"Est-ce que l'État français a été averti au préalable de cette manœuvre ? J'aurais préféré, en tant que président de la Polynésie, d'être averti avant que le tir ait lieu" : Moetai Brotherson est surpris d'apprendre mercredi matin qu'un missile balistique chinois a atterri près de notre ZEE. Dans l'après-midi ce mercredi, le haut-commissariat de Polynésie a confirmé que la France a été informée de cet essai et qu'elle s'exprimera en temps voulu.
Je suis surpris et un peu inquiet. J'aurais préféré être averti avant que le tir ait lieu.
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française
S'il s'agit d'un "missile inerte tombé dans les eaux internationales de l'océan Pacifique" tient à préciser le haut-commissariat, ce type de missile balistique intercontinental fait tout de même partie des armes les plus puissantes du monde et peuvent transporter des charges nucléaires dévastatrices.
Les autorités chinoises avaient préalablement notifié cet essai à leurs homologues françaises, qui ne manqueront pas de faire connaître leur position sur ce tir.
Communiqué du Haut-Commissariat de la République en Polynésie française
"Compétition géostratégique"
N'y a-t-il vraiment aucune raison de s'inquiéter ? "Il a quand même atterri pas très loin des Marquises, à la limite de notre ZEE" souligne le président de la Polynésie. "700 kilomètres des Marquises, 875 de Bora-Bora" comme le précisent les calculs du chercheur néerlandais Marco Langbroek. "Je suis d'abord surpris, évidemment un peu inquiet" poursuit Moetai Brotherson.
Et il n'est pas le seul. Teva Rohfristch, sénateur de la Polynésie, a également partagé ses interrogations en évoquant l'axe indo-pacifique. "Cela nous rappelle qu'on est à un niveau de tension mondiale qui reste très haut, et que nous ne sommes pas épargnés en plein milieu du Pacifique. (...) Il ne s'agit pas de crier au loup et semer la terreur. Par contre, j'ai l'impression que la Chine, qui ne fait pas les choses par hasard à mon avis, a simplement voulu rappeler qu'elle est une puissance de la région et qu'elle peut intervenir par le biais de ses armes partout dans le Pacifique" estime-t-il.
Sémir Al Wardi, professeur des universités spécialisé en science politique, rappelle également l'enjeu majeur de la région Pacifique. Au-delà d'un simple essai, le tir s'inscrit "dans un contexte géostratégique entre les nouvelles routes de la soie d'un côté et l'indo-pacifique de l'autre. Il y a des stratégies militaires, par exemple Pégase 2023, à laquelle la France a participé ; Les Rafale sont venus ici, sont allés en Calédonie, vont à Singapour... L'armée française, l'armée américaine, l'armée japonaise, et australienne participent à des exercices. Donc dans cette compétition géostratégique, il ne faut pas s'étonner que la Chine aussi opère militairement en mer de Chine" décrit Sémir Al Wardi. Ce qui l'étonne en revanche, c'est que cette opération balistique ait lieu aussi loin de la Chine. Cela n'avait pas été le cas depuis 1980.
Les élus locaux ont bien l'intention d'éclaircir la situation. Teva Rohfritsch "compte réagir à Paris auprès du gouvernement et du président du Sénat pour que nous ayons plus d'explications. La portée de ce message s'il y en a un et quelles sont les mesures prises par la République pour protéger les populations, en tout cas mieux informer les Polynésiens sur les tenants et aboutissants de cette affaire."
Quant au président de la Polynésie Moetai Brotherson, il pourra rapidement aborder le sujet avec le Consul de Chine puisque -hasard du calendrier- il est invité, ce mercredi soir, à la célébration des 75 ans de la République populaire de Chine. "Je ne manquerais pas de lui donner mon opinion sur ce qui vient de se passer et lui remettre un courrier en ce sens", indique le président.