Une nouvelle aide pour le foncier en Guyane. Dimanche 23 janvier 2022, à 9h00, près de 70 personnes se sont réunies dans une maison de Nancibo. Tous exploitants agricoles de ce secteur, ils sont venus à la rencontre de Christian Epailly, président de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de Guyane. Depuis la création de la structure, en mai 2021, c’est la première fois qu’une réunion est organisée entre eux et le président.
Régularisation, aménagement et insécurité à l’ordre du jour
L’idée vient de Karen HO-TIN-NOE, présidente de l’association des repreneurs du plateau de Nancibo. Elle cultive des agrumes sur un terrain de cette zone depuis 2018. En quatre années, elle a pu constater les nombreuses difficultés traversées par les centaines d’habitants de Nancibo (exploitants ou non). "On a un gros problème de foncier sur Nancibo, nous vivons ici mais nous n’avons pas de titre (de propriété, NDLR)", explique-t-elle. Et de poursuivre : "Il y a des personnes qui sont là depuis plus de 30 ans et qui ne sont pas propriétaires, donc on voudrait que ce soit régularisé."
On attend que la Safer nous aide à aménager cette vaste zone agricole, puisqu’il y a 19 km de long utilisés sur la piste. On a des personnes qui habitent Nancibo, qui ont besoin de soins, mais qui sont au fond et ne peuvent pas se déplacer. S’il y a un risque, l’ambulance aura des difficultés à le rejoindre. On voudrait également un accès à l’électricité et à l’eau.
Karen HO-TIN-NOE, présidente de l'association des repreneurs du plateau de Nancibo
La question de l’insécurité est aussi à l’ordre du jour de cette rencontre. Les habitants du plateau agricole sont témoins de nombreux va-et-vient entre l’entrée et le fond de la piste de Nancibo. Il s’agirait de trafiquants illégaux d’or et de bois. Des vols et des agressions ont également été constatés à plusieurs reprises. Les riverains dénoncent ces méfaits depuis de nombreux mois. L’absence d’électricité, et donc de lumière, favoriserait ces agissements.
Le plateau agricole de Nancibo, une priorité de la Safer
Lors de son intervention, Christian Epailly a répété sa volonté de faire de la structure foncière une société "adaptée aux besoins de la Guyane". Son objectif est de mener la Guyane vers l’autonomie alimentaire en passant par les petits agriculteurs. Avant d’y arriver, le président de la Safer doit recevoir l’agrément du Président de la République. Cette étape lui permettra de débuter ses activités. Une fois que ce sera fait, il compte faire ,du plateau de Nancibo, l’une de ses priorités.
Nancibo fera partie des dossiers intégrés dans la programmation de la Safer. Il y a des aménagements et des régularisations à effectuer. Je vais aussi voir, dans le cadre des études qui seront menées, s’il y a des endroits propices à créer des petites parcelles "jardin" pour les pluriactifs et pour les gens qui veulent 5 000 m² ou un hectare pour faire des cultures. Il faut aussi des terrains pour les jeunes agriculteurs.
Christian EPAILLY, président directeur général de la Safer Guyane
Après les explications, viennent les questions… et les participants en ont beaucoup. Pendant plus d'une heure, ce jour-là, les riverains font part de leurs inquiétudes au président de la Safer et au maire de Roura, Jean-Claude Labrador, aussi présent. "Cela fait deux ans que j'attends une réponse pour mon dossier, comment la Safer peut m'aider ?", demande l'un. "Ce n'est la première fois que l'on nous fait des promesses", rappelle un autre. Face aux habitants de Nancibo, les deux hommes tentent de se montrer rassurants.
"L'Etat essaie de nous mettre des entraves pour la régularisation du foncier"
José Leao est exploitant pluriactif. C'est-à-dire qu'il pratique une autre activité professionnelle en plus de l'agriculture. Il occupe une parcelle sur le plateau de Nancibo depuis plusieurs années. Il est venu à la rencontre de Christian Epailly parce qu'il accumule les ralentissements administratifs depuis qu'il s'est lancé dans cette filière. "Nous avions déposé un dossier à France Domaine. Entre temps, on a découvert qu'ils avaient transmis leurs pouvoirs à une autre institution (la Direction de l'Immobilier de l'État, NDLR) et on a eu une réponse défavorable", raconte-t-il.
Il n'y a pas de communication entre l'Etat et la population, on fait des démarches qui prennent beaucoup de temps. C'est indigne de nous laisser poireauter pendant deux ans pour une réponse, surtout quand on ne nous prévient pas que l'organisme n'existe plus. Aujourd'hui, on vient pour connaître les pouvoirs de la Safer.
José LEAO, agriculteur pluriactif de Nancibo
A l'issue de la rencontre, "on ressent toujours que l'Etat essaie de nous mettre des entraves pour la régularisation du foncier", dit l'agriculteur. Et de poursuivre "on a vu aussi que même les mairies n'ont pratiquement aucun pouvoir à ce sujet-là". Néanmoins, José Leao essaie de rester positif. "Que la Safer réussisse à accomplir sa mission, que l'Etat attribue aux Guyanais le droit de gérer eux-mêmes leur foncier, c'est l'objectif et l'espoir que nous avons", conclut-il.