Il n'y a plus de matelas ni de tente ce mercredi 14 août sur les trottoirs du boulevard Marcel Henry, près du stade de Cavani. C'était pourtant devenu le paysage habituel depuis le démantèlement mi-mars du camp installé dans l'enceinte du stade. Une dizaine d'opérations ont été organisées depuis : plus d'un millier de migrants ont été recensés puis petit à petit pris en charge, soit en direction d'une structure d'hébergement soit du CRA pour les déboutés du droit d'asile. Plus de 600 ont quitté le département, annonce la préfecture.
La dernière opération de ce type a été organisée à l'aube. Environ 150 migrants ont été emmenés en bus alors que le soleil se levait à peine. 4,3 tonnes déchets ont été retirés, mais tandis que les agents de la ville s'affairent pour passer le balai et entasser les campements de fortune dans des bennes, une vingtaine de migrants commencent à s'amasser de chaque côté des barrières qui délimitent le périmètre. "On se lève tôt pour aller se laver à Massimoni, comme il n'y a pas d'eau ici. Quand on est revenu, on a vu que la police barrait l'accès", explique Augustin, qui se présente comme demandeur d'asile venant de la RDC.
Des "opportunistes"
"Mon matelas est déjà dans une benne, là je n'ai plus rien", se désole l'un de ses compatriotes. "Je dors dehors depuis un an, je suis traumatisé, car je ne sais pas où aller, par où commencer." La préfecture affirme que ces migrants n'étaient pas sur place lors des recensements organisés, dont le dernier en date était lundi soir. "L'objectif pour l'État est de prendre en charge ceux qui n'ont pas de solution d'hébergement, pas ceux qui ne veulent pas payer leurs loyers", assène Frédéric Sautron, le sous-préfet en charge de la lutte contre l'immigration clandestine. "Certaines personnes, par opportunisme, se greffent à l'opération alors qu'elles sont parvenues à trouver un logement."
Un bus est rappelé pour emmener un groupe de femmes avec leurs enfants. Le ton monte entre la police, le sous-préfet et les migrants. "Tu as une maison !", martèle Frédéric Sautron à une femme qui avait déjà obtenu un hébergement d'urgence, mais trop éloigné de Mamoudzou. Elles seront finalement emmenées pour que leurs situations soient étudiées en détail, les hommes restent sur le trottoir.
"On partira quand ne verra plus personne"
"Tous les migrants qui étaient dans la rue ont été pris en compte, ils ont été emmenés sur un site pour statuer sur leurs parcours administratifs, les déboutés iront au CRA, les réfugiés et les demandeurs d'asile seront pris en compte dans les lieux d'hébergement", précise le sous-préfet. Cette annonce est un soulagement pour les riverains et les élus locaux. "Dans cette rue, nous avons beaucoup de bâtiments qui relèvent du conseil départemental, nos agents peuvent enfin travailler librement et sereinement", se félicite la conseillère départementale Laini Abdallah Boina.
Près de la tente où les membres du collectif des habitants de Cavani sont mobilisés depuis cinq mois, certaines femmes affichent des mines sévères. Elles ne veulent pas crier victoire trop vite. "Je ne crois pas à tout ça, parce qu'on a vécu avec tous ces problèmes, on nous dit qu'on les déloge et en fin de journée ils reviennent en masse", explique l'une des membres, la voix nouée par l'émotion. "Moi ça me fait mal, car on nous a menacés, mais on sera toujours là. Tant qu'ils sont là, on sera là. On ne lèvera le camp que quand on ne verra plus personne."
Un arrêté municipal est déjà en vigueur pour interdire l'occupation de la rue. "On a la police municipale avec nous, on va essayer de mettre en place des moyens de surveillance tous les jours afin que les gens ne reviennent pas", promet Dhinouraine M'colo Mainty, le 1er adjoint à la ville de Mamoudzou, en charge notamment de la propreté urbaine.