Ainsi, Le Conseil d'Etat fait remarquer que ce qui était demandé par l'organisation syndicale, faisait déjà l'objet de mesures gouvernementales mises en oeuvre en Guadeloupe dès le début de la crise et jusqu'au moment même où il a à se prononcer.
Différentes mesures, applicables en Guadeloupe comme sur le reste du territoire national, sont intervenues à compter du 4 mars 2020 pour lutter contre la propagation du virus. En particulier, à partir du 15 mars, un grand nombre d’établissements recevant du public ont été fermés au public, les rassemblements de plus de 100 personnes ont été interdits et l’accueil des enfants dans les établissements les recevant et des élèves et étudiants dans les établissements scolaires et universitaires a été suspendu.
Le déplacement de toute personne hors de son domicile, sous réserve d’exceptions limitativement énumérées et devant être dûment justifiées, a été interdit à compter du 17 mars à 12 heures, sans préjudice de mesures plus strictes susceptibles d’être ordonnées par le représentant de l’Etat dans le département.
En outre, depuis respectivement les 14 et 23 mars, l’escale et le mouillage des navires de croisière et des navires transportant plus de 100 passagers et les déplacements de personnes par transport commercial aérien au départ du territoire hexagonal et à destination de la Guadeloupe sont interdits, sous réserve d’exceptions très limitées.
Par ailleurs, un décret du 31 mars 2020 permet d’autoriser l'exercice à la Guadeloupe, comme dans d’autres collectivités ultramarines d’Amérique, des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien par des personnes ne remplissant pas les conditions de nationalité et de diplôme normalement applicables. Enfin, le préfet de la Guadeloupe a instauré un couvre-feu sur l’ensemble du département, de 20 heures à 5 heures du matin, à compter du 1er avril 2020.
Pour autant, le Conseil reconnaît la légitimité de l'UGTG à ester en justice sur de telles questions .
Il n'en fallait pas plus pour que l'UGTG se prévale de cet avis et aille jusqu'à considérer que c'est son alerte qui a incité l'administration à agir selon les exigences formulées par le syndicat. Pour Patrice Tacita, avocat de l'UGTG : "L'ARS et le CHU ont changé leur fusil d'épaule entre les deux décisions de justice"Il n’est pas contesté que l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe est une union de syndicats à laquelle adhèrent notamment l’Union des travailleurs de la santé et l’Union des travailleurs de l’action sociale.
Eu égard à l’importance des effets de la pandémie de covid-19 pour l’ensemble des travailleurs des secteurs de la santé et de l’action sociale de la Guadeloupe, et en l’absence de stipulation contraire dans ses statuts, l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge des référés de prendre dans l’archipel, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, les mesures nécessaires à la sauvegarde des libertés fondamentales mentionnées au point 4.
Enfin, l'UGTG n'était pas seule à demander certains moyens, la présidente du Département en sa qualité de présidente du Conseil de surveillance du CHU, appuyée en cela par le Sénateur Dominique Théophile, avait réclamé des moyens supplémentaires, au nombre desquels, un plus grand nombre de respirateurs.
Et ce n'est peut-être pas par hasard que, alors que l'Arrêt du Conseil d'Etat était publié et diffusé, la Préfecture et l'ARS s'employaient à communiquer sur l'arrivée en Guadeloupe de nouveaux respirateurs.Notons enfin que, s'il a décidé d'annuler l'article 2 de l'ordonnance du Tribunal Administratif, c'est parce que le Conseil d'Etat justifie la position de l'ARS et le CHU face à la demande de l'UGTG pour que soient constitués en Guadeloupe des stocks d’hydroxychloroquine et d’azithromycine permettant d’assurer le traitement de 20 000 patients atteints de covid-19.
Alors qu’un tel traitement, eu égard à son encadrement, ne peut être administré qu’à un nombre limité de patients et que plusieurs autres molécules font l’objet d’essais cliniques dont les résultats sont attendus prochainement, il ne peut être reproché au centre hospitalier universitaire et à l’agence régionale de santé de carence caractérisée, dans l’usage des pouvoirs dont ils disposent, constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
De fait, comme lors de la décision en première instance où chacun avait pu tirer partie de l'analyse du Tribunal Administratif, l'ordonnance du Conseil d'Etat, annule certes cette première décision, mais elle permet à chacun de voir justifier son rôle et sa position. D'où la satisfaction que chacun y trouve déjà.(*) Dans son article 2 de l'ordonnance du 27 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a enjoint au CHU et à l’ARS "de passer commande des doses nécessaires au traitement des patients atteints de covid-19 par hydroxychloroquine et azithromycine et de tests de dépistage du covid-19 en nombre suffisant pour couvrir les besoins présents et à venir de la population de l’archipel guadeloupéen."