Deux blocs qui s'opposent dans chacune des circonscriptions, "un classique dans les élections calédoniennes depuis plus de 30 ans", selon Pierre-Christophe Pantz, invité de la matinale radio ce lundi 1er juillet 2024.
Au lendemain du premier tout des élections législatives, ce docteur en géopolitique analyse les résultats de ce vote, dans un contexte de violences depuis la mi-mai. "Ce qui est assez surprenant c'est que finalement dans une élection législative, où on élit des députés, on se retrouve avec des enjeux qui n'ont absolument rien à voir avec les enjeux liés à l'Assemblée nationale. On a des enjeux qui finalement ont reproduit une forme de référendum bis."
"Des lignes politiques clarifiées"
Une fameuse ligne "bloc contre bloc", dans les deux circonscriptions. "Ce n'est pas une nouveauté, on avait déjà observé ça en 2022. Mais là, les tendances sont claires, les lignes politiques ont été clarifiées, aussi au sein du clan non-indépendantiste. C'est un enseignement d'une élection un peu atypique, dans un contexte de violences, où les électeurs ont cherché à s'exprimer."
Une bipolarisation qui phagocyte les enjeux politiques
Pierre-Christophe Pantz a rappelé que la bipolarisation de la vie politique en Calédonie existe depuis plus de 40 ans, depuis la fin des années 70. "Avant cela, il y avait une autre forme de bipolarisation, autonomiste / non-autonomiste. Mais aujourd'hui, c'est ce qui structure effectivement, ce qui phagocyte tous les enjeux politiques. Il n'y a finalement quasiment rien à côté de cela. Je crois aussi qu'il y a une attente, à travers cette élection, que les députés qui seront élus portent un message d'espoir ou de résistance selon le camp politique."
Les mêmes tendances géographiques
Une bipolarisation très marquée au plan géographique. "Ce qui est le plus étonnant, c'est que cette bipolarisation est ancrée. Elle est cristallisée. Élection après élection, on observe les mêmes tendances géographiques. C'est-à-dire, pour synthétiser, qu'on a des communes rurales avec une majorité de population kanak qui vote indépendantiste et des communes plutôt urbaines, non-kanak, qui votent contre l'indépendance."
Dans les quartiers, dans les différentes tribus également, on voit bien qu'il y a une couleur politique en fonction du lieu géographique où on se situe.
Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique
Une constante, et ce quels que soient les personnalités ou les candidats. "On voit se dessiner cette opposition très claire, des communes on va dire kanak et des communes plus mélangées, des communes urbaines. Il y a une vraie opposition entre la ligne politique indépendantiste et la ligne non-indépendantiste."
Des élections sur fond de violences
Ce scrutin anticipé s'est tenu dans "un contexte complètement atypique", souligne Pierre-Christophe Pantz. "On a connu sept semaines de violences. C'est incomparable par rapport à d'autres élections. Il faut remettre aussi les choses dans leur contexte. Le fait d'avoir regroupé les bureaux de vote est aussi une nécessité par rapport à ce qu'il se passe en ce moment. Pour des questions de sécurité et pour que tout le monde puisse aller aux bureaux de vote."
Ce dimanche, la participation a atteint les 60%, un chiffre impressionnant en Nouvelle-Calédonie. Certains électeurs ont dû être patients pour atteindre les bulletins, notamment dans l'agglomération. "Peut-être que personne n'a vu venir cette hausse de la participation, sans précédent dans l'histoire de la politique calédonienne, et c'est ce qui a provoqué aussi cet afflux massif."
"Une participation qui a essentiellement bénéficié au camp indépendantiste"
Ce sont finalement Nicolas Metzdorf et Omayra Hnaisseline qui s'imposent dans la première circonscription. Et Emmanuel Tjibaou et Alcide Ponga dans la seconde. "Ce qui est certain, c'est qu'à la lecture de ces résultats, on voit que cette hausse de la participation a essentiellement bénéficié au camp indépendantiste. Le résultat d'Emmanuel Tjibaou est un excellent résultat. 44%, c'est un résultat qui le met en situation assez favorable. Même si, quand on regarde les autres candidats la réserve de voix n'est pas non plus extensible."
Évolution démographique
L'occasion également pour le docteur en géopolitique d'évoquer le découpage des circonscriptions. "Pour la première circonscription, on pouvait s'y attendre, mais c'est un peu moins favorable aux indépendantistes, compte tenu du découpage. Aujourd'hui il y a une évolution démographique. Et puis il ne faut pas oublier que s'il peut sembler baroque, ce découpage doit aussi respecter une question d'équité entre les circonscriptions. Compte tenu de la répartition un peu déséquilibrée de la population en Calédonie, c'était difficile de pouvoir se passer du Grand Nouméa, dans l'une des deux circonscriptions."
Quand on voit les résultats depuis 2002, on voit qu'il y a systématiquement eu un duel indépendantiste, non indépendantiste.
Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique
La question des réserves de voix
Autre enseignement de ce premier tour, le recul de Calédonie ensemble et l'Eveil océanien qui rate son pari. "Ce qui est sûr c'est que dans cette configuration de bipolarité politique, cette troisième voix, cette voix intermédiaire, plus modérée, n'a pas la voix au chapitre. On s'est encore plus clivé, sur des positions extrêmement antagonistes, des positions plus éloignées, les unes des autres."
Se pose maintenant la question de la réserve de voix, en vue du second tour, prévu le 7 juillet. "L'Éveil océanien est un électorat difficile à saisir et puis il n'y a pas eu de consignes de vote. Alors même si les électeurs n'appartiennent pas aux leaders politiques il sera très intéressant de voir dans le détail ce qu'ils font dans cette répartition de leurs votes."