Approche du référendum, conditions d'une indépendance... Ce qu'il faut retenir de l'entretien de Gilbert Tyuienon, directeur de campagne pour le Oui

Gilbert Tyuienon, 63 ans, était l'invité du JT le dimanche 22 août.
Après un week-end de congrès dans le camp indépendantiste, Gilbert Tyuienon était l'invité du journal télévisé. Membre du FLNKS, directeur de campagne référendaire pour l'Union calédonienne, il a notamment évoqué la démarche qui sera celle des partisans du Oui d'ici au scrutin.

C'est parti pour la campagne du Oui. Deux rendez-vous lui ont été dédiés à la salle omnisports de l'Anse-Vata, ce week-end des 21 et 22 août. Soit seize semaines avant la dernière consultation référendaire prévue par l'Accord de Nouméa. Après le congrès du FLNKS, puis le congrès "populaire des indépendantistes, nationalistes et progressistes", Gilbert Tyuienon était l'invité du dimanche au JT de NC la 1ere. Le porte-parole du gouvernement et maire de Canala intervenait en tant que directeur de campagne référendaire pour l'Union calédonienne. Voici ce qu'on peut en retenir. 

  • Le sens du 12 décembre

Un jour nouveau, auquel le pays doit se préparer : voilà comment Gilbert Tyuienon présente le dimanche du scrutin. "C'est un instant essentiel pour nous, [peuple kanak, il s'agit du] droit inné et actif à l'autodétermination des peuples colonisés. Mais depuis de longues années, ajoute-t-il, on a ouvert ce droit aux autres. Le 12 décembre, ce sera ce rendez-vous pour dire aux Calédoniens : 'Lancez-vous, vous avez ensemble la chance de préparer l'avènement d'un pays'." 

  • Une campagne placée sous le signe de l'unité

A l'approche de la consultation, le rendez-vous organisé dimanche à Nouméa visait à rassembler les différents courants indépendantistes. Le soir venu, l'invité du journal télévisé a insisté sur "cette forte unité qui s'est mise à jour petit à petit". Selon lui, "l'ensemble de la mouvance indépendantiste est aujourd'hui alignée pour partir à la bataille électorale le 12 décembre". Ce qui, relève-t-il, n'était pas le cas lors des consultations de 2018 et 2020.

"Cette unité va se faire dans l'action", déclare le directeur de campagne à l'échelle de l'UC, en ébauchant un calendrier : un mois d'août plutôt dédié aux préparatifs, les "mobilisations de proximité" lancées en septembre, novembre marqué par de grandes réunions... Et quelle utilisation du drapeau porté par les indépendantistes, dans la campagne référendaire 2021 ? "C'est le drapeau de la revendication, de la liberté. On ne reviendra pas là-dessus", rétorque l'homme politique. "On dit simplement que cette fois, c'est en responsabilité que nous allons porter les choses."

On sera présent sur cette campagne mais en responsabilité. 

Gilbert Tyuienon, directeur de campagne pour le Oui à l'Union calédonienne

 

  • Le document du Oui et du Non "n'est pas une description de ce qui va se passer"

"Ce qui est convenu pour le contenu de la campagne", dit-il plus loin, "c'est travailler pour bonifier un peu notre projet de société, travailler sur la constitution de Kanaky-Nouvelle-Calédonie. S'agissant du document [sur] le Oui et le Non, c'est avant tout un document juridique, technique et financier (…). Surtout pas une description de ce qui va se passer", relativise Gilbert Tyuienon, qui le trouve "fortement axé pour promouvoir le Non". 

"On va travailler sur ce document pour réagir, donner notre sentiment sur les interrogations de l'Etat", poursuit-il en insistant : "Lors de la réunion de Paris, on a bien entendu le Premier ministre ainsi que le président de la République nous indiquer qu'il n'est pas question pour la France de larguer la Nouvelle-Calédonien au lendemain du 12 décembre si le Oui l'emportait." 

La responsabilité des indépendantistes est de porter un projet. Mais la responsabilité de l'Etat, de la France coloniale, c'est d'accompagner le pays à son émancipation. 

Gilbert Tyuienon

 

  • A propos de la nationalité  

C'est un des sujets les plus discutés du moment : la ou les future(s) nationalité(s) des habitants en cas d'accession de la Calédonie à la pleine souveraineté. "Sur la question de la double nationalité, on sait maintenant, par rapport au document du Oui et du Non, que même si le gouvernement français indique des pistes, c'est la compétence essentielle du Parlement", a déclaré l'invité du JT. "On a déjà dit qu'on n'est pas opposés à la double nationalité." 

Et quelles seraient les conditions d'accès à la nationalité du nouvel Etat ? "Les citoyens du pays, ceux qui votent aujourd'hui, ont vocation, tout naturellement, à verser dans la future nationalité, répond-il. Et les règles d'intégration pour les autres personnes [sont] les règles normales (…) que l'on connaît partout ailleurs dans le monde dans tous les pays démocratiques." 

La Kanaky dont nous voulons, ce n'est pas une dictature...

Gilbert Tyuienon

 

  • Pour lui, l'indépendance consiste à "négocier nos interdépendances"

Autre problématique au cœur du débat, le fonctionnement des services publics en cas d'accès à l'indépendance. "Comment allez-vous remplacer les fonctionnaires et financer les nouvelles institutions ?", demande ainsi un internaute. " De la part de la France, il n'y aura pas de largage", répète Gilbert Tyuienon. Ça veut dire qu'on va préparer ensemble la suite (…), négocier nos interdépendances. L'indépendance, c'est ça."

"Les futurs responsables du pays devront donner la dimension des futurs services d'Etat. Et à ce titre, je crois que la France est prête à nous accompagner", enchaîne-t-il. "S'agissant de la capacité de la Nouvelle-Calédonie à assumer cette indépendance, on le sait, aujourd'hui, le pays est en difficulté. Mais à la suite d'un certain nombre de décisions, qui ont été prises ou n'ont pas été prises." 

  • Ses réponses en matière de financement

Un exemple ? "On nous indique que le coût de l'enseignement secondaire est de l'ordre de 45 milliards. Si on enlève les sur-rémunérations d'Etat, il faut aller vers les 35 milliards, plutôt", pose Gilbert Tyuienon. "Eh bien, ne serait-ce que la dépense fiscale, (…) à savoir tous les avantages qu'on accorde à droite et à gauche, est de l'ordre des 42 milliards. Voilà des indications. C'est vrai qu'il va falloir aller chercher les niches fiscales, faire de la réforme. Mais c'est aussi [à] notre pays à se prendre en charge."

Il donne sa vision d'une autre problématique. "La sécurité, aujourd'hui dans notre pays, nous coûte cher (…) parce qu'il y a un sentiment de malaise dans un certain nombre de populations", estime Gilbert Tyuienon, en évoquant "le fait que le Camp-Est est rempli à 90 % par la jeunesse kanak". Il y voit "le résultat d'un système qui est là. Nous disons à notre jeunesse : 'On va changer le système, il va falloir changer votre manière de faire'."

In fine, [sur] les questions d'argent, on trouvera l'équilibre qu'il faut au moment venu.

Gilbert Tyuienon

 

  • Être indépendantiste "n'est pas de l'idéologie"

Le même plateau du JT recevait la veille le directeur de campagne pour "les Voix du Non". Avec cette formule de Christopher Gygès : "Même si on est indépendantiste, on peut voter Non le 12 décembre". "C'est beau de rêver !", réagit Gilbert Tyuienon. "Il y aura toujours des indépendantistes", développe-t-il, et quand nous sommes convaincus de l'indépendance, ce n'est pas de l'idéologie (…) C'est une question, fondamentale, de liberté et de dignité. C'est de l'être dont il s'agit." 

L'intégralité de cet entretien mené par Nadine Goapana :