Jae-Tak Bae, PDG de la SNNC en Corée du Sud : "La Niña se fait sentir sur l'approvisionnement en nickel calédonien"

Jae-Tak Bae est le nouveau Pdg de la SNNC (Société du Nickel de Nouvelle-Calédonie et Corée) dont l’usine est établie à Gwangyang.
Coentreprise métallurgique née du partenariat entre la Calédonienne SMSP (51%) et le Coréen Posco (49%), la SNNC (société du nickel de Nouvelle-Calédonie et Corée) a vu sa production baisser en 2022 à 37 326 tonnes de nickel métal contenu dans des ferronickels, en raison des effets de La Niña et du passage du typhon Hinnamnor. L’usine se heurte aujourd’hui à la concurrence indonésienne et à la hausse des coûts.

NC LA 1ère : La Nouvelle-Calédonie a connu des périodes de très fortes pluies ces trois dernières années. Estimez-vous l'approvisionnement de la SNNC (société du nickel de Nouvelle-Calédonie et Corée) en minerai calédonien satisfaisant ?

Jae-Tak Bae : L’approvisionnement en minerai calédonien a été satisfaisant entre 2016 et 2019, nous avons reçu 3,3 millions de tonnes tous les ans comme c’était prévu à la suite du lancement de la seconde ligne de production en 2015. Mais, depuis 2020, l’effet de La Niña se fait sentir, et bien sûr, le tonnage de minerai calédonien reçu est en baisse. L’impact météorologique fait toutefois partie du quotidien opérationnel, et nous nous adaptons ici à SNNC. De 2016 à 2019, nous avons reçu 3,3 millions de tonnes par an. De 2020 à 2021, 2,9 millions de tonnes toujours par an. Puis, en 2022, 2,4 millions de tonnes.

La teneur du minerai en nickel constitue-t-elle un point d'attention particulier ?

Bien sûr. C’est même un point d’attention très important. Le procédé est calibré en fonction d’une teneur donnée. Si la teneur en nickel diminue, les coûts de fabrication augmentent, comme l'augmentation du prix de l’énergie, de l'électricité et de la logistique, etc. Et à la fin, la vente du produit fini risque d’être moins bénéfique.

Les prix du minerai et, au bout de la chaîne, du ferronickel de la SNNC souffrent-ils d'une décote, liée à la référence de plus en plus significative au cours du NPI (Nickel pig iron, un ferronickel à faible teneur en nickel) ?

Évidemment. Les prix d’achat et de vente du minerai de nickel et de son produit fini, le ferronickel, sont alignés sur le principe de l’offre et de la demande. Si l’offre de minerai sur le marché est importante, alors les prix d’achat sont bas, idem pour le ferronickel.

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Et la fourniture massive de ferronickel via les NPI sur le marché a sérieusement impacté les prix de vente. En mars dernier, l’annonce du groupe chinois Tsingshan d’acheter 100 millions de tonnes de minerai a donné lieu à une décote importante du ferronickel. Et de manière générale, la confiance dans l’indicateur LME (London Metal Exchange, la bourse de référence) a diminué sur le marché, on se réfère de plus en plus au prix NPI.

En plus, il y a un grand écart de prix entre LME et NPI. Beaucoup de fournisseurs de nickel - et d’acier inoxydable - ont été influencés.

L'activité en Indonésie tire les prix vers le bas, le coût de l'énergie reste élevé... Est-ce une période compliquée sur le plan financier pour la SNNC ?

Tous les fournisseurs de nickel dans le monde sont touchés par l’activité en Indonésie qui tire les prix vers le bas. La guerre en Ukraine donne aussi lieu à une augmentation importante des coûts de l’énergie, et incidemment, des coûts de transport.

Au cours de ces années, la croissance a été positive pour chacun des partenaires, et a permis également de créer des emplois, en Nouvelle-Calédonie comme en Corée du Sud.

Évidemment, nous aussi, en Corée du Sud, nous ne sommes pas épargnés. Le prix de l’électricité a augmenté, et nous estimons que le coût va continuer à augmenter.

Ces facteurs influent forcément sur les performances financières de la SNNC, et particulièrement depuis le second semestre 2022.

Quelles sont vos réponses, vous, métallurgiste, face à ces difficultés dues au marché ?

Nous avons en partie anticipé cette situation en prônant une diversification, avec l’investissement dans l’unité de matte qui sera finalisée d’ici octobre. Dans le même temps, nous avons mené une gestion de type « urgence » en instaurant des actions de réduction des coûts, et un suivi encore plus précis de la trésorerie.

Pour rester compétitifs en utilisant le minerai calédonien, qui est un minerai de haute qualité, donc coûteux, nous avons décidé de nous orienter vers le marché des batteries.

De plus, la Chine, qui représente une partie importante de la demande mondiale en acier inoxydable, a relancé son activité, mais les effets de cette réouverture ne se font pas encore sentir. Cependant, il nous semble que cette situation anormale ne devrait pas durer, et que la structure du marché devrait se stabiliser à moyen ou long terme. Il faut donc que nous tenions le coup.

La SNNC prévoit donc l'installation d'une ligne de production de matte de nickel. Quel est l'enjeu ? Quel bénéfice pour la Nouvelle-Calédonie ?

L’enjeu pour la SNNC est d’être capable de s’adapter au marché. En effet, l’Indonésie vend son minerai à des prix bas, et la croissance des NPI rend par ailleurs la structure commerciale de l’acier inoxydable défavorable pour nous. Pour rester compétitifs en utilisant le minerai calédonien, qui est un minerai de haute qualité, donc coûteux, nous avons décidé de nous orienter vers le marché des batteries. En comparaison du prix du ferronickel, celui du nickel matte, basé sur le LME, est bien plus profitable, cela nous permettra donc de stabiliser notre structure de profit.

Il est important que les opérations minières soient durables et respectueuses de l’environnement.

Ce nouveau schéma nous permettra d’assurer une structure durable de bénéfices mutuels avec la Nouvelle-Calédonie. En utilisant le minerai de celle-ci et en restant compétitifs.

Quelles ont été les retombées pour la Nouvelle-Calédonie ? Ce partenariat SMSP-Posco restera-t-il gagnant-gagnant, selon vous, à l'avenir ?

De manière globale, c’est-à-dire mine et usine, les retombées économiques du partenariat NMC-SNNC entre 2009 et 2022 sont de 260 milliards de francs.

Sur le plan opérationnel, nous avons commencé en 2008 avec une ligne de production, puis une seconde en 2015 grâce à l’expansion des capacités, du côté « mine » comme du côté « usine ».

Au cours de ces années, la croissance a été positive pour chacun des partenaires, et a permis également de créer des emplois, en Nouvelle-Calédonie comme en Corée du Sud.

Au regard de l’évolution du marché actuel, et pour assurer un modèle gagnant-gagnant, les deux actionnaires ont développé la filière matte en maintenant la chaîne de valeur avec son fournisseur de minerai calédonien. Il est important que toute la chaîne de production, de l’extraction de minerai à la fonte du ferronickel, soit performante afin d’être capable de faire face à la concurrence indonésienne. Et nous en sommes conscients, il est important que les opérations minières soient durables et respectueuses de l’environnement.