Les 15, 16 et 17 avril 2024, l'ancien président de Région Didier Robert, son ancien vice-président Jean-Louis Lagourgue, ou encore le directeur de cabinet de l'époque ont rendez-vous au palais de justice de Champ-Fleuri, dans l'affaire des emplois de cabinet. Au total, ils seront 8 collaborateurs appelés à la barre durant ces trois jours de procès en correctionnelle.
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Pour rappel, Didier Robert est poursuivi pour des faits présumés de détournement de fonds publics et prise illégale d'intérêt dans cette affaire, où il lui est reproché un trop grand nombre d'embauches au sein de son cabinet entre 2015 et 2020 : a priori 22 collaborateurs, chargés de mission et conseillers techniques, alors que la loi n'en autorise que six au maximum. Le préjudice pour la collectivité avait été estimé par la Chambre régionale des comptes à 1,4 million d'euros par an.
"Procès politique" selon Me Cressein
Son avocat, Me Philippe Cressein, indique que sa stratégie de défense sera de "faire du droit", n'hésitant d'ailleurs pas à qualifier le procès à venir de "procès politique destiné à influencer le vote des électeurs".
"Pas de vérification de la nature des emplois"
"On a repris 20 ans de jurisprudence sur la notion d'emplois de cabinets, de prise illégale d'intérêts, de détournement de fonds publics", avance-t-il, estimant que l'enquête autour de ces emplois présumés fictifs n'avait été ouverte "sur aucun fait réel" mais uniquement des suspicions, et sans que ne soient vérifiées les fonctions des personnes visées.
Ce sera là une de ses principales lignes de défense lors du procès qui s'annonce au tribunal correctionnel dans quelques semaines. Pour Me Creissen, l'ouverture de l'enquête préliminaire par Eric Tuffery, procureur de la République à cette époque, n'a été motivé par aucun élément concret.
"Le procureur financier entendu un an après dit que la Chambre régionale des comptes n'a pas procédé à la moindre vérification de la nature des emplois, de ce que chacun faisait. C'est un problème".
Me Philippe Cressein, avocat de Didier Robert
"Discrimination à raison des idées politiques"
Me Philippe Cressein note aussi que seuls 8 agents contractuels et fonctionnaires titulaires sont renvoyés devant le tribunal, alors qu'une centaine de noms avaient été mentionnés précédemment comme étant rattachés au cabinet du président de Région, "un fantasme" selon lui. L'avocat entend donc s'appuyer sur ce constat pour interroger sur une éventuelle "discrimination à raison des idées politiques". "Le procès commencera par ça. Il ne pourra pas aller plus loin sans que le juge ait tranché cet aspect", affirme Me Cressein.
"Est-ce que monsieur Tuffery s'est rendu coupable de prise illégale d'intérêt et de discrimination à raison des idées politiques lorsqu'il a ouvert l'enquête. Est-ce que madame Denizot s'est rendue coupable de recel de prise illégale d'intérêt en poursuivant ce dossier et en le renvoyant devant le tribunal ?"
Me Philippe Cressein, avocat de Didier Robert
Le rappel de l'affaire
Pour rappel, début juin 2021, un rapport de la Chambre régionale des comptes épinglait les embauches réalisées par Didier Robert, alors président de la Région Réunion, au sein de son cabinet. Soit à quelques semaines des élections régionales, auxquelles se présente le président sortant.
Quelques mois plus tard, le 6 décembre 2021, les enquêteurs de la sûreté départementale et de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCCLIFF) perquisitionnent plus de sept heures durant les locaux de la Région à la pyramide inversée. Ils y saisissent des documents et fichiers informatiques, en présence de la procureure de la République Véronique Denizot, suite au signalement et au rapport de la Chambre régionale des comptes.
Dans la foulée, quelques jours plus tard, l'ancien président de Région était entendu par les enquêteurs au commissariat Malartic.
Plus récemment, en septembre 2023, Didier Robert s'était rendu volontairement au palais de justice de Champ-Fleuri, demandant audience. Une audience qui lui avait été refusée par la procureure de la République Véronique Denizot.