Attaque mortelle de molosses : que dit la loi ?

Photo d'illustration
Alors qu'une femme a été tuée par une meute de chiens, mardi 12 mai, à Pirae, l'heure des questions arrive. Ce drame aurait pu être évité si chacun avait respecté la réglementation. En effet, la détention de chiens "dangereux" est réglementée depuis 2008.
 
Mourir en se faisant mordre par une meute de chiens reste un fait extrêmement rare, en Polynésie. La dernière affaire du genre remonte à juillet 2018. À Raiatea, dans la commune de Tevaitoa, une fillette de 18 mois est morte de blessures causées par le chien du voisin, un membre de la famille. Si les parents n’ont pas porté plainte, la justice s’est saisie de cette affaire. Les propriétaires avaient été condamnés à 24 mois de prison avec sursis et près de 10 millions Fcfp d’amende.

Ce mardi 12 mai 2020, c’est une octogénaire qui décède à Pirae.
Ce triste fait divers est une nouvelle occasion de rappeler la règlementation en vigueur.
 

Que dit la loi ?

Une réglementation particulière encadre les chiens dits « dangereux », qui sont classés en deux catégories distinctes depuis 2008. Elle implique pour leurs maîtres des obligations à connaître et des précautions à prendre. Mais force est de constater qu'elle n'est pas respectée.

Les chiens de 1ère catégorie concernent les chiens d'attaque. Ils sont assimilables par leurs caractéristiques morphologiques aux chiens de race American Staffordshire terrier (chiens communément appelé "pitbulls" ou encore les chiens de race Rottweiler.
Les chiens de 2ème catégorie sont des chiens de garde ou de défense. Ils sont reconnaissables par leurs caractéristiques morphologiques, dont le poids standard, ou à défaut le poids moyen, du mâle adulte est de plus de 40 kilos. Sachez que le détenteur d'un chien inscrit sur cette liste des chiens susceptibles d'être dangereux doit remplir des conditions et accomplir des formalités.

Pour ces chiens d’attaque et de défense, l’acquisition, la vente et l’importation sont strictement interdites. La stérilisation est obligatoire et la divagation dans les lieux publics doit respecter certaines conditions. Un permis de détention est également nécessaire.

Vous ne pouvez pas être propriétaire d’un chien de ces deux catégories si vous avez moins de 18 ans. De même que si vous avez été condamné pour crime ou à une peine d’emprisonnement pour délit inscrit au casier judicaire n°2.

Les animaux, chiens ou chats, bien que les meilleurs amis de l’homme, peuvent également être la cause d’accidents, de blessures ou de dégâts. La loi est claire à ce niveau : les dommages causés par un animal sont susceptibles de mettre en cause la responsabilité de son propriétaire ou de son gardien, même s’il n’y a pas eu faute de ce dernier.

Les mâchoires des molosses exercent une pression de 160 kg par centimètre carré, de quoi briser les os d’un adulte. C’est 3 fois plus puissant qu’un teckel par exemple, d’où l’importance pour les maîtres de redoubler d’attention.
 

Responsabilité du propriétaire

Les propriétaires des chiens qui ont causé la mort de l’octogénaire sont aujourd’hui poursuivis pour homicide involontaire avec circonstances aggravantes. Maître Annabelle Roy-Cross a traité plusieurs affaires en lien avec des animaux, et particulièrement des chiens. Leur défense sera compliquée. « Tout dépend des circonstances. Il faut savoir si c’était des chiens qui étaient d’habitude dehors (ndlr : en dehors du domicile), s’ils avaient déjà mordu, si ils étaient maltraités, si les propriétaires avaient un casier...C’est un peu difficile à croire que c’est un accident. Cinq chiens de propriétaires différents, ça veut dire qu’ils divaguaient, ce qui est déjà une infraction en soi. Si jamais il y a eu des précédents, si jamais des voisins ont été mordus, il va être très difficile effectivement de défendre ces propriétaires de chiens. »

La peine encourue est de 5 ans d’emprisonnement et près de 9 millions Fcp d’amende. Pour Patrick Perron, vétérinaire, président du syndicat des vétérinaires, et membre du conseil de l’ordre des vétérinaires de Polynésie, « il est irresponsable de laisser des chiens de ce gabarit se balader, pitbulls ou pas ! Un berger allemand ou un malinois peut faire autant de dégâts. »
Les chiens risquent fortement d’être euthanasiés sur ordonnance du juge.
 

Le chien, un animal basé sur une logique d’organisation sociale

À l'état naturel, tout chien est susceptible de se rallier à une meute et de tenter de l'intégrer. Dans la pratique, un chien domestique vivant seul avec ses maîtres va interpréter cette configuration comme une meute, et ses comportements répondront donc à la logique de hiérarchie dictée par ses instincts sociaux. C'est sur ce principe que se basent les comportementalistes pour régler les situations de conflit entre le maître et son chien. Il faut toujours avoir à l’esprit que l’agressivité fait partie du mode de communication chez le chien. Tous les chiens peuvent mordre un jour ou l’autre. Un chien qui n’a jamais mordu pourrait le faire et un chien qui a déjà mordu pourrait ne jamais mordre de nouveau, comme il pourrait recommencer. Et tous les humains sont « de potentielles proies » selon Patrick Perron, vétérinaire, président du syndicat des vétérinaires, et membre du conseil de l’ordre des vétérinaires de Polynésie.

« L’effet de meute fait que les chiens deviennent un groupe de prédateurs organisés et qui vont chasser. Le cadastre que nous respectons, nous humains, vous vous doutez bien que les chiens n’ont pas cette notion. L’animal ne fera pas de mal à ses maîtres à lui, parce qu’il habite dans une famille qui est considérée comme une meute pour le chien. Il ne va pas attaquer des membres de sa meute. Mais, on attaquera tout individu, animal ou humain qui représentera un danger potentiel pour la meute. »
Il faut donc les éduquer.
 

4 clubs canins à Tahiti

Comme les enfants, nos animaux à quatre pattes ont besoin d’être éduqués. Il s’agit de faire comprendre au meilleur ami de l’homme ce que l’on attend de lui pour qu’il s’intègre harmonieusement dans notre vie et dans celle de tous nos concitoyens.
Parallèlement, il est aussi enseigné au maître comment il doit se comporter pour être écouté et entendu par son chien.

« J’en veux un petit peu aux responsables. Ce n’est pas volontaire, c’est par ignorance, et c’est là où est le problème. Il y a 4 clubs canins d’éducateurs, pourquoi ne pas aller les voir ? Quand on a un animal, on est responsable de cet animal, on est responsable de la divagation de ces animaux. Laisser des gens sans aucune notion d’éducation, éduquer un animal, ben on fait des erreurs. » regrette le vétérinaire de Punaauia.

Le médecin reconnaît par ailleurs que le confinement a pu être un facteur aggravant sur le comportement des chiens, « ils se sont attribués des territoires », il ne faut cependant pas tous les « catégoriser ».