Malheureusement, la famille n'est pas toujours le refuge que l'on espère. Le sujet a déjà été dévoilé mardi lors du troisième comité de suivi du Grenelle des violences conjugales dans les locaux de la CPS. Cette enquête de l'Isee a été publiée dans le détail ce vendredi. Fait nouveau, cette fois, elle n'est pas le résultat des chiffres des dépôts de plainte, ce qui permet d'avoir une photographie plus précise de la situation, basée sur les déclarations d'un échantillon de Calédoniens (voir les détails de la méthodologie à la fin de cet article).
Pour près de la moitié au sein des familles
Selon les chiffres de cette étude "Cadre de vie et sécurité 2021 : Violences intrafamiliales" en moyenne, sur les années 2019 et 2020, un Calédonien sur huit a été victime de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, soit 22 200 personnes âgées de 18 à 75 ans (11,7 %), dont près de la moitié au sein de la famille.
En effet, selon les déclarations des personnes interrogées, 43 % des violences physiques ou sexuelles se déroulent dans la sphère familiale. Pour aller plus loin, 28 % de ces faits sont commis par le conjoint ou l’ex-conjoint.
Sans grande surprise, l'enquête confirme par ailleurs que les victimes de ces violences sont majoritairement des femmes. "Elles sont 3 300 à être victimes de violences physiques ou sexuelles dans le cercle familial (3,4 %). Pour 2 400 d’entre elles, les violences sont le fait de leur conjoint ou ex-conjoint."
Des faits surtout imputables aux hommes
Dans les trois-quarts des cas, les violences physiques ou sexuelles sont commises par des hommes. "Cette proportion est d’autant plus forte que les violences sont exclusivement physiques. Qu’elles soient physiques ou sexuelles, l’auteur des violences intrafamiliales et conjugales est l’homme dans respectivement 87 % et 83 % des cas."
Les zones d’habitat moins denses davantage touchées
Dans le détail, les résultats font apparaître des différences liées à des facteurs précis, tels que l’âge ou l’origine communautaire. Ainsi, les jeunes, âgés de 18 à 29 ans, sont deux fois plus touchés par les violences physiques ou sexuelles. Ou encore "les violences intrafamiliales et conjugales sont davantage rapportées par la communauté kanak."
Autre donnée importante, mais géographique cette fois : "les résidents des provinces Nord et îles Loyauté annoncent plus fréquemment subir des violences physiques ou sexuelles (6,9 %) que ceux du Sud (4,9 %). Commises dans le cercle familial, ces violences sont deux fois plus importantes dans ces deux provinces que dans celle du Sud (3,8 % contre 1,9 %)."
Sous l'emprise de l’alcool ou la drogue
De manière générale, le rôle de l'alcool ou des drogues dans les comportements violents n'est plus à démontrer. "En dehors de la sphère privée, les violences sont le plus souvent commises sous l’influence de l’alcool ou de la drogue. À l’inverse, dans la sphère familiale, les auteurs des violences sont moins fréquemment sous l’influence de ces produits. Toutefois, près d’une victime sur deux rapporte que son conjoint ou son ex-conjoint était sous l’influence de l’alcool ou de la drogue au moment des faits."
Jusqu’à la tentative de meurtre
Des violences qui peuvent prendre une ampleur dramatique. "Trois-quarts des victimes de violences déclarent avoir été giflées, frappées, étranglées, ou avoir subi d’autres types de brutalités. 17 % des victimes indiquent que leur agresseur a tenté de porter atteinte à leur vie. L’usage d’une arme ou d’un objet dangereux est mentionné par 28 % des victimes, 27 % dans le cadre familial et 23 % dans la sphère conjugale."
Des difficultés à porter plainte
Mais comment réagissent les victimes après des faits de violences ? Selon l'étude, "plus les violences se déroulent dans la sphère familiale, plus les victimes ont tendance à se livrer."
Ainsi :
- 59 % des victimes de violences intrafamiliales en ont parlé à un ami ou un proche,
- 28 % ont été vues par un médecin,
- 16 % ont consulté au moins une fois un psychiatre ou un psychologue,
- 18 % ont rencontré un membre d’une association d’aide aux victimes
- et 16 % ont parlé de leur situation à des travailleurs sociaux.
Autre problème, le cadre familial et conjugal favorise la répétition : respectivement 60 % et 67 % des victimes déclarent avoir subi des faits répétés. D’autant plus que seules 25 % des victimes de violences au sein du cercle familial déclarent avoir déposé plainte à la gendarmerie ou dans un commissariat de police. Un chiffre encore plus faible pour les victimes conjugales (24%).
L'espoir de régler les choses autrement
Autrement dit, seule une victime sur cinq porte plainte contre un proche. "La principale raison pour laquelle les victimes de violences physiques ou sexuelles ne font pas de signalement auprès des forces de l’ordre réside dans l’espoir qu’elles ont de trouver une autre solution. Plus les violences se déroulent dans la sphère familiale, plus cet espoir est entretenu", détaille l'étude.
Une enquête qui ne concerne que les adultes
Pour cette enquête, la collecte des données s’est déroulée du 15 février au 30 septembre 2021, par le biais de deux questionnaires, le premier étant "auto-administré", sous casque, "afin de garantir l’entière confidentialité des réponses".
Un questionnaire particulier. "Considérées comme sensibles parce qu’elles désignent des violences physiques ou sexuelles et qu’elles se produisent souvent au sein même du ménage, l’échantillon d’analyse est ici restreint aux adultes âgés de 18 à 75 ans, ce qui représente 2 861 personnes. Pour des questions de déontologie liées à la protection des mineurs, l’enquête n’interroge, en effet, que les personnes adultes." Autrement dit, les chiffres pourraient être différents, avec la prise en compte du public mineur.
Pour rappel, les conclusions de l’enquête de l'Isee "Cadre de vie et sécurité" dressent en parallèle un état des lieux des violences vécues par les Calédoniens dans leur quotidien, qu'il s'agisse des atteintes aux biens ou aux personnes.