Ce matin, Fabien Gilas est un planteur désabusé : mercredi, les gendarmes et l'Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales) ont effectué une descente sur son champ de cannes, pour des contrôles de la main d'oeuvre.
Il se trouve que ce jour-là, un ami, non-déclaré, était venu l'aider à couper la canne. Car depuis le début de la campagne sucrière, Fabien passe ses journées à manier le sabre sur ses 5 hectares de cannes à Saint-Louis.
Pas de main d'oeuvre
Cette visite de contrôle est venue dissuader cette rare aide à revenir donner un coup de main sur le champ. Pour ce planteur, difficile d'avoir recours à de la main d'oeuvre, déclarée ou pas : les volontaires ne se bousculent pas au portillon.
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"Li vien 1h ou 2h de temps, komen i fé pou déclare sa ? Mon camarade li la gayn la peur, li vien pu. Mi retrouv a moin tou seul, gard' tou sa kann la, komen mi sa fé ?" s'inquiète Fabien Gilas.
Des lois inadaptées au contexte réunionnais
Le président de la CGPER (Confédération générale des planteurs et éleveurs de la Réunion), Jean-Michel Moutama, souligne lui aussi cette pénurie de main d'oeuvre qui est à attribuer aux lois inadaptées au contexte réunionnais, alors que la coupe manuelle concerne encore plus de 60% de la production totale de canne sur l'île.
"Ce n'est pas qu'on ne veut pas déclarer nos salariés, c'est qu'on ne trouve pas de salariés à déclarer ! Le peu qu'on trouve, ce sont des gens qui touchent les minima sociaux et qui viennent arrondir leur fin de mois tranquillement."
Jean-Michel Moutama, président de la CGPER
Un appel aux députés
C'est pourquoi la CGPER interpelle aujourd'hui les élus réunionnais, plus précisément les députés, pour qu'ils portent à l'Assemblée nationale la nécessité d'une adaptation de la réglementation au contexte réunionnais.
Faible richesse de la canne
Parmi les planteurs, le moral n'est pas au beau fixe. Car le manque de main d'oeuvre n'est pas là leur seul motif d'inquiétude : démarrage tardif de la campagne, pannes à répétition des usines, mais aussi richesse très basse de la canne... Dans un tel contexte, nul besoin de cette pression supplémentaire apportée par des contrôles de la gendarmerie ou de l'Urssaf.
"Nou la pa besoin de sa en ce moment, la coupe la commence en retard, tous les chantiers lé en retard. C'est la pire campagne que nou peu avoir en terme de richesse de la canne, très basse. Et du jour au lendemain les gendarmes i arriv dan nos champs. Komen nou fé ? Ou sa nou sava ?"
Christophe Hoareau, agriculteur
Il y a quelques temps, la CFDT était montée au créneau devant la préfecture pour souligner la situation précaire des travailleurs saisonniers qui participent à la campagne sucrière. Le syndicat réclamait notamment des plans d'accompagnement personnalisés pour La Réunion.
Le ministre délégué aux Outre-mer, Philippe Vigier, s'était quant à lui dit sensible au statut des coupeurs de cannes, lors de sa visite sur une exploitation dans l'Est, il y a quelques semaines à peine.