Succession Beauperthuy à Saint-Martin : une négociation dans un climat apaisé favorisé par la médiation préfectorale

La succession Beauperthuy représente plus de 450 hectares de terres de l'île de Saint-Martin acquises par Pierre Daniel Beauperthuy au XVIIIème siècle.
La très sensible vente aux enchères a finalement été annulée à la dernière minute, hier après-midi, à Saint-Martin ; celle qui concernait trois parcelles de la succession Beauperthuy qui, au total, couvre des centaines d’hectares de la petite "Friendly Island". Le président de la Collectivité territoriale fait de cette vente un enjeu de paix sociale ; il se positionne pour un rachat, au profit de la population locale, défend-il.

À Saint-Martin, la vente aux enchères de trois parcelles issues de la succession Beauperthuy a été annulée au tout dernier moment ; elle devait avoir lieu hier (lundi 13 mai 2024). La médiation du préfet et la mobilisation du président de la collectivité territoriale ont joué dans l’annulation de l’adjudication.

Le colossal héritage en question, qui représente plusieurs centaines d’hectares acquis dès le XIXème siècle par Pierre Daniel Beauperthuy (voir photo), dont les terrains qui devaient être vendus cette semaine, revient de droit à plusieurs descendants qui, aujourd’hui, sont répartis à travers le monde.
Le président de la collectivité, qui veut empêcher toute "spéculation foncière", a confirmé sa volonté d’acquérir le domaine, juste avant le début des enchères, lundi après-midi.

Mais il s’agit d’une affaire de gros sous et de négociation, dans un contexte de fortes tensions.

Quand l’Etat s’en mêle

Le mois dernier, en visite officielle à Saint-Martin, la ministre déléguée en charge des Outre-mer avait ouvert la porte à l’intervention de l’Etat dans le dossier Beauperthuy. Marie Guévenoux entendait plaider pour "l’intérêt commun", auprès des héritiers et occupants de terres concernées. Ce membre du gouvernement avait confié au préfet délégué une mission de médiation, dans le but de faciliter la transaction, au juste prix.

C’est l’intérêt des deux parties de sortir de cette situation de façon la plus apaisée possible. J’ai noté, dans l’intervention du président Mussington, une volonté d’aller vers cet apaisement ; je pense que c’est un bon choix qu’il fait. Il va aussi demander une estimation légale du prix des parcelles, par un établissement de l’Etat.

Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des Outre-mer

Le préfet des Iles du Nord a donc joué les médiateurs, dans ce dossier très sensible, à l’origine de tensions et de manifestations. Le représentant local de l’Etat a réagi, hier, lors d’un point de presse. Il se félicite d’avoir réuni les parties autour de la table, afin de leur offrir un cadre structuré et apaisé pour négocier, hors passions et a priori.

Les conditions sont réunies pour, effectivement, mettre autour de la table l’administrateur judiciaire et la collectivité, pour négocier une solution de cession des terrains de la succession Beauperthuy à la collectivité (...). On sait bien que c’est un dossier très passionnel, et, moi, je suis là pour mettre de la raison là-dedans. On rentre maintenant dans une négociation, qui n’a pas à être sur la place publique ; on ne va pas vous donner tous les détails.

Vincent Berton, préfet délégué de Saint-Barthélemy et Saint-Martin

Des terres précieuses, sources de tensions

Des centaines d’hectares, cela représente une grande partie de l’île de Saint-Martin.
D’où la sensibilité du sujet. La collectivité avance que « la paix sociale est en jeu ». Les Saint-Martinois se disent très attachés à leur terre. Un sentiment qui a pris naissance pendant l’esclavage, comme se plaît à le rappeler l’exécutif.

Alors qu'on n'était même pas reconnus comme des êtres humains, mais comme une marchandise, le Saint-Martinois, ancien esclave, était déjà propriétaire. Donc, pour tous ceux qui ne connaissent pas cette partie de l'histoire de Saint-Martin, ils devraient comprendre pourquoi le Saint-Martinois peut veiller à tel point à sa terre.

Alain Richardson, vice-président de la Collectivité

Le conseil territorial du 30 avril dernier avait pour seul ordre du jour la mise en place effective du droit de préemption, pour élargir le champ d’acquisition foncière de la Collectivité. Pour son président, il en va de l’intérêt suprême de l’île.

L'essentiel, c'est de gagner ce combat, faire en orte que ce terrain reste dans le patrimoine saint-martinois ! Voilà la démarche !

Louis Mussington, président de la collectivité territoriale de Saint-Martin

La gouvernance devait agir avant le jour des enchères, lundi.
Le prix de départ des trois parcelles qui devaient être vendues lundi est 2,5 millions d’euros.
À terme, la collectivité veut racheter l’ensemble de l’héritage Beauperthuy, autour de la Baie Orientale, soit plus de 450 hectares que se disputent plus de 300 héritiers, dont l’essentiel ne vit pas sur l’île.
Mais à quel prix ? Pas question pour la Collectivité de payer les 42 millions annoncés, pour éviter la spéculation foncière ! Une expertise réalisée par France Domaines est en cours.

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