Saint-Pierre et Miquelon, un territoire ouvert ou sous cloche pour l'été 2020 ?

SPM
Notre émission Place Publique a balayé les sujets d'actualité liés à la crise du coronavirus. L'arrivée "sans nul doute" de l'épidémie, la question des vols directs, les quatorzaines possiblement remplacées par un "passeport sanitaire". Le préfet et le directeur de l'hôpital font le point.

Trois semaines après le début du déconfinement de l'archipel, les interrogations se font plus pressantes au sein de la population sur les conditions de retour à une normalité relative durant l'été.

Sollicités au cours de notre émission interactive Place Publique, les auditeurs et internautes de Saint-Pierre et de Miquelon ont concentré leurs interrogations sur les quelques grands enjeux qui agitent l'archipel actuellement.
 

Les liaisons aériennes

 

En dehors des vols inter-îles, elles sont actuellement restreintes à deux rotations par mois avec Montréal, et une autre, irrégulirère, avec Halifax, dédiée surtout au fret.

La question de la faisabilité des vols directs avec Paris est au coeur des préoccupations. Pour le troisième été consécutif, conformément à l'actuelle délégation de service public, Air Saint-Pierre doit affrêter un Boeing 737 d'ASL Airlines, afin de réaliser un vol hebdomadaire pendant les douze semaines de l'été (soit quatre de plus que l'an dernier).

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Mais le ministère des outre-mer n'a toujours pas tranché sur l'opportunité de maintenir tout ou partie du programme prévu. Et il y a cette fois urgence, le premier vol depuis Paris reste annoncé pour le 22 juin sur le site de la compagnie.
 

Un fort clivage populaire

 

A notre micro, Thierry Devimeux a répété qu'il se donne encore quelques jours pour consulter sur l'archipel, avant de transmettre sa recommandation, en espérant une décision pour la fin du mois de mai. Le premier vol serait a priori compromis selon le préfet.

La question fait l'objet d'un fort clivage au sein de la population, et aussi des élus locaux. Pour certains, tels que le sénateur Stéphane Artano et l'ex maire de Saint-Pierre Karine Claireaux, les conditions sanitaires et de propagation mondiale de l'épidémie du coronavirus ne sont toujours pas réunies pour envisager d'ouvrir davantage un territoire actuellement a priori indemne de la maladie (un seul cas avéré a été recensé à ce jour, désormais guéri). Et plusieurs internautes s'interrogent : ne faut-il pas capitaliser sur l'absence de la covid-19 grâce aux mesures actuelles, et donc les poursuivre afin d'éviter d'avoir à affronter le virus ?

" Des vols directs et le virus sur nos îles, c'est l'assurance d'un reconfinement de tout le monde pour l’été. Ça n’a pas de sens avec tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant. " - Nathalie Detcheverry


Mais d'autres, à l'instar du député Stéphane Claireaux, s'inquiètent d'un archipel qui resterait ainsi "sous cloche", avec des conséquences non négligeables sur l'économie locale notamment le tourisme. Parmi les auditeurs, certains souhaitent desserrer l'étau afin de permettre les voyages vers le Canada ou les départs pour aller voir la famille en métropole. 
 

" Si en France le nombre de cas continue de baisser jusqu’à l’arrêt significatif de circulation du virus, va-t-on continuer à nous empêcher de vivre pour arriver à un risque zéro qui n’existe pas ? " - Josée Detcheverry


Le préfet souligne que la question des vols directs n'est pas dissociée de celle des rotations internationales, aériennes et via les ferries pour Terre-Neuve. Et il s'interroge sur la meilleure manière de "nous rouvrir au monde, et aussi à la vie intérieure de l'archipel", "tout en gardant une sécurité sanitaire sur l'archipel, ce qui est central"
 

" Pouvons-nous nous rouvrir sur le monde ? Aujourd'hui, non, l'épidémie est encore présente dans notre environnement. Mais dans un mois et demi, deux mois ? Quand on regarde la dynamique du virus, on voit bien que la question devra être posée différemment. Faudra-t-il que nous rouvrions ? Probablement que oui. " - Thierry Devimeux, préfet de Saint-Pierre et Miquelon

 

 

La quatorzaine obligatoire

 

Après la décision du Conseil Constitutionnel, Saint-Pierre et Miquelon a dû modifier à la marge son dispositif d'isolement strict des entrants sur le territoire : désormais limitée à quatorze jours, la quarantaine peut s'effectuer dans un lieu choisi par le voyageur. Mais afin de faciliter de nouveau les échanges, les autorités envisagent l'opportunité d'assouplir le dispositif, en le remplaçant éventuellement par l'obligation pour ceux qui voyagent de présenter un "passeport sanitaire".
 

Des quatorzaines remplacées par les passeports sanitaires ?
 

Ceux qui souhaitent prendre l'avion en Europe et dans les outre-mer devraient préalablement présenter deux tests PCR négatifs réalisés à quatorze jours d'écart, permettant de limiter le risque qu'ils soient porteurs du virus, sans pour autant l'éliminer totalement.
 

"Si le "passeport sanitaire" se met en place [en remplacement de la quatorzaine], nous pourrions imaginer faire ici un troisième test, pour nous garantir complètement. " - Thierry Devimeux


Pour autant, le directeur du centre hospitalier François Dunan réaffirme que l'établissement est "suffisamment armé" pour faire face à l'arrivée selon lui inéluctable du virus sur l'archipel.

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" Quatorzaine ou pas quatorzaine, nous sommes prêts pour prendre en charge cette épidémie qui sans nul doute arrivera sur ce territoire. Il faut se le dire, on ne peut pas imaginer que ça ne touchera pas l'archipel.  " - Patrick Lambruschini, directeur du CHFD

 

Quatre nouveaux respirateurs à l'hôpital

 

L'hôpital de Saint-Pierre a isolé un secteur de dix lits dédiés à la prise en charge du coronavirus. Mais grâce à l'arrivée toute récente de quatre respirateurs supplémentaires, l'établissement dispose de dix appareils de réanimation armés pour la Covid-19, et pourrait traiter jusqu'à quarante patients positifs simultanément.
 

Automate PCR et tests aléatoires

 

De plus, le centre François Dunan est en attente d'un automate PCR d'analyse des prélèvements. Dès la fin du mois de mai, la machine pourra traiter 64 tests covid-19 par jour en conditions optimales. Et les résultats seront connus en quelques heures, contre plusieurs jours aujourd'hui à cause de l'acheminement vers un laboratoire d'Halifax. Le préfet précise que cette machine permet d'envisager des campagnes de tests aléatoires sur l'archipel, afin de vérifier "le bruit de fond" du virus.
 

Évacuation sanitaire des cas sévères

 

Si l'archipel était "lourdement" touché par l'épidémie, le directeur du CHFD précise que l'établissement ferait appel aux professionnels français de la réserve sanitaire de l'État, afin "d'armer les quarante lits" à Saint-Pierre et également si nécessaire prendre en charge l'évacuation sanitaire vers la métropole des patients les plus critiques. Certains autres pourraient être également acheminés vers l'hôpital de Saint-Jean de Terre-Neuve. 
 

Vie locale : revivre normalement ? 

 

Comme depuis le début de l'épidémie, le représentant de l'État rappelle l'importance des gestes barrières, notamment le port du masque, et de la distanciation physique, sujet qui fait l'objet selon lui d'un relâchement sur l'archipel où le risque n'est pas perceptible.
 

" J'ai constaté que beaucoup de gens ont totalement oublié [les précautions]. Les jeunes se réunissent sans faire attention aux distances. Et c'est le cas aussi des plus anciens, je le vois sur le terrain de pétanque à coté de chez moi. " - Thierry Devimeux

 

Restrictions aux festivités de l'été

 

La distanciation physique qui reste d'actualité, d'autant plus avec la perspective éventuelle de fin des quatorzaines, a d'évidentes conséquences sur le programme estival sur les îles Saint-Pierre et Miquelon. Thierry Devimeux affirme "ne pas croire" à la possibilité des grands rassemblements de l'été, même si la décision administrative n'est pas encore prise. Le Dunefest sur la dune de Langlade, la fête basque à Saint-Pierre ou encore celle des produits de la mer à Miquelon restent en suspens.
 

" Rassembler mille personnes dans des zones non contrôlées, à cette jauge-là, ça me paraît difficile. "


Voir ou revoir l'émission Place Publique sur la suite du déconfinement, présentée par Frédéric Dotte et Isabelle Thomelin.