Le ministre Manuel Valls a confirmé lors de la commission de défense ce mercredi que la création d’une nouvelle base militaire navale dans le nord du département sera intégrée à la loi-programme pour Mayotte. Le ministre des Outre-mer était interrogé sur la question par la députée Estelle Youssouffa, qui faisait valoir une pression migratoire importante et des menaces régionales croissantes.
13 milliards d'euros pour la souveraineté des Outre-mer
Les parlementaires mahorais ayant plusieurs fois soulevé cet enjeu : fin 2022, le député Mansour Kamardine a par exemple interrogé le gouvernement sur la construction d’une nouvelle base navale, faisant valoir les capacités de mouillage limités de la base actuelle, située à Dzaoudzi. Le ministère des armées avait répondu que des aménagements étaient prévus, et que « le positionnement actuel permet de concentrer sur Petite Terre tous les services concernés et ainsi rationaliser la circulation des informations, l'entretien des équipements et la protection des installations comme du personnel. » La loi de programmation militaire 2024-2030, adoptée le 13 juillet, a précisé les ambitions de l’État : 13 milliards d’euros, sur une enveloppe de 413,3 milliards seront alloués à la souveraineté des Outre-mer.
Le texte prévoit qu’à Mayotte un « effort particulier sera consacré à l’aménagement des infrastructures portuaires.» La loi dispose également que 100 militaires supplémentaires seront déployés et « appuyés par un nouveau moyen de transport amphibie.» Un bâtiment de haute mer aura une présence dans la zone entre 150 à 200 jours d’ici 2027. A l’horizon 2030, « la couverture permanente d’A400M dans l’océan Indien » permettra d’effectuer du transport de troupes. Vous avez peut-être aperçu ces appareils sur le tarmac de l’aéroport de Mayotte, ils avaient été mobilisés pour acheminer des denrées et du matériel dans le cadre du pont aérien mis en place suite au passage du cyclone Chido. Un amendement avait d’ailleurs été déposé par la députée Estelle Youssouffa pour demander que le gouvernement remette d’ici un an « un rapport sur la stratégie française et les besoins de Mayotte ». Un texte toujours attendu.
Les FAZSOI, un acteur de la lutte contre l'immigration clandestine
Actuellement, les moyens militaires déployés à Mayotte font partie des FAZSOI, les forces armées dans la zone sud de l’océan Indien. Ces militaires doivent défendre les territoires de Mayotte et de La Réunion, mais sont aussi amenés à participer à des missions civiles. Sur l’île aux Parfums, « la contribution des FAZSOI à la lutte contre l'immigration clandestine y est majeure », comme le relève un rapport d’information sénatorial publié en 2022 sur la présence militaire française dans les outre-mer. Le nombre d’étrangers arrivant clandestinement sur le territoire en kwassa était estimé entre 15.000 et 22.000 par an. Selon la base navale de Dzaoudzi, qui coordonne le dispositif d’interception en mer, « environ 300 embarcations (comprenant chacune une vingtaine de personnes) arrivent chaque année sur les côtés de l'île, dont la moitié environ est détectée par les services de l'État. » Les forces armées sont aussi amenées à participer à des opérations Nephilia, par le biais du détachement de la légion étrangère qui compte environ 300 miliaires, des opérations coup de poing sur les plages pour favoriser l’interpellation d’étrangers en situation irrégulière.
Si ce projet de base militaire navale reste encore à préciser, son emplacement dans le nord témoigne d’une volonté de renforcer les capacités d’intervention dans ce secteur. En septembre 2024, le préfet de Mayotte annonçait l’installation d’un ponton à M’tsamboro « qui permettra d'avoir des intercepteurs directement sur zone » précisant qu’actuellement « les intercepteurs partent de Petite-Terre et mettent 45 minutes pour arriver sur la zone. »
Des tensions internationales
Cette volonté de développer les capacités militaires à Mayotte s’inscrit également dans un contexte de tensions croissantes à l’international. Le nord du Mozambique a fait face l’an dernier à une recrudescence des violences liées à une insurrection djihadiste, comme l’avait fait remarquer la députée Estelle Youssouffa face au ministre des Outre-mer. A cela s’ajoutent les revendications persistantes des Comores sur Mayotte, soutenue dans sa démarche par la Russie, la Chine ou encore l’Azerbaïdjan. Comme en Nouvelle-Calédonie, le pays s’était immiscé dans ce débat via des conférences organisées par le groupe d’initiative de Bakou. Alors que la Chine étend son influence dans le nord de l’Océan Indien, que les relations se tendent entre les Européens et les Etats-Unis, trois ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors que la France a prévu de doubler ses dépenses militaires, sa présence dans un secteur aussi stratégique que le Canal du Mozambique semble appeler à un développement des capacités militaires de Mayotte.