Réouverture du ciel calédonien en fin d'année dernière, suppression de la septaine à l'arrivée, et plus récemment, reprise des vols touristiques en Australie, depuis février, et en Nouvelle-Zélande, à partir du 8 mai... Les obstacles sautent les uns après les autres, depuis quelques mois, pour les voyageurs au départ du Caillou.
La reprise du tourisme international semblait donc aller de soi. Mais elle s’avère plus difficile que prévu, selon Vaea Frogier, la présidente du syndicat des agences de voyage. "Les pays autour de nous demandent un schéma vaccinal complet pour se rendre chez eux, un test antigénique ou PCR… Il y a beaucoup de contraintes qui se sont rajoutées au fait de voyager, aujourd’hui, et je crois que les voyageurs ne sont pas tout à fait prêts à cela".
On est un peu en train de revivre ce qu'on a vécu après le 11 septembre. On ne monte plus dans les avions comme avant la crise Covid
Vaea Frogier, présidente du syndicat des agences de voyage
Des liaisons aériennes perturbées par le conflit russo-ukrainien
Aux conséquences de la crise sanitaire, s’ajoute depuis peu la guerre en Ukraine. "Depuis le 21 février, de nombreux passagers Finnair et KLM sont rabattus sur les vols d’Air France pour rejoindre Tokyo", indique Vaea Frogier. Mais ces changements ne sont pas toujours simples à opérer.
Sur la page Facebook du collectif des Néo-Calédoniens bloqués dans le monde, Kira Nérys, son administratrice, a recueilli beaucoup de témoignages de voyageurs en difficulté. "Normalement, Air France devait récupérer jusqu’à fin mars des passagers. Mais [la compagnie] se retrouve saturée car les avions ne sont pas extensibles. Des gens se retrouvent donc bloqués car ils ont des billets Finnair annulés et pas moyen de prendre des billets pour revenir".
Des connexions parfois incompatibles
Parmi les problèmes concrets qui se posent : le cas d’Eric, un Calédonien qui devait partir fin juillet à Paris et rentrer en août sur le Caillou. Ce voyageur a pris un billet Finnair, mais la correspondance à Tokyo ne matche pas, au retour, avec les horaires d’Aircalin pour le tronçon Tokyo-Nouméa. "Le vol Finnair arrive à Tokyo, après que l’avion d’Aircalin a décollé. Donc le retour est impossible", se désole-t-il.
Une solution : dormir à l’hôtel à Tokyo, en attendant le prochain vol d’Aircalin. Sauf que "Tokyo n’a pas encore rouvert ses portes aux touristes". Les passagers ne peuvent donc pas y faire escale, seulement passer quelques heures en transit à l'aéroport.
Des vols plus chers
Sur les conseils de son agence, Eric a envisagé de se faire rembourser son billet auprès de la compagnie Finnair et d'opter pour un vol Air France. Seul problème : "Ce n'est plus du tout le même prix, s’étrangle le voyageur. Il faut compter 75 000 francs par personne, en plus".
Même constat du côté des agences : "Air France est déjà bien chargé. Quand les clients nous demandent un billet pas cher, on s’excuse d’avance", relate la présidente du syndicat.
La galère des réservations sur Internet
Changer un vol ou se le faire rembourser s’avère plus compliqué encore pour les clients qui ont réservé en ligne. Il y a "des gens qui prennent leurs billets sur internet et qui ensuite se retournent vers nous parce que ça ne va plus. Or, quand un billet a été émis, l’émetteur du billet en est propriétaire, donc moi [agence de voyage], je ne vais pas pouvoir intervenir sur un billet qui a été émis sur internet", indique Vaea Frogier.
Des destinations encore limitées
A ce jour, plusieurs destinations restent fermées aux touristes. C’est le cas du Japon, sauf pour effectuer son transit entre deux pays. A Wallis-et-Futuna, les vols commerciaux n’ont toujours pas repris. Même chose au Vanuatu, qui fait face depuis peu à la propagation du coronavirus.
Résultat : le trafic aérien international, au départ et à destination du Caillou, n’a retrouvé qu’un quart de son activité. "Avant la crise, il y avait 76 vols qui entraient et qui sortaient de Calédonie, soit 38 lignes. Aujourd’hui, on n’a que 23 % du trafic qu’on avait précédemment", signale Vaea Frogier. Des chiffres loin d'être satisfaisants pour les agences : "On fonctionne sur le volume. Or, aujourd’hui, on n’en a pas assez pour générer de la marge."
Manque de main d’œuvre qualifiée
Cette reprise de l’activité s’avère donc "excessivement compliquée", selon la présidente des agences de voyage, qui relève une autre difficulté liée à la crise sanitaire : la pénurie de personnel qualifié. "On manque de main-d'œuvre, clairement, parce que pendant la période Covid, il a fallu qu’on allège nos équipes pour pouvoir tenir le coup puisqu’on ne pouvait pas garder tout le monde en chômage Covid. Résultat des courses, aujourd’hui, on est dans une reprise compliquée avec beaucoup de technicités, de modifications et des vols qui changent d’horaire régulièrement et on est clairement à court de bras".
La question du recrutement pose aussi problème. "On n’arrive pas à recruter car la matière grise, le savoir-faire, s’est perdu depuis deux ans", poursuit la présidente du syndicat des agences de voyage. Nos collaborateurs qui ont quitté l’agence, il y a un an ou deux ans de cela, ont fait des reconversions et tous les étudiants qui vont sortir de BTS n’ont pas l’aptitude à travailler sur nos outils, puisque nous n’avons pas pu les prendre en stage pendant deux ans".