Il faisait nuit quand des dizaines de tracteurs agricoles ont pris la rue depuis plusieurs points du Nord Basse-Terre et de la Grande-Terre, en direction de Baie-Mahault, ce jeudi 25 avril 2024.
Il faisait nuit quand leurs conducteurs ont stoppé net leur progression, au niveau des ronds-points d’accès à la zone industrielle et commerciale de Jarry, poumon économique de l’archipel. Ils sont notamment positionnés à Moudong et à la Voie Verte, des itinéraires particulièrement fréquentés aux heures de pointe.
Le mot d’ordre des militants ainsi mobilisés : nul ne passera.
Trafikéra confirmait, à 7h30 :
- Blocage du giratoire RD24, près du siège de Routes de Guadeloupe, Boulevard de la Pointe Jarry ;
- Giratoire de Moudong également sur la RN10 ainsi que la Voie Verte (RD32).
Donc tous les accès à la zone de Jarry sont bloqués. Routes de Guadeloupe vous recommande de différer vos déplacements vers la région pointoise, de la prudence et de la patience...
Trafikéra - Routes de Guadeloupe
Les planteurs de canne mobilisés tenaces
Les gendarmes, sur place, ont tenté de débloquer progressivement les axes... mais pas sans peine.
Au final, les forces de l'ordre n'ont pas chargé les militants. Un passage a été créé pour les voitures... mais pas de quoi avoir une circulation fluide.
Une mobilisation, un blocage de plus
Après les multiples opérations escargot et les divers blocages que les automobilistes ont pu déplorer, ces dernières semaines, c’est donc ce site stratégique qui a été ciblé aujourd’hui.
Plus de 30.000 véhicules circulent sur place quotidiennement, habituellement.
Il s’agit d’une nouvelle mobilisation des acteurs du monde de la canne de la Guadeloupe ; un secteur paralysé par une crise sociale, sur fond de revendication des planteurs, pour une meilleure rémunération de la tonne de canne, notamment.
Les jours précédents, les planteurs ont mené maintes actions pour faire entendre leur détresse, leur colère et obtenir satisfaction.
Les transporteurs aussi, impactés par le bras de fer qui oppose les producteurs à l’usine sucrière Gardel du Moule, ont fait savoir qu’ils ne resteraient pas les bras croisés, alors qu’ils perdent une grosse partie de leur chiffre d’affaires annuel.
Une crise qui gangrène la Guadeloupe
Le dialogue est rompu entre les parties dos à dos.
Pourtant, le 10 avril dernier, il y avait eu une lueur d’espoir suite à une énième réunion de négociation, après laquelle le Kolèktif des Agriculteurs (KDA) s’était dit optimiste. Et puis plus rien.
Neuf jours après, Gardel plaçait la majorité de son personnel au chômage partiel, faute d’une activité suffisante.
Les planteurs sont à bout. Quitte à ne pas pouvoir vivre du fruit de leur travail, ils sont prêts à vivre une année blanche, voire même à en finir avec la canne en Guadeloupe. Ils sont arrivés à un stade où ils ne peuvent plus reculer, affirment-ils.
Roméo Meynard, président de l’UDCAG et Ferdinand Adimoulon, exploitant agricole à Petit-Bourg s’expriment :
Une réunion devait se tenir hier ; elle n’a pas eu lieu. Elle a été annoncée aujourd’hui, par le président de la Région Guadeloupe, qui tente de jouer les intermédiaires. A voir.
Et, en Guadeloupe, ce jeudi , une question se pose, notamment pour les automobilistes actuellement bloqués sur les axes routiers : quand la vie économique pourra reprendre son cours normal ?
"La situation est grave", déclare médecin qui tire la sonnette d'alarme via les réseaux sociaux.
La situation est désespérée autour de Jarry et la clinique Les Eaux Claires. L'accès est absolument impossible y compris pour les ambulances. Donc, si des gens ont un infarctus actuellement, ils sont morts ! C'est vraiment criminel ! Chacun a le droit de manifester, mais pas de bloquer une clinique et l'accès à la clinique ! Laissez vivre les Guadeloupéens !
Un médecin anonyme - 25/04/2024.
Autre cri de colère, ce jeudi matin : celui de Bruno Blandin. Le président de l'Union des entreprises de Guadeloupe (UDE-MDEF) déplore que les perturbations impactent les usagers, entreprises et salariés du poumon économique de l'archipel. Il exhorte les pouvoirs publics de garantir le droit
fondamental à la libre circulation et à la libre activité.
C’est toute l’économie qui est impactée par ces multiples opérations escargot et ces blocages. Nos entreprises, déjà en difficultés, sont contraintes de mettre à l’arrêt leurs productions ou encore de cesser leurs activités. Il n’est pas acceptable que les commerces et plus globalement, les entreprises, dont la majorité est composée de TPE, soient paralysés pour des intérêts particuliers. L’Union Des Entreprises respecte le droit à manifestation mais condamne fermement la prise d’otage de l’ensemble de la population guadeloupéenne et du secteur économique.
Bruno Blandin. président de l'UDE-MDEF
De guerre lasse, les usagers prenent leur mal en patience. Certains déplorent de ne pas pouvoir vaquer à leurs occupations, d'autres soutiennent.
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