La montée en flèche du Rassemblement national en métropole est au cœur des préoccupations politiques et sociétales. La victoire du parti d’extrême droite aux élections Européennes de 2024 a effrayé le président Macron, qui en réponse, a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Un coup de tonnerre qui a fait sauter le mandat des 577 députés dont les trois parlementaires Polynésiens Tavini, élus en avril 2022.
Le positionnement à l’Assemblée nationale
Les députés sortants sont au fenua pour une campagne express… Eux qui siégeaient dans le groupe GDR – NUPES au palais Bourbon, comptent renouveler leur confiance à la gauche, avec qui ils “se sentent bien” confie Mereana Reid Arbelot. Un parti qui leur laisse la liberté de s'exprimer, au-delà de leurs idéaux indépendantistes, dit-elle. Pas question pour la députée sortante de s’associer au RN : “Nous avons soutenu et soutenons toujours le front populaire. Nous conservons nos valeurs et nos convictions”, lance-t-elle fermement.
Lorsque l’on se tourne vers Pascale Haïti-Flosse et Naumi Mihuraa, les réponses sont plus évasives. La question est pourtant claire : siégerez-vous au côté du RN à l’Assemblée nationale ? Si les oranges vont plus naturellement “vers la droite”, admet Pascale, “il faudra se concerter” avec ses nouveaux partenaires autonomistes qui portent la couleur rose pour ces élections législatives. “Je ne peux pas vous répondre tout de suite. Nous irons là où il y a l’intérêt des Polynésiens et de la Polynésie avant tout”, indique la compagne du Vieux Lion.
La discussion dévie sur la question du statut et des alliances des uns et des autres mais Pascale Haïti et Naumi Mihuraa ne se positionnent pas immédiatement en défaveur du RN... Jusqu’à ce que le candidat Heiura-Les-Verts ne fasse ressurgir un lointain souvenir : “Je me rappelle de ce qu’avait dit Jean-Marie Le Pen, que ‘la Shoah était un point de détail de l’histoire’, puis des milliers de juifs sont morts…Ça ne passe pas. On ne négocie pas avec ça.”
Aussitôt, le choix de l’allié politique à l’Assemblée nationale prend une autre dimension : “Je comprends ce point de vue, il ne va pas à l’encontre de notre position. Je le dis et je le répète, si les électeurs nous font confiance, nous leur proposerons une carte de l’Assemblée nationale pour décider avec eux d’où on siège” rétorque Naumi Mihuraa.
Aucun moyen de savoir si le nouveau du RN Jordan Bardella est aussi extrême que ses anciens, mais les Français ont besoin de changement et ils votent RN pour faire comprendre à Macron qu’il n’a pas su répondre à leurs attentes… Comme les Polynésiens l’ont fait en avril 2022, en écartant le Tapura pour lui faire payer sa mauvaise gestion de la crise sanitaire.
Clivage autonomie-indépendance
Mais les électeurs renouvelleront-ils leur confiance au Tavini après une première année très critiquée de mandature en Polynésie ? “Ce sont des indépendantistes qui se conforment au statut d'autonomie alors qu’ils viennent supprimer cette fête qui est importante, ça marque l’histoire de ce Pays, les quarante ans de l’autonomie. C'est le jour où il a eu plein pouvoir. Quand Mme Arbelot nous parle de développement de notre pays, je suis un peu surprise : l’indépendance n’est pas à l’ordre du jour. Ce qui veut dire que l’autonomie est une bonne chose”, argumente Pascale Haïti-Flosse, attachée dure comme fer au statut mis en place par son mari. “Air Tahiti Nui, le RST, les aéroports de toute la Polynésie, la création de l’Université : l’autonomie a permis à ce pays de s'asseoir où il doit être aujourd’hui” liste fièrement la compagne de Gaston Flosse, qui rappelons-le, encourt trois ans d’inéligibilité dans l’affaire du faux bail, sur laquelle la cour de Cassation doit se prononcer.
Et Mereana Reid Arbelot de renchérir : “Il faut arrêter de pointer du doigt l’indépendance. Quarante d'autonomie et qu’est-ce que nous avons aujourd’hui ? On ne va pas se mettre sur un palmier et attendre que ça passe. Il y a plein de choses qui auraient pu être faites.” L’ancienne aiguilleuse du ciel, devenue députée à la demande de Moetai Brotherson il y a à peine un an, fait front à son adversaire en évoquant “un accord autonomiste fragile” face à des indépendantistes “constants”, avant d’exprimer son souhait d’en finir avec ce clivage autonomie-indépendance.
“C’est une union de changement” préfère dire la compagne du Vieux Lion. Naumi Mihuraa aussi dit “stop” : “Nos problèmes sont les mêmes que l’on soit indépendants et autonomes. On se concentre sur nos défis”.
L’occasion pour Jules Hauata de rappeler le sien, celui des Verts : la transition énergétique. “Cela fait bien quarante ans qu’on a notre statut autonomiste. Mais on est autonome de rien du tout. On dépend encore des pays de l’extérieur. On est déterminé à ce que ce pays soit autonome au niveau alimentaire”.
La thématique de l'Écologie, devenue un argument de campagne pour la plupart des partis politiques aujourd’hui, est inscrite dans les dossiers prioritaires de la députée sortante. “Dans mon bilan nous avons soumis une proposition de résolution visant à adapter nos politiques publiques au changement climatique, proposition qui a été votée à l’unanimité”, défend Mereana Reid-Arbelot.
La question du nucléaire
Parmi les autres dossiers prioritaires de l’élue : le nucléaire — qui met tout le monde d’accord, ou presque. La députée Tavini veut rassurer sur l’avancée des travaux concernant la Polynésie. “Il n’y a aucun problème avec l’étiquette de l’indépendance. Je rassure Mme Flosse, les amendements ont été faits, pour proroger [la cellule qui traite les dossiers du nucléaire] de six ans. Mais elle apprendra un jour, si elle [Pascale Haïti, NDLR] arrive à l’Assemblée nationale, qu'on ne pose pas des amendements n'importe comment. On les pose dans ce qu'on appelle le PLF (projet de loi de finances) de 2025. Cela va être fait sauf que l’Assemblée va être dissoute. Mais les amendements sont prêts, je la rassure !” réplique Mereana Reid Arbelot avec ferveur.
Pour les quatre candidats autour de la table, cette question du nucléaire est primordiale. “Nous traînons sur des détails” alors que “le Polynésien attend, attend… Il faut que cela se fasse rapidement. Dans cette affaire-là, il n’y a pas de couleur politique” expose Jules Hauata.
De son côté, Naumi Mihuraa a déjà réfléchi à plusieurs actions qu’elle pourrait mener : “une révision de la loi Morin - révision de la liste des maladies - demander à l’Etat d’être au rendez-vous dans l’indemnisation du fait nucléaire. Le sujet s’impose à nous, peu importe notre couleur politique”, confirme la jeune femme, qui a baptisé son groupe “Donnez-nous une chance”. Elle a conclu le débat en premier au bout d’une heure, en souhaitant joyeux anniversaire à Gaston Flosse.