Si je prends le risque de faire ce direct, c’est dans l’espoir qu’on nous apporte des éléments de réponse quant à l’inaction de l’Etat français et du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie concernant la réinsertion sociale des détenus.
Organisation carcérale
Une prise de parole pour se rendre intéressant, diraient certains. Inutile, ils l’ont bien cherché, diraient d’autres… Mais pour Ricardo Poiwi, intervenant culturel au Camp-Est, c’est un cri du cœur face à une mauvaise organisation carcérale. Il donne un exemple parmi d’autres. «Des gars arrivaient en atelier, il était 9 heures et demi - 10 heures. Ils étaient en crise parce qu’il n’y avait plus qu’une heure. Et moi, je n’intervenais que deux matinées par semaine», raconte-t-il. «Déjà, ils vivent ce qu’ils vivent, et en plus, on les fait arriver en retard. Après, il y a une certaine tension qui se passait dans les ateliers. C'est tout ce petit cumul...»Quand quelqu’un a été condamné, il a sa peine à faire. Il doit à la société quelque chose. Mais une fois qu’il est là-bas, ce n’est pas la peine de lui mettre la tête sous l’eau. J’y ai passé deux ans et demi en tant qu’intervenant artistique pour la sculpture. J’ai vu ces endroits, j’ai senti les odeurs, j’ai vu des rats passer partout dans les ateliers. C’est vraiment un endroit délabré.
Conteneurs
Les conditions de détention au Camp-Est sont dénoncées en 2011 et en 2019. L’État est condamné. Depuis, deux cellules sur trois sont des conteneurs métalliques, mesures dites provisoires qui durent depuis trop longtemps.Audition d'un syndicat
Une inaction de l’Etat déploré également par le personnel pénitentiaire. Vendredi soir, un syndicat devait être auditionné en visioconférence par la directrice interrégionale de l'administration pénitentiaire, chargée de l'Outre-Mer. «Une visio, concernant nos effectifs - on est en sous-effectif chronique - et les conditions de détention», expliquait Moana Mana, délégué syndical USTKE au Camp-Est.Un des points clés que les syndicats de l’établissement revendiquent, c’est la construction d’une nouvelle prison. Sur le même site.
«Ça use»
«Ce manque d’effectifs nous fait faire des heures sup’, donc des services à rallonge», insiste-t-il. «Par mois, on tourne à plus de 2000 heures supplémentaires. Au bout d’un moment, ça use le mental et le moral des agents.»Aucun cours avec à la clé l’obtention d’un diplôme n’est proposé ici. Aucune formation professionnelle n’est possible pendant notre séjour ici.
Surtout les matières générales
Autre point abordé par la vidéo clandestine : les cours et formations diplômantes inexistantes. Qu’en est-il réellement ? «On est cinq enseignants à temps plein. Et on essaie de dispenser essentiellement les matières générales : français, maths, histoire-géo, sciences», détaille Pierre Bouvier, responsable de l’unité locale d'enseignement du Camp-Est. «Après, on s’adresse aussi bien aux adultes qu’aux mineurs, pour lesquels on a un devoir d’enseignement. Douze heures d’enseignement minimum par mineur par semaine.»On essaie de dispenser essentiellement les matières générales : français, maths, histoire-géo, sciences.
Prévention de l'illettrisme
Autre aspect : «Les personnes qui ne savent pas lire, qui ne savent pas écrire, il fallait qu’on fasse quelque chose pour elles», continue Pierre Bouvier. «On a fait en sorte d'ouvrir un module de prévention de l’illettrisme, depuis quelques mois.» Selon la direction de la prison, un projet de validation des acquis - VAE - et deux nouvelles formations (soudure et agent de propreté) viendront étoffer l’offre éducative en 2021. Pour un public au niveau scolaire extrêmement varié. Dans des locaux, eux , toujours plus délabrés.Un dossier de Nadine Goapana et Franck Vergès, diffusé au JT de vendredi soir :