Arrêtés samedi au large des côtes de La Réunion, huit migrants Sri Lankais ont été expulsés dans leur pays. La procédure a connu de nombreux rebondissements. La Cimade s’inquiète de "l’opacité" de ces expulsions. Retour sur les faits en 4 actes.
Acte 1 : l’arrestation
Samedi 6 octobre, huit migrants Sri Lankais sont interceptés par les forces de l’ordre au large de La Réunion. Ils viennent de passer plusieurs jours à bord d’un bateau de pêche étranger. Leur objectif : fuir leur pays et venir chercher l’asile en France, à La Réunion. Ils ont entre 20 et 30 ans, l’un d’eux serait mineur. Les migrants sont immédiatement conduits en zone d’attente à l’aéroport Roland Garros à Saint-Denis.Acte 2 : l’expulsion
Les huit Sri Lankais sont munis d'une carte de pêche avec une photo d'identité. Après leur arrestation, ce document maritime a été transmis au gouvernement du Sri Lanka qui a attesté qu'il s'agissait bien de ressortissants du pays.Mardi 9 octobre, le préfet de La Réunion décide de les renvoyer dans leur pays. Il les fait embarquer dans un vol pour Maurice, escortés par six agents de la PAF, Police Aux Frontières. Les Sri Lankais sont munis de laissez-passer consulaires délivrés par le Sri Lanka et qui garantissent un rapatriement officiel et immédiat.
Acte 3 : le blocage à Maurice
Arrivés à Maurice, l’escorte se termine et les migrants doivent embarquer pour le Sri Lanka, via l’Inde. Problème : aucune compagnie ne les accepte sans escorte, et les six agents de la PAF n’ont pas de visa pour le Sri Lanka et l’Inde.La préfecture de La Réunion ouvre une cellule de crise. Elle est en lien avec l’ambassade de France à Port-Louis. Deux options sont envisagées : des visas d’urgence pourraient être délivrés aux agents ou les migrants pourraient partir pour le Sri Lanka via Paris. La préfecture envisage d’abord la délivrance de visa pour les agents, elle décide ensuite d’envoyer des agents supplémentaires depuis La Réunion pour assurer l’escorte.
Finalement, les migrants vont quitter Maurice hier soir, revenir à La Réunion et décoller pour Paris afin de rejoindre leur pays. Entre La Réunion et Maurice, l’affaire est diplomatique.
Acte 4 : les questions
Mercredi 11 octobre, la Cimade publie un communiqué pour dénoncer l’opacité de cette expulsion. "La précipitation avec laquelle la police aux frontières et la préfecture de La Réunion ont mis en œuvre l’expulsion de ces personnes" inquiète fortement l’association, "notamment sur la violation éventuelle du principe de non-refoulement des demandeurs d’asile"."Enfermer plutôt que protéger semble être la devise des autorités", écrit la Cimade qui pose plusieurs questions : "les personnes ont-elles été accompagnées d’interprètes dans la procédure ? Ont-elles été informées de leurs droits ? Ont-elles été en mesure de déposer une demande d’asile ? de faire un recours contre le refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile sous 48 heures ?"
Regardez le reportage de Rahabia Issa et Willy Fontaine :
Des questions que se posent également, Maître Ali Mihidoiri, avocat spécialisé en droit de l’homme : "Nous avons des outils propres aux étrangers qui souhaitent entrer sur le territoire français : il y a la loi et le contrôle du juge, rappelle l’avocat. La loi a-t-elle été respectée ? Je ne sais pas. Le juge a-t-il pu exercer son contrôle sur cette procédure ? Sur ce dernier point, la réponse est négative, car ces personnes n’ont pas eu d’audience devant le juge de la liberté et des détentions".
"Souhaitaient-elles demander l’asile ?" s’interroge Maître Ali Mihidoiri. "Si c’est le cas, alors cet éloignement est illégal, car une demande d’asile doit être examiné par les autorités compétentes".
Regardez l'interview réalisée par Rahabia Issa :