Deux dates inscrites en rouge dans les calendriers des Calédoniens. Si tous les regards sont braqués actuellement sur le 12 décembre avec le 3e référendum, le 31 décembre suscite aussi de nombreux commentaires. Car à cette date, le gouvernement a laissé entendre que les frontières seraient rouvertes.
Une bonne nouvelle pour celles et ceux qui souhaitent voyager sans restriction mais une source d’inquiétudes face à l’épidémie de Covid-19. Avec la levée des motifs impérieux et un assouplissement du sas sanitaire, le virus touchera l’île, jusqu’ici préservée.
Mais quel sera l’impact sur la Nouvelle-Calédonie d’une circulation du virus sur le territoire ? Pour tenter de répondre à cette question, l’Institut de recherche et de développement (IRD) et l’Institut Pasteur Nouvelle-Calédonie (IPNC) ont tenté de modéliser cette épidémie en fonction de la couverture vaccinale et en se penchant sur trois indicateurs : le nombre de personnes infectées par la Covid-19, le nombre d’hospitalisations liées à ces contaminations, et le nombre de malades nécessitant des soins en réanimation.
Une explosion de malades en cas de faible couverture vaccinale
Pour réaliser cette modélisation, l’IRD explique s'être basé sur la circulation de la Covid-19 en Polynésie française au mois d’octobre 2020. Ce territoire d'Outre-mer affiche, en effet, des similitudes avec la Nouvelle-Calédonie en termes de mode de vie, de taille de population et de moyens pour lutter contre l’épidémie en cas d’ouverture des frontières. A savoir : un sas sanitaire "allégé" (possibilité de faire sa quatorzaine ou septaine à domicile) avec tests PCR et des mesures d'atténuation pour limiter la circulation du virus comme le port du masque, la distanciation physique voire des couvre-feux ou la fermeture des écoles.
Dans cette configuration, et avec seulement 30% de la population complètement vaccinée, soit un peu plus que la situation début août, le nombre de cas pourrait augmenter avant d’atteindre un pic de 26 000 personnes contaminées au bout de 200 jours. En revanche, avec une couverture vaccinale de 50%, ce pic ne dépasserait pas les 4 100 cas et à 75% resterait autour des 600 cas.
Une précision toutefois : ces modélisations ont été réalisées sur la base de la dynamique observée en Polynésie avec la souche Alpha du virus (anciennement appelé variant anglais) mais en augmentant le niveau de contagiosité. En effet, aujourd’hui, le variant Delta est désormais majoritaire en France Métropolitaine, et il est considéré comme significativement plus contagieux que le variant Alpha (de 30 à 60% selon les études).
Des hospitalisations en forte hausse
Mécaniquement, une multiplication importante du nombre de cas entraînerait une hausse des admissions à l'hôpital des patients Covid-19, comme cela a été constaté partout dans le monde.
Et là encore, la couverture vaccinale joue un rôle déterminant face à l’épidémie. Avec la couverture vaccinale actuelle, environ 70 personnes atteintes d’une Covid-19 sévère seraient hospitalisées au CHT au plus fort de l’épidémie, alors que ce nombre serait réduit à 9 avec 50% de la population vaccinée et serait réduit à quelques malades à 75%.
Une efficacité vaccinale constatée en France Métropolitaine par exemple où selon une étude menée par le CHU de Lille, "97% des malades hospitalisés, peu importe l’âge et les comorbidités, sont non-vaccinés".
Des lits de réanimation submergés
Mais la plus grande source d’inquiétude se trouve au niveau des places en réanimation. La Covid-19 entraine des formes graves chez certains malades qui nécessitent des soins lourds (intubations) et une mobilisation importante et longue des personnels soignants. Dans le cas d’une couverture vaccinale de 30% et sans confinement strict, une dizaine de lits de réanimation seraient occupés au bout de deux mois et plus d’une trentaine deux mois plus tard, au pic de l’épidémie.
Problème : le système de santé calédonien ne pourrait supporter une telle pression hospitalière. "Actuellement, nous avons 10 lits de réanimation épidémiques prévus pour la prise en charge éventuelle de patients Covid et 20 dont nous disposons habituellement", explique Pierre-Henri Moury, réanimateur au Médipôle.
Le souci est que même si nous avons le matériel nécessaire et que dans l’absolu, on pourrait monter à 48 lits de réanimation, nous manquons de personnel pour suivre déjà avec nos 20 lits habituels.
Sans oublier que cette occupation des lits de réanimation se ferait au détriment d’autres pathologies du quotidien. "Dès qu’on dépassera les 10 patients Covid en réanimation, il y aura un impact sur les autres pathologies car il faudra trouver des personnels soignants d’autres spécialités, au-delà de 20, on sera sur des lits qui ne sont pas dédiés à la réanimation", souligne le spécialiste. "Et dès qu’on dépasse nos capacités, nous nous attendons à un taux de mortalité qui va augmenter en passant de 25 à 40% si on se réfère aux publications françaises et anglaises."
Un scénario catastrophe qui peut être évité en cas de couverture vaccinale élargie et de mesures d’atténuation importantes. Pour rappel, avec le sérum Pfizer, la protection serait de 88% contre le risque d’hospitalisation et de 91,4% contre les Covid les plus sévères, d’après les données israéliennes publiées 22 juillet, et de 96 % contre les hospitalisations, selon Public Health England (en anglais).