Le non-lieu prononcé par la justice française dans le scandale du chlordécone, pesticide utilisé dans les bananeraies de 1972 à 1993 en Guadeloupe et en Martinique, a renforcé la détermination de la partie civile à obtenir justice.
Si la Cour d'appel ne nous donne pas raison, nous ferons un pourvoi en cassation. Nous sommes déterminés à aller jusqu'à la Cour de cassation et à la Cour européenne de justice pour que justice nous soit rendue. J'ai peur que le contrat social soit bouleversé par une telle injustice si elle devenait définitive.
Maître Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pitre, avocat, écologiste à Franceinfo.
L’association Pour Une écologie urbaine, l’association Générations Futures et le collectif Lyannaj pou Depolyé Matinik ont affirmé faire appel.
La Collectivité Territoriale de Martinique et le Conseil Régional de Guadeloupe ont annoncé un travail de collaboration pour l’appel.
L'ordonnance de non-lieu
Le journal Mediapart a publié l’intégralité de l’ordonnance, un document de plus de 300 pages.
Dans le préambule, les juges d’instruction, Brigitte Jolivet et Fanny Bussac, notent que "les pièces et témoignages recueillis au cours de l’information judiciaire, ont mis en évidence les comportements asociaux de certains acteurs économiques de la filière banane, relayés et amplifiés par l’imprudence, la négligence, l’ignorance des pouvoirs publics, des administratifs et des politiques qui ont autorisé l’usage du Kepone puis du Curlone à une époque où la productivité économique primait sur les préoccupations sanitaires et écologiques."
En revanche, porter l’affaire exclusivement devant le juge pénal a eu pour conséquence "d’accepter le cadre strict et les contraintes exigeantes, d’en reconnaître les principes fondateurs et d’en admettre les limites constitutionnelles".
Dans la conclusion de l’ordonnance de non-lieu, les juges expliquent la décision. La preuve pénale des faits dénoncés, "commis 10, 15 ou 30 ans avant le dépôt de plaintes," n’a pas été rapportée.
Les données scientifiques et les connaissances techniques, à la date des faits dénoncés, n’avaient pas identifié d’effet létal en lien avec le produit chlordécone. Depuis, il a été démontré que l’exposition par voie d’ingestion ou l’exposition in utero a des conséquences parfois gravissimes sur les personnes et les enfants exposés.
Inopérantes au pénal, ces faits pourraient être invoqués devant d’autres instances pour obtenir une indemnisation d’un préjudice corporel.
Difficulté d’appliquer des textes qui ont évolué dans le temps
Certaines infractions comme la mise en danger d’autrui, la responsabilité pénale des personnes morales et les infractions du Code de l’environnement, pour lesquelles les avocats de la partie civile demandaient des poursuites, n’existaient pas à la date des faits.
Les juges ont reconnu "qu’une atteinte environnementale dont les conséquences humaines, économiques et sociales affectent et affecteront pour de longues années, la vie quotidienne des habitants ces deux territoires," a bien eu lieu. Et qu’il s’agit du "premier dossier judiciaire à traiter une pollution d’une telle ampleur… "
Des crimes pour lesquels la partie civile de Martinique et Guadeloupe veut enfin obtenir gain de cause.