Sans médecin au dispensaire, impossible de prescrire des médicaments, des prises de sang, des examens ; Impossible d'établir des diagnostics... "Comment on va faire ? Pour l'instant, on a encore un médecin mais à la fin du mois, personne ne sait. C'est la population qui va en pâtir" s'inquiète Kevin Russo, pharmacien à Rurutu.
Cela fait au moins deux ans que le centre médical de l'île est à l'agonie, à l'image de celui de Bora-Bora, suite au départ imprévisible de deux des trois médecins, à Raiatea où les syndicalistes appellent à la grève. Même l'hôpital de la capitale souffre du manque de moyens humains et matériels pérennes. Les chefs de service du CHPF de Taaone ont déposé leur démission mi-mai pour alerter le Pays.
"On a besoin de plusieurs médecins qui restent"
L'offre de santé se dégrade en Polynésie dans le public, au même titre que la santé des habitants et notamment ceux des îles. Il faut systématiquement engager des évacuations sanitaires, ce qui n'aide pas à renflouer les caisses de la CPS. Pour Kevin, il faudrait recruter deux médecins, de manière durable à Rurutu. Ce serait une solution valable pour l'ensemble du territoire, mais le budget de la santé ne suit pas, estime le pharmacien.
"Nous restons sans réponses. La direction de la santé aussi n'a pas les moyens... En moins de trois ans, 15 médecins se sont succédé mais on a besoin de plusieurs médecins qui restent."
Kevin Russo, pharmacien à Rurutu
Alors que la métropole aussi traverse une période difficile en matière de santé, "les jeunes médecins commencent à connaître les conditions dans les îles où ils sont souvent livrés à eux-mêmes et il faut qu'ils soient disponibles 24h/24 7j/7. Même les salaires ne sont plus attrayants" avance le pharmacien.
Toute la Polynésie concernée
Dans l'archipel des Tuamotu, la situation aussi est compliquée. À Tatakoto par exemple, la population ne dispose que d'une seule auxiliaire de soins. Mais elle ne peut pas prescrire tous les traitements nécessaires. "C'est difficile, les enfants n'étaient pas à jour de leurs vaccins" raconte Hiivai Teariki, mère au foyer sur l'atoll.
Aux îles Sous-le-Vent, un plan d'urgence de continuité des soins a été mis en place mi-mai pour le dispensaire de Bora-Bora, garantissant au moins un médecin pour la prise en charge des urgences 24h/24, 7j/7 ainsi que l’organisation régulière de vacations de médecine générale notamment pour les missions de protection maternelle et infantile et de santé scolaire ainsi qu'un accès facilité et moins coûteux aux soins.
La situation est générale mais chaque île ou atoll a ses spécificités. À Tahaa, Raphaël Dana, l'un des deux médecins de l'île vanille, constate que "ça dysfonctionne beaucoup depuis plusieurs années. Les délais de rendez-vous avec les spécialistes se rallongent." Le dispensaire de Patio peine aussi à recruter des médecins. S'il est plutôt épargné dans son cabinet, "certains médecins sont trop sollicités, tout seul dans les îles... Je comprends qu'il craque" confie le taote de Tahaa.
Grève à Uturoa
En revanche, l'hôpital d'Uturoa est toujours à l'agonie. Le syndicat CSTP-FO s’apprête à déposer un préavis de grève pour dénoncer un manque d’effectifs, qui aurait pour conséquence la fermeture de certains services. Ce n'est pas la première fois que les syndicalistes montent au créneau pour signaler un manque cruel de personnel.
Plusieurs services sont au bord de l'asphyxie, comme les urgences, la maternité, la radiologie ou encore la chirurgie.
La grève pourrait être effective lundi 8 juillet.