’explique par la modification de la pyramide des âges, mais aussi par les très mauvaises habitudes de vie des Calédoniens : hypertension - dont l’obésité, la sédentarité et le diabète sont des causes - et tabagisme font en effet des ravages sur le Caillou.
Et nous ne sommes pas tous égaux face à cette pathologie : "On a une épidémiologie qui est relativement classique sur les sujets d’origine européenne avec des AVC qui vont survenir tardivement, autour de 72 ans, tandis que dans les populations originaires du Pacifique comme dans les populations mélanésiennes ou wallisiennes, l’AVC va survenir vers l’âge de 60 ans. Voir plus jeune chez les hommes autour de 57 ans."
Pourtant, "L’AVC, ce n’est pas une fatalité", explique la médecin angiologue Anaïs Goguet.
On peut réduire significativement le risque en changeant d’hygiène de vie. Je dis souvent à mes patients qu’ils encrassent leurs vaisseaux. Le fait d’être sédentaire, de ne pas faire assez d’activité physique voir pas du tout, d’avoir une alimentation non équilibrée, boire des sodas, manger trop gras, trop sucré, trop salé. En fait tout ça c’est à risque de développement de plaques d’athérome dans les artères.
Anaïs Goguet
Ce sont ces plaques d’athérome qui, en se détachant, forment des caillots qui bouchent artères vasculaires-cérébrales.
Outre le changement de mode de vie, l’hypertension doit absolument être traitée, et ce dès son apparition. "C’est parfois difficile de faire comprendre qu’à 40 ans, il faut prendre un médicament tous les jours, pour éviter des problèmes 15 ou 20 ans après. Pourtant, lorsque le traitement est bien observé, cela donne de très bons résultats", estime Anaïs Goguet.
Des conséquences qui peuvent être dramatiques
La prévention est d’autant plus importante, que l’accident vasculaire-cérébrale a des conséquences graves : hémiplégie, troubles du langage, voir de l’humeur. "Dans 80 %, les patients, récupèrent la marche en six mois, 10 % en six à douze mois, et malheureusement 10 % ne récupèrent jamais la marche", souligne le docteur Jean-Luc Isambert, spécialiste de médecine physique et de réadaptation au CSSR. Un patient sur deux reste handicapé dans son quotidien après son AVC.