Comme le craignaient les acteurs de la filière canne, la mobilisation des planteurs en colère va être durcie, à compter de la semaine prochaine. Les plus de 150 professionnels ayant répondu à l’invitation du Kolèktif des Agriculteurs et de l’UDCAG (la SICA du bassin de Basse-Terre), ont voté à main levée en faveur du blocage de l’usine de Gardel, à Moule, dès mardi (27 février 2024), à 5h30. Mais les parties présentes ne souhaitent pas ériger de barrages au détriment de la population.
Un bras de fer dangereux pour la filière
Cette réunion a été organisée à la Maison de l'agriculteur et de la ruralité, à Petit-Canal, ce dimanche, suite à plusieurs échanges avec les autorités locales, les collectivités majeures et les instances représentatives de la filière canne-sucre de la Guadeloupe, durant la semaine.
Mais ces rencontres n’ont pas abouti à des propositions satisfaisantes, de la part de ces interlocuteurs, aux yeux des producteurs qui s’estiment lésés par la convention canne 2023-2028, signée en avril dernier.
Ils exigent davantage de transparence de la part de l’usinier, quant à l’évaluation de la richesse saccharimétrique des cannes livrées. Ils revendiquent aussi et surtout une répartition équitable de l’argent généré par la profession, au profit de tous les acteurs, dont les planteurs.
Les militants mobilisés estiment à 160€ le juste prix de la tonne de canne. Selon les termes de la convention en vigueur, ils touchent 109€/t (99,59/t à Marie-Galante). Vendredi, l’Etat, la Région et le Département ont promis, en plus, une augmentation de la prime bagasse de 1,90€/t.
La Guadeloupe compte environ 3500 planteurs.
La grande majorité de ceux-ci, ainsi que les autres acteurs de la filière sont opposés au blocage. Ils redoutent le scénario de l’an dernier où, notamment à cause du retard pris au début de la campagne sucrière, du fait des actions coup de poing du même collectif, ont subi de lourdes pertes. La prochaine saison doit débuter, selon le calendrier arrêté, le 1er mars en Basse-Terre et en Grande-Terre et le 14 mars à Marie-Galante.
En outre, le Groupement d’intérêt économique (GIE) canne, signataire de la convention canne et qui, depuis 2005, fédère les quatre sociétés d'intérêt collectif agricole (SICA) cannières de l’archipel, s’est désolidarisé de l’UDCAG, impliqué dans la mobilisation.
Ils ont dit
Sur ses 13 hectares de terres, Jeannette Bibian a consacré 9 hectares à la canne, dont 1,33 hectare de canne bio. Elle ne parvient plus à joindre les deux bouts.
Je suis endettée. On ne nous donne pas suffisamment d’argent pour payer nos dettes. C’est comme si on donne à Gardel notre canne gratuitement. On doit payer la Chambre d’agriculture, la Sécurité sociale, l’engrais qui coûte cher (...).
Jeannette Bibian, exploitante agricole à Anse-Bertrand
Pour Xavier Pakamandy, l’augmentation de la prime bagasse, annoncée en cette fin de semaine, n’est que poudre aux yeux, puisque celle-ci leur était déjà due de longue date. Il accuse les acteurs du GIE canne Guadeloupe d’être de mèche avec Gardel, au lieu de défendre les intérêts de tous les planteurs ; ces personnes ont-elles jamais planté de la canne, questionne-t-il ?
Aujourd’hui, on a décidé de mener un certain nombre d’actions, devant l’usine, pour interpellée l’usinier et lui demander à revoir la rémunération qu’il nous verse. Je le redis : nous ne demandons ni à l’Etat, ni au Département, ni à la Région de l’argent. En revanche, l’usinier, il faut qu’il nous disent ce qu’il peut mettre sur la table, hormis les 1,90€ auxquels nous avions déjà droit depuis X années (...)
Xavier Pajamandy, planteur de canne à Sainte-Rose, adhérent à l’UDCAG
Eugène Mardivirin n’est adhérent à aucun syndicat agricole. Par contre, il est partie prenante du Kolèktif des Agriculteurs, seule entité, selon lui, à se soucier des petits planteurs tel que lui. Il considère que cette association a mis le doigt sur une problématique qui concerne beaucoup de professionnels ; d’où le fait que les sympathisants soient de plus en plus nombreux.
Il crie au mépris de tous leurs interlocuteurs, qui veulent coûte que coûte démarrer la campagne, au détriment de très nombreux petits planteurs.
Il y a beaucoup de monde en souffrance, qui se cache. Il y en a qui ont des dettes envers les opérateurs de coupe. Ils se cachaient, mais ils commencent à se faire connaître. Ils savent que ce qu’on dit, c’est la vérité.
Eugène Mardivirin, exploitant agricole installé en Groupement Foncier Agricole (GFA) à Petit-Canal