Covid-19 : en 2021, la crise sanitaire s'installe bien, mais ses effets ont changé

Un restaurant mise sur la vente à emporter pendant le confinement 2021 en Calédonie.
Les frontières fermées et deux confinements: c'est indéniable, la crise sanitaire affecte l’économie calédonienne. Mais son impact a tendance à évoluer, constate une enquête du Cerom, qui s'attarde sur la situation cette année tout en scrutant l'horizon.

Préservée, mais pas épargnée. La Calédonie a beau s’être maintenue Covid-free, on le sait, elle souffre elle-aussi de la pandémie. Son économie, notamment. Or, "la crise sanitaire s’installe en 2021, avec des effets dont la nature change". C’est ce qui est détaillé dans une nouvelle publication sur le sujet.

Elle est diffusée par le Cerom (Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer), l’Isee (Institut de la statistique et des études économiques), l’IEOM (Institut d’émission dOutre-mer) et l’AFD (Agence française de développement). Voici ce qu’on peut en retenir.

  • Un impact estimé à 30 milliards

Les frontières gardées quasi fermées et une quarantaine obligatoire pour tous les voyageurs  autorisés à entrer, c’est la réalité des Calédoniens depuis mars 2020. Elle a un coût.

L’impact direct de de ce confinement externe sur l’économie (arrêt ou ralentissement de certaines activités) par rapport à une situation sans crise sanitaire peut être estimé autour de trente milliards CFP en année pleine.

Note du Cerom

 

  • 20 milliards de pertes pendant le reconfinement

Le reconfinement de la population du 8 mars au 4 avril 2021 a, lui, généré des pertes estimées autour de vingt milliards. C’est beaucoup, mais aussi beaucoup moins que la fois d’avant : les pertes générées par le confinement 2020 en Calédonie (du 24 mars au 19 avril) ont été évaluées à 34 milliards.

Selon les estimations du Cerom, le taux d’activité moyen s’est maintenu à 72 % pendant le second confinement. Contre 56 % pour le premier. Autre illustration : le versements de billets au guichet de l’IEOM, comme le sapement par carte bancaire, ont baissé d’environ 30 % pendant le reconfinement. C’était quasiment 50 % pour le premier confinement.

  • Des entreprises plus agiles

Les deux épisodes ont duré quatre semaines. Mais le choc de confiance et la préparation des acteurs économiques ont été bien différents, souligne en effet la note du Cerom. En un an, les sociétés et les travailleurs indépendants ont pu mieux se préparer, en termes de télétravail, de ventes à distance ou de mesures sanitaires. 40 % des entreprises interrogées déclarent avoir modifié l’organisation du travail et 20 % ont digitalisé leurs relations commerciales. 

Ça s’est ressenti sur leur perte d’activité, qui a été beaucoup moindre sur ce confinement-là. 

Magali Ardoino, responsable des études à l'IEOM

 

  • L’incertitude pèse

Ce que le Cerom appelle "le confinement externe" de la Calédonie sera maintenu jusqu’au 31 octobre. Au minimum, puisqu’il devrait être prolongé à nouveau. Bref : "le calendrier d’une normalisation est toujours incertain". A ce stade, les mesures de sauvegarde et de soutien n’empêchent pas un essoufflement face à une crise d’abord perçue comme temporaire. 

"Outre cet impact sur le moral de certains agents économiques, l’installation de cette crise sanitaire dans la durée et l’absence de visibilité quant à la réouverture des frontières influencent également l’attractivité du territoire", lit-on dans la synthèse du Cerom.

"Les risques de pénurie de compétences et de spécialistes dans certaines branches se font sentir, dans un contexte où les flux migratoires étaient déjà défavorables. Certaines activités se trouvent ralenties ou désorganisées."

  • Les effets secondaires des mesures de soutien

En 2020, la priorité était de sauvegarder la trésorerie des entreprises. Il fallait à tout prix éviter les effets en cascade : délai de paiement, défaillance, cessation, pertes d’emploi… Les dispositifs de soutien ont montré leur efficacité, relève le Cerom. "Mais ne sont pas sans effets sur la fragilité des entreprises." 

Dans un contexte toujours perturbé pour certaines sociétés, comment rembourser les prêts garantis par l’Etat, par exemple ? Selon une enquête de l’IEOM, au premier trimestre 2021, 30 % des entreprises craignaient une défaillance dans les douze mois. Et trois sur cinq jugeaient que leur trésorerie et les délais de paiement s’étaient détériorés.

  • La délicate équation des finances publiques

Comment la Nouvelle-Calédonie va-t-elle passer le cap des 28,6 milliards empruntés à l’AFD avec garantie de l’Etat? "Les préoccupations sur la capacité de désendettement de la collectivité, ainsi que sur le modalités de prise en charge du service de la dette, deviennent plus pregnantes", remarque le Cerom. Plus largement, l’endettement des administrations publiques locales avoisinait déjà les 184 milliards CFP en 2020. Contre 163 en 2019.

Le gouvernement a fait un crédit pour la crise sanitaire qu’il va falloir rembourser et qui va limiter sa capacité d’endettement supplémentaire. On peut avoir un peu plus d’inquiétude sur les années à venir.

Magali Ardoino, IEOM

 

  • "Le calendrier sera déterminant"

"Plus la crise perdure dans le temps, plus les dépenses liées à sa gestion seront importantes (réquisitions d’hôtel, chômage partiel, notamment) et plus les recette fiscales seront incertaines." Pour rappel, en 2020, la Nouvelle-Calédonie a dépensé:

  • 2,8 milliards en réquisitions d’avion.
  • 1,2 milliard en réquisition d’hôtels.
  • 2,5 milliards en dépenses de quatorzaines.
  • 5 milliards en financement de chômage partiel.
  • 3 milliards en reports de cotisations sociales. 

L’équilibre budgétaire des années à venir, préviennent les observateurs, sera particulièrement délicat dès 2022. "L’absence de marge de manœuvre pourrait traduire par des tensions et des arbitrages sur les budgets de fonctionnement et d’investissement des collectivités locales." Et cette situation aggrave les déséquilibres structurels importants qui existaient déjà.

La crise Covid-19 amplifie les difficultés déjà existantes de l’économie calédonienne. Elle accentue également les disparités entre les entreprises, les secteurs et les ménages.

Note du Cerom


Lisez la note complète :


Ecoutez aussi les explications de Magali Ardoino pour l'IEOM, recueillies par Stéphanie Chenais :