Pourquoi l’Union calédonienne n’a-t-elle pas envoyé de représentants à la séquence politique parisienne de fin octobre ? La première Convention des partenaires, précédée de rencontres avec le gouvernement central. Quelques jours avant, le parti indépendantiste évoquait le fait que les discussions bilatérales devaient se tenir en Calédonie. Et l’attitude de l’Etat, taxé de vouloir imposer un calendrier en vue d'un référendum de projet. Est-ce que ce sont les seules raisons ?
Des conditions
"Il y a ça", a confirmé Gilbert Tyuienon, invité du JT dimanche 6 novembre. "Et puis on a souvent entendu parler de la parole donnée", a-t-il ajouté. Comprendre : l'assurance donnée d'un déplacement, avant changement d'avis des indépendantistes. C'est ce que le ministre Gérald Darmanin, entendu au Sénat, questionnait pas plus tard que jeudi dernier. "Sauf que l’Union calédonienne, quand elle donne sa parole, elle ne la donne pas sans conditions", a insisté le premier vice-président de l'UC sur le plateau de NC la 1ère. "J’étais présent, avec le président de l’Union calédonienne, à la rencontre du ministre délégué [Jean-François Carenco] et nous avons pris la parole en dernier pour dire que nous irons à Paris, à condition qu’on prépare bien cette réunion. Nous avons parlé en amont d’une réunion préparatoire (…) avec le haut-commissaire. Et surtout, nous avons dit : il faut dissocier les deux espaces."
La bilatérale avec l’Etat, ce n’est pas une discussion de copains de café. C’est une discussion de colonisateur à colonisé (…) Pour solder définitivement le contentieux colonial, et surtout pour qu’on se reparle en confiance.
Gilbert Tyuienon, premier vice-président de l'UC
Besoin d'une "bilatérale de la décolonisation"
Et de relater : "Quand nous avons vu que les choses ont bougé, que comme le 12 décembre dernier, on ne nous entendait plus, nous avons dit : ce n’est pas la peine qu’on aille, puisque l’Etat poursuit son cheminement. Nous avons estimé que ce n’était pas notre espace et que nous avions besoin, avant de parler avec les autres, de cette bilatérale que nous appelons ‘la bilatérale de la décolonisation’."
"Notre route est celle de l’Accord de Nouméa"
L'idée d'un référendum de projet en 2023 a été écartée jeudi 3 novembre, par le même Gérald Darmanin. L'UC va-t-elle participer aux groupes de travail annoncés ? Réponse : "Nous restons sur ce que nous avons indiqué, à savoir une bilatérale au plus haut niveau avec l’Etat. Ce qui s’est passé à Paris ne concerne que les gens qui ont été à Paris." Gilbert Tyuienon qui l'assure : "Nous sommes ouverts à tous ces espaces de discussion. Pourvu qu’on trace de manière claire la route qui attend les Calédoniens. Nous, notre route, c’est celle de l’Accord de Nouméa."
La question de participer aux espaces de discussion… L’UC y sera toujours présente parce que nous avons signé l’Accord de Nouméa, nous avons donné notre parole pour le dialogue. Et le dialogue, on ne peut pas le faire seul. (…) On y sera, pourvu que l’on cale bien les choses et qu’on y aille étape par étape.
Gilbert Tyuienon
Il cite comme "étapes essentielles" l'audit sur la décolonisation de la Nouvelle-Calédonie et le bilan de l’Accord de Nouméa - les deux démarches ont été annoncées par l’Etat. "Ayons un point de départ, faisons un état de ce qui a été fait, est-ce que ça a été bien fait, qu’est-ce qu’il reste à faire. Et puis, on ira parler."
Rétablir "un dialogue serein"
Celui qui est aussi membre du dix-septième gouvernement et maire de Canala présente l'Accord de Nouméa comme "un séquençage. On va de l’avant de manière progressive mais surtout dans un processus irréversible. C’est cette construction pas à pas d’un pays nouveau, d’un pays souverain, dont il est question. Nous-mêmes, à l’Union calédonienne, avons reconnu la place des autres dans ce pays. Mais pourvu qu’on solde le contentieux avec l’Etat, que l’on rétablisse un dialogue serein, constructif et de confiance. Parce que", lance-t-il comme pour illustrer cette question de la confiance, "la 'ministre' de la Citoyenneté de la France aujourd’hui fait partie des loyalistes les plus durs contre l’émancipation du pays. Il faut qu'on comprenne, tout ça."
Nous ne reconnaîtrons jamais le résultat du troisième référendum !
Gilbert Tyuienon
“Reçu l'invitation " du haut-commissaire
Palika, Uni, UC, RDO : Patrice Faure, le haussaire, a convié les partis indépendantistes à des rencontres cette semaine, alors que les ministres Darmanin et Carenco sont attendus en fin de mois. "Nous avons reçu l’invitation", a confirmé l'invité du journal télévisé. "On en discutera [ce lundi] en bureau de l’Union calédonienne. Mais on ira certainement dire des choses pas très agréables, au haut-commissaire, si on y va. Parce que pour le moment, ça ne va pas du tout."
Et de répéter : "On n’a pas du tout confiance en l’Etat. Et puis il y a ce fameux malaise, né du fait qu’on a voulu insister pour organiser un référendum que nous ne reconnaissons pas. Et à côté de ça, on entend tout le temps dire, y compris au plus haut niveau de l’Etat, que la Nouvelle-Calédonie n’a pas plus vocation à l’indépendance… Il faut se souvenir de la parole de Jean-Marie Tjibaou. Tant qu’un Kanak sera là, il réclamera toujours l’indépendance de son pays."
L’impartialité de l’Etat, la neutralité de l’Etat qui nous été servie à toutes [les] sauces par le passé, l’équidistance de l’Etat… ça fait longtemps que c’est mort.
Gilbert Tyuienon
Le corps électoral gelé, la "mère des batailles"
"Quelle est votre position sur le corps électoral provincial ?", interroge un internaute. "Le corps électoral est lié à l’histoire", rétorque Gilbert Tyuienon. "Il s’agissait de donner aux Calédoniens la capacité de gérer leur pays. [C']est la mère des batailles. Et mettre en cause la mère des batailles, ça veut dire mettre en cause l’Accord de Nouméa. Ça veut dire mettre en cause la paix qu’on a eue dans l’Accord de Nouméa. Mais ce n’est pas l’Etat qui va garantir la paix durable, c'est le FLNKS. Il y a des choses à ne pas toucher."
Vers un "congrès historique"
Un mot, enfin, du rendez-vous en interne qui attend l'Union calédonienne ce week-end à Bourail. "Ce sera certainement un congrès historique parce qu'il va se tenir quarante-cinq ans après celui (…) qui a mené l'Union calédonienne à se positionner sur l'indépendance du pays. C'était en 1977."
Un entretien avec Thérèse Waïa, à retrouver ici :