Le projet de loi de Pays qui réglemente « certaines activités relatives au cannabis dépourvu de propriétés stupéfiantes et les médicaments contenant du cannabis ou des cannabinoïdes » a été adopté par les représentants de l'Assemblée en juillet 2024. Récemment, plusieurs arrêtés d'applications ont été publiés au journal officiel et la direction de l'agriculture a ouvert le dépôt des dossiers pour les cultivateurs intéressés par le cannabis thérapeutique jusqu'au 1er avril.
Craintes des dérives
Charles Renvoyé, vice-président de la fédération citoyenne de lutte contre les drogues et la toxicomanie, s'inquiète de la mise en place de cette réglementation. Pour cet ancien consommateur d'ice, aujourd'hui militant contre les drogues, c'est un non catégorique. "J'ai fait beaucoup de quartiers les temps derniers. Beaucoup de parents s'inquiètent. (...) Si je dois parler en mon propre nom, je dirai non à ça, même si je sais que ça devrait soigner. Déjà à Nuutania c'est censé être bien surveillé, et ils arrivent à le faire rentrer à l'intérieur. Vous croyez qu'en plein air, ça ne pourrait pas déborder ?" interroge-t-il.
Si Pauline Niva comprend ces inquiétudes, la représentante Tavini Huiraatira à l'Assemblée veut rassurer. "L'idée, c'est de lancer l'appel à des agriculteurs qui vont se lancer et le terrain, c'est 1000 mètres carrés seulement : c'est vraiment quelque chose qui sera bien encadré avec la direction de l'agriculture et le gouvernement. (...) La balle qui est dans notre camp, c'est d'informer notre population" lance-t-elle.
Comment respecter le seuil maximum de THC ?
C'est le CBD qui intéresse le monde de la santé. Le cannabis dit "thérapeutique" ne doit contenir que peu de THC, qui est la substance psychoactive. Le seuil est fixé à 0,3% de THC. Pour Charles Renvoyé, le défi semble compliqué : "en plein air, est-ce que le taux va rester à 0,3% ? C'est là mon inquiétude" lâche-t-il.
Le gouvernement se repose sur des tests et des analyses effectués notamment par l'Institut Malardé. "On a fait des recherches pour trouver des graines qui vont donner des produits à 0,3% avec des contrôles par derrière. Mais je tiens à rassurer les familles : c'est une phase test pour le moment. À l'Assemblée, nous attendons les résultats de cette phase test et on avisera" indique Pauline.
Création d'emploi ?
Outre l'exploitation de ses vertus thérapeutique, cette légalisation et la culture du cannabis à faible teneur en THC pourrait créer de l'emploi et ainsi dynamiser l'Economie locale. Pour la phase pilote, dix agriculteurs seront autorisés à cultiver dans la limite de 500 plants pour assurer un développement progressif et sécurisé sur un terrain de plus de 1000 mètres carrés. Pour l'heure, les places sont limitées mais Pauline Niva positive.
Charles, lui, campe sur sa position. "Si je dis oui, ça serait contraire à mes principes et aux valeurs fondamentales de l'association où on dit qu'on est là pour la lutte contre toutes les drogues. Moi je dirai non" réitère-t-il. Et de poursuivre : "ça va pousser encore plus de jeunes à aller planter. Au Canada, quand ils avaient légalisé le cannabis, c'est passé à une échelle énorme de consommateurs, ne crois-tu pas qu'il y aura une dérive ?"
Il n'y a pas de risque zéro, admet Pauline. Mais elle est persuadée que cette réglementation servira à "encadrer les choses dans une loi de pays pour qu'on puisse contrôler ces agissements dans notre Pays".
Regardez l'intégralité du face-à-face :