Des tables, des chaises, des piles de feuilles et de cahiers s'entassent devant les mosquées de Kawéni ce dimanche 5 janvier. Ce matériel scolaire avait été volé dans les écoles du village durant les trois semaines qui ont suivi le cyclone Chido, provoquant la colère de la population et des élus de Mamoudzou. Les haut-parleurs des mosquées ont diffusé dès l'aube ce dimanche une prière collective, une doua, pour menacer les voleurs de malédiction si ces biens n'étaient pas rendus, provoquant un branle-bas de combat immédiat.
"Qui t'a donné ça? Hé!"
Durant toute la matinée, de jeunes enfants ont ramené des sacs contenant des fournitures scolaires avant de filer sans demander leur reste. "Hé viens ici ! Qui t'a donné ça ? Hé!", lance sans succès un fidèle de la mosquée Mahabourini. "Les jeunes voient qu'ils ne devraient pas venir ici, alors ils donnent ça à des petits", explique Anli Daoud, l'un des fidèles.
Devant la mosquée de vendredi, même scène : des fournitures scolaires s'entassent sur le trottoir. "Il vaudrait mieux qu'ils les ramènent dans les écoles plutôt qu'ici, j'ai dû enlever des choses pour qu'on puisse se frayer un chemin jusqu'à l'intérieur de la mosquée", raconte une riveraine, furieuse. "Maintenant des gens passent et volent parfois ce qui est là. D'ailleurs, on m'a volé mes chèvres et je souhaite que celui qui les a volées me les ramène et qu'il crève", peste-t-elle.
"Tout le monde rêverait d'avoir un ordinateur chez lui"
Près de la mosquée, un groupe de jeunes aident les fidèles à ranger les affaires. L'un d'eux admet avoir reconnu certaines personnes venues ramener du matériel volé. "Je pense qu'ils n'avaient plus de meubles chez eux, du coup ils ont récupéré des tables et des chaises", explique cet adolescent. "Tout le monde rêverait d'avoir un ordinateur chez lui, alors ils les ont pris là-bas."
"Tout le village s'est réveillé, on a décidé de faire une prière collective pour dénoncer ces actes de délinquances", précise Ahamedi Abou-bakri, l'un des imams de la mosquée de vendredi. "Lorsque les gens l'ont entendu, ils ont eu peur d'être maudits, alors ils sont venus rendre les objets." Ces fournitures sont entassées dans une camionnette pour être rassemblées à la MJC de Kawéni, non loin de là. Sur place, des agents de la municipalité essayent de prendre le relais.
"On ne s'attendait pas ça", commente Nourainya Loutoufi, adjointe à la mairie de Mamoudzou en charge de la citoyenneté. "On va faire un état des lieux de ce qu'on peut récupérer ou pas, les tables et les chaises peuvent être sauvées mais le matériel pédagogique pas du tout, c'est beaucoup de papiers mouillés." Reste désormais l'inquiétude de voir la MJC être pillée à son tour. "On va mettre un peu plus de personnes pour garder le peu qu'on a recueilli, on va par la suite décider comment s'organiser avec la police municipale et la police nationale pour faire des rondes autour du site", ajoute l'élue.
La création d'un comité d'habitants de Kawéni
La prière collective, à l’origine de cette mobilisation, a aussi été l'acte fondateur d'un comité d'habitants de Kawéni, excédés par les épisodes de délinquances visant les établissements scolaires. Une marche blanche a également été organisée dans la matinée pour dénoncer ces actes. "C'est pour voir tout ce qui ne va pas dans le village, pour voir quelles solutions on peut donner. On va voir le procureur et voir ce qu'on peut faire ensemble", commente Said Ahmed, l'un des riverains mobilisés. "S'il y a un jeune ou un habitant du village qui fait des conneries, c'est la population qui va le juger, ce qu'on va décider ici ce sera transmis au tribunal, à la mairie et la préfecture", ajoute un autre membre du comité.