Fêtes de Pâques : le bouillon d’awara entre commerce et tradition

L'awara, graine du palmier Astrocaryum vulgare transformé en pâte puis cuisiné en bouyon wara
Le carême s’achève pour les catholiques pratiquants et après une longue période jeûne, tout le monde va célébrer les fêtes de Pâques en dégustant le fameux bouillon d’awara « bouyon wara » en créole. Un plat traditionnel dont la préparation longue et minutieuse nécessite de nombreux ingrédients donnant lieu à un commerce fructueux via les réseaux sociaux.

Développement du commerce autour de la transformation de l’awara.

Depuis le début de l’année fleurissent sur les réseaux sociaux, des flyers sur lesquels nombre de particuliers offrent à la vente leur pâte d’awara à divers prix. Visiblement la saison des awaras décuple maintenant les velléités commerciales de certaines personnes qui misent sur l’attractivité jamais démentie d’une tradition culinaire séculaire : la préparation du « bouyon wara ».
Avant d’arriver à la dégustation du plat en lui-même le dimanche et le lundi de Pâques, il y a toute activité économique saisonnière qui se développe autour de l’awara. Il y a d’abord les ramasseurs qui vont en forêt chercher les graines et les vendent au marché ou dans les coins de rue. Ensuite entrent en jeu les fabricants de pâte.
Et là on observe une variation des prix de vente pour la pâte fabriquée artisanalement chez les privés. Des prix qui peuvent passer allègrement de 10 à 25 euros le kg. Il faut dire que depuis plus d’une décennie de nombreuses personnes se sont équipées de la machine à broyer les graines du palmier. Une machine mise fabriquée par les Brésiliens pour récupérer la pulpe de wassaï. Plus question de passer des jours à dépulper les graines en les pilant, à passer au moulin la pulpe pour réaliser le jus. La machine « dépulpeuse » accomplit le travail. Un investissement vite rentabilisé par la vente du jus recueilli et transformé dans la foulée en pâte.
Une activité qui se développe parallèlement à celle du transformateur industriel « Yana Wassaï » qui a mis sur le marché sa première vraie production en bocal pasteurisé sous l’appellation « Concentré d’awara de Guyane ».
Après vient la vente du fameux plat où là encore on assiste sur les réseaux sociaux à un déploiement en force des propositions d’achats des parts de « bouyon wara » à des prix pas forcément concurrentiels. La barquette de 1l ou de 1,5l pouvant être proposée au tarif de 27 euros comme à celui de 50 euros. Une marge de prix qui n’est pas forcément gage de qualité dégustatrice. Dans ce domaine, il y a peut-être lieu de faire davantage confiance aux restaurateurs et aux associations comme la « Gastronomie Guyanaise » et mieux à la cuisine familiale.

Dans tous les cas, ce plat emblématique de Guyane ne laisse pas indifférent. La Confrérie du Bouillon d’Awara mise en place en avril 2022 envisage même de le faire inscrire au patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco.

« Le bouyon wara » servi dans les cantines des écoles à Rémire-Montjoly

Cette tradition culinaire a été mise à la portée des enfants de la commune de Rémire-Montjoly où pour la quatrième année consécutive, le « bouyon wara » a été servi dans les réfectoires ce 28 mars.

Le 1er adjoint au maire, Serge Félix confirme la volonté municipale de faire découvrir des plats locaux à tous les élèves : « Au lieu des repas habituels, nous avons offert aux enfants ce menu traditionnel entièrement préparé à la cuisine centrale. Dans chaque école, le responsable du réfectoire explique aux enfants le contenu de ce plat, la place qu’il revêt dans la tradition culinaire guyanaise. Cela nous donne l’occasion aussi de rappeler l’importance de diversifier les repas et de manger local. »
Ce ne sont pas moins de 5000 rations de « bouyon wara » qui ont été préparées à l’attention des rationnaires, du personnel municipal et des établissements extérieurs lors de cette opération.

La dégustation du « bouyon wara » un moment festif toujours très attendu

Si le commerce fait florès autour de la fabrication du « bouyon wara » c’est sans doute parce que la population guyanaise demeure attachée à cette tradition qui permet la réunification des familles et des amis soulignent les humoristes Viviane Emigré et Rudy Icaré. C’est d’ailleurs une affaire qu’ils prennent eux-mêmes très au sérieux s’attachant, avec force détails, à décrire tout le processus de préparation de ce plat. Si la préparation de ce « bouyon wara » requiert un grand soin, il est acquis qu’il ne peut pas se déguster n’importe où et n’importe comment. Ce plat délicieux et très riche se mange d’ailleurs en plusieurs fois et souvent durant deux jours voire la semaine affirme Viviane Emigré pour les plus gourmands. Pour cela, précise Rudy Icaré, il faut avoir à disposition du « amer », la décoction de plantes amères ingérée le matin et ajoute sa complice Viviane Emigré, toujours terminer son repas avec une tisane de pomme cannelle pour la digestion.