« On n'est pas du tout sur des essais thérapeutiques » : Pourquoi Thomas Pison s'oppose à la relaxe du père qui soigne son fils au cannabis

Arii tient la main de son fils épileptique
La justice reprochait à un père de famille d’avoir cultivé du cannabis dans son jardin, qu’il utilisait en huile pour masser son fils lourdement handicapé. Le tribunal l'a relaxé le 14 juin mais le Parquet général a fait appel de cette décision. Une situation qui met en lumière l'absence de législation en matière de cannabis thérapeutique en Polynésie.

Sous la menace d'une peine de prison, Ariimatatini Vairaaroa, un père de famille de 47 ans, a été relaxé le 14 juin dernier. Mais il devra finalement retourner au tribunal puisque le Parquet général a fait appel.

Le procureur général ne fait pas d'exception

Si l'avocat de la défense, Me Millet, dénonce un « acharnement révoltant », le procureur général, lui, refuse d'écarter l'infraction pénale pour détention et usage de stupéfiants, pour laquelle le père est poursuivi :

« La décision rendue est contraire aux réquisitions du ministère public. Donc c’est assez classique, lorsqu’on n'a pas gain de cause, le ministère public, comme la défense, peut faire appel. La deuxième chose : on n'est pas du tout sur des essais thérapeutiques. On est sur une culture de 110 plants. Avec un usage de cannabis du père, en état de récidive. Donc à un moment donné, même si la peine peut être modérée, il faut rappeler les principes », argumente Thomas Pison, Procureur général.

L'avocat de la famille, « révolté par cette décision », va devoir préparer la défense. Cette « situation humainement dramatique aurait dû, je pense, susciter une remise en cause de la part du parquet général. Se dire qu’humainement, c’est inopportun de poursuivre un père qui soigne son enfant comme il le fait. Un enfant qui, il faut le rappeler, faisait jusqu’à vingt crises d’épilepsie par jour. On est sur une maladie tragique, très difficile, qui vous donne l’impression d’étouffer, de mourir, à chaque crise » regrette Thibaud Millet.

Débat sur le cannabis thérapeutique 

L’appel du parquet général est un nouveau coup dur mais il symbolise surtout le bras de fer autour du cannabis thérapeutique au fenua. Sur ce point, Me Millet maintient sa position et dénonce une réglementation locale obsolète, qui ne définit aucun seuil pour considérer le cannabis comme stupéfiant, contrairement à la loi métropolitaine, qui retient un seuil de 0,3% de THC pour classer le cannabis comme stupéfiant.

Tous les pays ont changé de réglementation et ont estimé, en accord avec les données médicales, que le cannabis n’est un stupéfiant que s’il dépasse 0,3% de THC. Et aujourd’hui, on a une réglementation qui englobe le cannabis qui contient moins de 0,3% de THC. C’est sur la base de cette réglementation et de cette particularité qu’est poursuivi aujourd’hui le père, dont on soutient qu’en réalité, il n’a fait que consommer du CBD, du cannabidiole.

Thibaud MILLET

- Avocat de la défense

La question du cannabis thérapeutique reste en suspens et doit être débattue prochainement à l’Assemblée de Polynésie. Quant à cette affaire, elle devrait être jugée par la cour d’appel fin 2024.