La Nouvelle-Calédonie est face à un dilemme. Enercal, acteur clé du système électrique calédonien, risque la cessation de paiements en juin 2024. Une nouvelle taxe sur les produits pétroliers avait été imaginée par le gouvernement pour le sortir du rouge et financer la transition énergétique. Mais à quel prix pour les Calédoniens ? La question a été au centre des débats ce lundi après-midi, au Congrès, où les élus devaient se prononcer sur le projet de loi.
“Compte tenu de la flambée des prix en ce moment, on s’était dit qu’il fallait certainement revoir cette délibération, la renvoyer en commission pour la réexaminer et trouver un moyen de sauver Enercal tout en veillant à ne pas impacter les Calédoniens”, pose Jean-Pierre Djaïwé, le président du groupe Union nationale pour l'indépendance.
Utile, vraiment ?
Un mécanisme de protection avait été prévu par le gouvernement : en cas de hausse des cours qui ferait passer le prix de revente au-dessus de la barre des 180 F le litre, la nouvelle taxation sur l’essence et le gazole serait désactivée. D’où l’une des critiques de Philippe Michel, de Calédonie ensemble : “Vu l’évolution des cours du pétrole on sait que cette taxe ne rapportera pas ce qu’il faut pour sauver Enercal.”
Une fusion avec EEC ?
En dessous de la barre des 180 F le litre, la taxation actuelle aurait augmenté, de 20 F au maximum. “On considère que ce n’est pas le moment de demander aux Calédoniens de mettre 20 F de plus à la pompe”, a de son côté souligné Nicolas Metzdorf, qui siège avec les Loyalistes. “D’autant que l’on n’a pas besoin de cette fiscalité pour sauver l’outil Enercal, on peut faire des réformes structurelles : la fusion d’Enercal et d’EEC pourrait permettre à Enercal de retrouver de la marge financière”, propose-t-il. Son groupe a donc déposé une motion préjudicielle pour demander le renvoi du texte en commission.
Le mécanisme proposé nous semblait un bon compromis pour l’équilibre de notre système électrique et pour le consommateur.
Isabelle Bearune, du groupe l’UC-FLNKS
Pareil pour Calédonie ensemble. “On sait que la taxe, quel que soit son niveau et son rendement ne réglera pas les problèmes de fond, les problèmes de déséquilibres structurels qui font que le système électrique est chroniquement déficitaire”, justifie Philippe Michel.
Le débat est désormais ouvert
Les deux motions ont été votées à l’unanimité. Le texte est donc renvoyé en commission. Le groupe Union nationale pour l'indépendance avait lui aussi envisagé de déposer une motion préjudicielle. Mais “nous avons finalement opté pour lancer le débat. Il faut que l’on donne un signal”, appuie Jean-Pierre Djaïwé.
“Enercal revend l’énergie à un prix plus faible que le prix d’achat. C’est une commande de la Nouvelle-Calédonie pour protéger les Calédoniens”, rappelle l’élu. “Ce manque à gagner doit être compensé par la Nouvelle-Calédonie. C’est ce que l’on appelle la composante de stabilisation.” Une composante qui “n’a pas été versée depuis 2013. Ce qui met aujourd’hui Enercal en difficulté”, développe-t-il. Puisque la Nouvelle-Calédonie n’a pas les moyens de payer, "il a fallu pour le gouvernement recherche un autre moyen, d’où ce projet de loi”.
La Nouvelle-Calédonie doit déjà plus de 14 milliards à Enercal
Il a eu le mérite d’ouvrir le débat, admet Philippe Michel. “C’est une bonne chose que nous ayons cette discussion. Il ne faut pas attendre, comme on l’a fait pour la caisse locale des retraites, que l’établissement soit en cessation de paiements pour effectivement adopter en urgence des mesures de correction. C’est mieux de s’y prendre avant.” Une nouvelle démonstration de la capacité des élus du Congrès à trouver des compromis.
Mais comme pour le Ruamm, il y a urgence. “Il faut qu’on fasse les choses d’ici la fin de l’année”, estime l’élu Calédonie ensemble. Sans quoi le déficit continuera de se creuser : la Nouvelle-Calédonie doit déjà 14 milliards à Enercal.
Le reportage de Bernard Lassauce :