"Prézerv sat nou nana", ou comment reconnaître les espèces invasives à La Réunion et apprendre à lutter contre

Le Bulbul Orphée ou "Merle Maurice"
Savez-vous distinguer une espèce exotique envahissante d'une espèce indigène endémique de La Réunion ? Ces oiseaux, reptiles, plantes, arbres peuvent paraître anodins, mais sont une menace pour celles qui font la richesse du patrimoine naturel de La Réunion. Pour y sensibiliser la population, le Groupe Espèces Invasives de La Réunion lance une vaste campagne de communication.

Un Réunionnais sur quatre n'aurait pas connaissance de la présence d'espèces invasives sur l'île, selon une étude réalisée en 2020 par le Groupe Espèce Invasives Réunion (GEIR).

Autre exemple, seulement 37% des interrogés savent que le Tulipier du Gabon, remarquable par ses grosses fleurs rouge orangé, est une espèce invasive, autrement dit une espèce exotique envahissante. Peut-être en observez vous chaque jour sans vous douter une seconde que ces plantes ou petits animaux nuisent à la biodiversité réunionnaise.

Campagne de communication

 Alors que 41% de nos espèces indigènes, animales comme végétales, sont menacées sur l'île, il y a donc urgence à agir pour les préserver des espèces exotiques envahissantes. C'est pourquoi ce mardi 12 mars 2024, le Département, la DEAL, et le Groupe Espèces Invasives Réunion ont présenté leur nouvelle campagne de communication pour sensibiliser les Réunionnais. 

"C'est une campagne de communication pour inviter la population à se mobiliser dans cette lutte contre les espèces invasives qui sont une des principales menaces qui pèsent sur la biodiversité réunionnaise. Une biodiversité exceptionnelle, unique au monde, mais aussi très fragile" 

Emmanuel Braun, directeur adjoint de la DEAL à La Réunion

Campagne de lutte contre les espèces invasives

Une mascotte mi-monstre mi-plante

Intitulé "Préserv sat nou nana", cette campagne passe notamment par la création d'une mascotte bien identifiable, avec ses airs de monstre-plante aux nombreuses dents. Cette mascotte sera visible dans des spots diffusés à la télévision, mais aussi dans les avions à destination des voyageurs, ainsi que sur les affichages dans les galeries de centres commerciaux, sur les réseaux sociaux... Mais des spots seront aussi diffusés sur internet et à la radio.

Pour précision, cette campagne de communication est portée par le Département et financée par l'Etat à hauteur de 500 000 euros.

La mascotte de la campagne "Prézerv sat nou nana"

Apprendre à identifier quelle plante, arbre, lézard, oiseau, est invasif

L'objectif ? Que tous les Réunionnais entendent parler de ces fameuses espèces exotiques envahissantes et puissent les identifier. 

"On parle d'animaux comme le rat, le chat, certains lézards qui ont été introduits et qui vont prédater des espèces endémiques de La Réunion, et on parle aussi de plantes comme la liane papillon, le longose, le goyavier... qui envahissent des milieux au détriment des espèces réunionnaises" 

Emmanuel Braun, directeur adjoint de la DEAL à la Réunion

Certaines sont bien connues des Réunionnais, mais ne sont parfois pas identifiées comme invasives, comme le "Merle Maurice".

Plus de 160 espèces exotiques envahissantes sur l'île

Or, plus de 160 espèces invasives introduites par l'Homme ont été observées sur l'île, et font de l'ombre à celles qui préexistaient à l'arrivée des premières populations. 

"L'objectif de la campagne c'est d'arriver à faire comprendre à chacun qu'il y a une biodiversité spécifique à La Réunion, et puis aussi des espèces qui viennent d'ailleurs qui peuvent être une menace pour cette biodiversité"

Emmanuel Braun, directeur adjoint de la DEAL à La Réunion

Exemples : la perruche à collier, le rat noir, le chat haret, l'agame des colons, le gecko vert poussière d'or, le corbeau familier, le martin triste, sont autant d'animaux qui portent préjudice à ceux endémiques de La Réunion.

La perruche à collier

 

Des rats dangereux pour notre biodiversité et pour la santé

Par exemple, le "rat noir" et le surmulot, espèces exotiques envahissantes à La Réunion, transmettent des maladies comme la leptospirose, font des dégâts dans les cultures, et menacent la biodiversité en mangeant entre autres les oeufs d'oiseaux endémiques. 

Trois espèces de reptiles exotiques envahissantes

Les reptiles eux, sont aussi des menaces : 15 espèces exotiques de plusieurs régions du monde ont été introduites sur l'île, dont 3 sont envahissantes : l'agame des roches, reconnaissable à sa tête et sa queue orange et son corps noir et trapu chez les mâles, le gecko géant de Madagascar, vert vif tâcheté de rouge, et le gecko vert à poussière d'or, lui aussi vert vif, mais identifiable grâce à ses trois tâches rouges sur le bas du dos. 

Il peut d'ailleurs être confondu avec les deux seules espèces de reptiles endémiques de La Réunion que sont le gecko vert de Manapany, et le gecko vert de Bourbon.

Gecko poussière d'or

 

De nombreux arbres et plantes aussi invasifs

Côté végétaux, il y en a tout autant, de la liane papillon au choca vert en passant par l'arbre-pieuvre, le raisin marron, l'herbe de la Pampa, la liane Entada Rheedei, le tabac-boeuf, le longose à fleurs jaunes, la grenadine-banane ou "tété boeuf"... et le goyavier, même si ses fruits rouges sont très appréciés une fois la saison venue.

Le Tulipier du Gabon
Le longose à fleurs jaunes

 

Un site pour les reconnaître

Pour aider à l'identification de ces plantes, arbres, reptiles, oiseaux ou rongeurs qui nuisent à nos espèces endémiques, le site du Groupe Espèces Invasives de La Réunion répertorie ces espèces, à grand renfort de photos et de descriptions permettant de les reconnaître, et de les signaler si jamais on en fait l'observation. 

Comment s'en débarrasser

En outre, "les gestes pour s'en débarrasser ne sont pas connus", fait remarquer Christian Léger, président de la SEOR. Et c'est bien là le but de la campagne "Prézerv sat nou nana". "Il faut apprendre ces gestes afin que chacun puisse être lui-même un protecteur de l'environnement", dit-il.

Des conseils pour lutter 

Pourtant, les conseils pour que chacun puisse apporter sa contribution dans la lutte contre ces espèces sont simples à suivre. 

En voici quelques-uns : 

  • Ne pas relâcher les espèces identifiées comme invasives dans la nature
  • Ne pas les nourrir 
  • Choisir de planter dans son jardin des espèces endémiques de La Réunion, ou des exotiques non-invasives, après s'être renseigné auprès de son pépiniériste 
  • Ne pas jeter le contenu de votre aquarium dans un cours d'eau de l'île pour éviter que vos espèces y prolifèrent
  • Nettoyer vos vêtements et vos chaussures et autres équipements avant d'aller vous promener dans la nature, pour éviter d'y introduire des espèces invasives sans vous en apercevoir 
  • Ne pas jeter vos déchets en forêt pour ne pas attirer les rats, prédateurs de petits animaux endémiques. Les graines des fruits notamment peuvent germer et déclencher une nouvelle invasion 
  • Si vous en avez chez vous, élaguer les arbres invasifs avant leur fructification pour éviter de répandre les graines. Mieux encore, les supprimer pour les remplacer par une espèce endémique
  • Ne faites entrer aucune espèce sur l'île, conformément à la loi. L'article L.411-5 du Code de l'environnement précise que "toute introduction, qu'elle soit volontaire ou involontaire, d'espèce non indigène dans le milieu naturel est interdite"
  • Faire stériliser vos animaux et les garder chez vous, car les chats font partie des menaces sur certaines espèces endémiques
  • Signaler ces espèces en cas d'observation dans le milieu naturel ou le milieu urbain, sur le site du GEIR
  • Participer à des chantiers de lutte contre les espèces invasives en milieu naturel en aidant à les arracher ou les supprimer 

1 628 espèces endémiques à La Réunion

Pour mémoire, La Réunion compte 1 628 espèces endémiques animales et végétales. Des animaux ou végétaux qui se sont implantés sur l'île de manière naturelle, sans intervention humaine - donc des espèces indigènes -, et qui existent à l'état naturel uniquement dans un territoire limité. 

41% sont menacées

41% d'entre elles sont aujourd'hui menacées, contre 30% en 2010. 70% des milieux naturels ont disparu en 350 ans au profit de l'agriculture et de l'urbanisation. 30% sont encore préservés, mais ils sont menacés par ces espèces exotiques envahissantes. Des espèces qui, introduites par l'Homme, se sont propagées dans un milieu naturel et menacent directement la survie des espèces indigènes et endémiques, par leur mode de vie et de reproduction. Ils menacent aussi la santé de la population, à l'image de ces rats qui sont vecteurs de la leptospirose.