Nouvelle montée d'inquiétude pour les planteurs de canne du bassin Nord-Est de l'île. Alors qu'ils étaient rassurés que la campagne sucrière démarre ce jeudi 3 août à l'usine de Bois Rouge, comme annoncé la semaine dernière, l'industriel Tereos a annoncé mercredi soir son report.
La raison ? Albioma ne peut faire fonctionner la sucrerie de Bois Rouge puisque "la centrale thermique ne sera pas en mesure de fournir la vapeur nécessaire au fonctionnement de la sucrerie comme initialement prévu".
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Une réception pour ce stockage ce jeudi après-midi
Conséquence : aucune réception de cannes ce jeudi matin sur les plateformes du bassin de Bois Rouge.
Les syndicats agricoles et la direction de l'usine ont pu s'entretenir ce jeudi, et en début d'après-midi, l'industriel a annoncé prendre en charge les cannes déjà coupées des planteurs, mais seulement l'espace de deux heures, entre 14h30 et 16h30 ce jour, mais uniquement pour stockage. Le broyage lui, ne pourra commencer que vendredi matin, sous réserve qu'Albioma puisse lancer ses machines.
Reprise des réceptions vendredi à 6h
A la mi-journée, les commissions mixtes d'usine de Bois Rouge et de Beaufonds, ainsi que des représentants d'Albioma et de l'Etat, réunis, ont acté une réception des cannes à compter de ce vendredi 4 août à 6h du matin.
"Tous les centres de réception du bassin de Bois-Rouge seront ouverts dès demain matin à partir de 6h00, à l’exception de Ravine Glissante (conformément à la décision de la précédente réunion des CMU). Si toutefois, la fourniture de vapeur demain matin ne permettait pas un fonctionnement normal de la sucrerie, la réception serait de nouveau adaptée en conséquence. Par ailleurs, la réception de canne sera possible cet après-midi dès 14h30 pour les centres de Bois-Rouge, Pente Sassy et Ravine Glissante."
Tereos Océan Indien
Les syndicats mécontents
Devant l'usine ce jeudi matin, les syndicats d'agriculteurs exprimaient leur fort mécontentement après ce report de dernière minute. Parmi eux, le planteur Jean-François Sababady, du Mouvement des paysans solidaires, a décidé de bloquer symboliquement l'accès de l'usine avec son tracteur chargé de cannes.
"On pensait que Tereos aurait fait un geste et pris au moins les cannes de pentes Sassy pour les livrer sur le Gol, mais ils n'en ont rien à faire des planteurs"
Jean-François Sababady, agriculteur
"On dit stop"
Les remorques, chargées, sont "en attente de l'accord de Tereos pour rentrer", déplore Jean-Michel Moutama, le président de la CGPER. Pour lui, ce n'est pas aux agriculteurs seuls de souffrir des conséquences des changements opérés sur l'usine de Bois Rouge.
"Il y a une volonté publique de transformer l'usine d'Albioma pour qu'elle soit plus vertiueuse, en arrêtant le charbon et en passant par le bois. Pour le faire, il fallait des transformations dans l'usine. Mais est-ce que c'est à nous seuls de les subir ? On dit stop !"
Jean-Michel Moutama, président de la CGPER
S'il comprend les aléas techniques, le président de la CGPER réclame aujourd'hui des indemnisations "pour les pertes qu'on subit actuellement sur nos exploitations".
Envoyer des cannes au Gol ou être indemnisés
"Normalement aujourd'hui on devait brasser 6 000 tonnes, demain 6 000 tonnes également, pour être opérationnel dès lundi. Toutes les remorques sont chargées, les gens attendent de livrer...", constatait ce jeudi matin Dominique Clain, le président de l'UPNA.
Pour lui, deux solutions : il faut soit envoyer le maximum de cannes de Beaufonds et de Sainte-Rose vers l'usine du Gol, ou avoir la garantie d'un dédommagement pour les cannes déjà par terre.
"Il faut essayer d'évacuer le maximum de cannes vers le Gol pour ne pas être trop engorgés au démarrage à Bois Rouge. On est en train de travailler dans un stress pénible, incertains de notre travail. Si on coupe de la canne, qu'est-ce qu'on va en faire ? On est vraiment vraiment vraiment inquiets"
Dominique Clain, président de l'UPNA
La Chambre d'Agriculture déplore un "coup dur"
Dans un communiqué ce jeudi, la Chambre d'agriculture a elle aussi exprimé ses préoccupations face à cette "soudaine modification de programme" dans l'Est, "alors que tous les éléments semblaient réunis pour un lancement optimal de la campagne sucrière à Bois-Rouge".
"Les essais réalisés par Albioma et l'industriel avaient pourtant confirmé le bon fonctionnement des machines à vapeur, comme déclaré lors de la Commission Mixte d'Usine du jeudi 27 juillet 2023. Cette situation de retard et d'absence de réception de canne à sucre est un coup dur pour nos planteurs, provoquant des pertes significatives sur le terrain"
La Chambre d'Agriculture de La Réunion
Elle "enjoint fortement" Tereos de réceptionner les cannes de Bois Rouge, pour qu'au moins elles puissent être sorties des exploitations.
L'inquiétude depuis déjà plusieurs semaines
Depuis plusieurs semaines, à l'annonce du retard de la campagne pour les besoins de changement de chaudières au sein de la centrale thermique, les planteurs de l'Est se plaignaient déjà des pertes engendrées par le retard de la campagne, qui aura plusieurs conséquences sur leur activité. A commencer par la maturité, déjà atteinte par les cannes, et qu'il faut désormais couper notamment pour éviter qu'elles ne finissent grignotées par les rats.
Des pertes liées au retard de la campagne
En outre, plus tard commence la campagne, plus il faudra accélérer le rythme pour broyer toutes les cannes du bassin en temps voulu. Les agriculteurs s'inquiétaient alors de voir, en fin de campagne, des cannes rester dans les champs, soit encore des pertes pour eux.