La commission des lois du Sénat a adopté à l’unanimité le rapport de sa mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, mercredi 12 juillet, à Paris. Des travaux menés depuis mai 2022 par ses rapporteurs François-Noël Buffet, Philippe Bas, Jean-Pierre Sueur et Hervé Marseille, qui s’étaient rendus sur place pour de nombreuses auditions il y a environ un an. La commission des lois conclut cette démarche en insistant sur l’urgence qu’il y a à tenir des discussions à trois, entre l’État, les indépendantistes et les non indépendantistes : "le déclenchement de négociations tripartites ne doit plus être retardé, et ce, alors que l’échéance des élections provinciales, prévues en mai 2024, approche."
L’ampleur des questions à traiter afin d’organiser pour les décennies à venir le destin commun des Calédoniens justifie que le Sénat demeure vigilant sur la réunion des conditions d’un accord entre les parties calédoniennes et l’État.
Communiqué de la commissions des lois le 12 juillet 2023
Corps électoral
Car "l’organisation de nouvelles élections provinciales selon les principes définis par l’Accord de Nouméa soulèverait de sérieuses difficultés sur le plan constitutionnel. En effet, les règles actuelles de composition de la liste électorale, parce qu’elles excluent de nombreux électeurs qui sont résidents calédoniens depuis longtemps, n’ont été acceptées par le Conseil constitutionnel qu’en raison de leur caractère transitoire et en vertu de dispositions constitutionnelles spécifiques", rappellent les sénateurs dans un communiqué diffusé après leur examen du rapport.
"Délais incompressibles"
"Or, il convient à l’évidence d’organiser les prochaines élections provinciales sur des fondements incontestables. Dès lors, que ces règles soient changées ou maintenues, il apparait nécessaire que le nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie, y compris s’agissant de l’organisation des scrutins provinciaux, soit élaboré avant les prochaines échéances électorales, insiste la commission des lois. Ce statut ne pourra être entériné, par des dispositions législatives, organiques voire constitutionnelles, sans avoir été précédé d’un accord. Compte tenu des délais incompressibles nécessaires à l’adoption de ces textes, il reste au gouvernement et aux parties calédoniennes quelques mois pour conclure cet accord. À défaut, le scrutin ne pourrait se dérouler dans des conditions à la fois régulières et acceptables par toutes les parties."
Elle écarte au passage l'hypothèse de repousser les provinciales : "un report ne pourrait être que de courte durée car la prolongation par la loi des assemblées calédoniennes actuelles au-delà d’une limite raisonnable serait contraire aux principes fondamentaux de la démocratie. Seul pourrait donc être envisagé un sursis de quelques mois si les parties étaient suffisamment avancées dans leurs négociations pour avoir arrêté les principes d’un accord."
Les conditions d'un accord
Se positionnant, la mission estime "qu’un accord global permettant de donner à la Nouvelle–Calédonie un cadre institutionnel assurant sa stabilité et son développement pour les décennies à venir passe notamment par l’élargissement des conditions d’accès à la citoyenneté calédonienne dès les prochaines élections provinciales, par la confirmation du droit à l’autodétermination de la Nouvelle‑Calédonie selon des modalités à définir d’un commun accord et par la rénovation des institutions locales, en particulier, en améliorant la répartition des compétences entre collectivités et en renforçant les compétences et les moyens des communes".
Les rapporteurs "forment le vœu que le prochain déplacement du président de la République en Nouvelle-Calédonie permette de franchir une étape importante sur la voie d’un accord". Emmanuel Macron est attendu dans les jours à venir pour son second séjour sur le Caillou.
Recommandations "en grande partie suivies"
La mission du Sénat considère par ailleurs que les recommandations qu'elle a émises il y a un an "ont été en grande partie suivies". En tout cas, énumère-t-elle, le référendum de projet annoncé pour juin 2023 a été abandonné. Par ailleurs, le gouvernement Borne "n’a pas associé Sonia Backès, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur et présidente de la province Sud, aux décisions gouvernementales sur l’avenir du territoire afin de ne pas privilégier l’une des parties calédoniennes", observent les sénateurs, qui avaient pointé les différentes casquettes de la cheffe de file loyaliste.
Le même gouvernement central "a ouvert des discussions bilatérales avec les représentants indépendantistes, s’efforçant de manifester une impartialité que celles-ci mettaient en doute depuis l’organisation de la troisième consultation d’autodétermination", poursuit la commission des lois. "Il a mis en place des groupes de travail permettant de traiter l’ensemble des questions relatives à l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, et pas seulement celles qui concernent l’organisation statutaire de cette collectivité". Enfin, "il a réalisé l’'audit de la décolonisation' et le 'bilan de l’accord de Nouméa', mais dans des conditions malheureusement contestables, jugent les sénateurs, en faisant appel à des cabinets de conseil."